Télévision : les sanctions graduées contre les chaînes ne sont "pas efficaces", selon l'ancien président du CSA Olivier Schrameck

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Télévision : l'ancien président du CSA Olivier Schrameck dénonce l'attitude de Cyril Hanouna
Olivier Schrameck était auditionné jeudi 7 mars 2024. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 7 mars 2024 à 17:54, mis à jour le Lundi 11 mars 2024 à 16:06

Auditionné ce jeudi 7 mars par la commission d'enquête sur l'attribution et le contrôle des fréquences de la TNT, l'ancien président du CSA, Olivier Schrameck, a dénoncé l'inefficacité des sanctions graduées infligées par l'autorité de contrôle - l'Arcom - aux chaînes de télévisions en cas de non-respect de leurs obligations. Il a également révélé une "tentative d'influence" de François Hollande, alors président de la République, lui ayant fait part de "réserves" à propos de candidats potentiels à la tête de France Télévisions.

Le pouvoir de sanction de l'Arcom est-il inefficace ? C'est en tout cas ce qu'affirme l'ancien président du conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA, aujourd'hui renommé Arcom), Olivier Schrameck (janvier 2013-janvier 2019). Le haut fonctionnaire était auditionné jeudi 7 mars 2024 par la commission d’enquête "sur l’attribution, le contenu et le contrôle des autorisations de services de télévision à caractère national sur la télévision numérique terrestre".

Interrogé par le rapporteur de la commission d'enquête, Aurélien Saintoul (La France insoumise), sur l'efficacité des sanctions graduées - qui pouvaient être prises à son époque par le Conseil supérieur de l'audiovisuel et aujourd'hui par l'Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique - vis-à-vis des chaînes de télévision manquant à leurs obligations, Olivier Schrameck a clairement répondu : "Monsieur le rapporteur, [cette stratégie] n'est pas efficace". Et d'évoquer une "procédure extrêmement complexe", notamment en raison du "cadre constitutionnel et législatif" qui l'encadre.

C'est un rapporteur indépendant, aujourd'hui un conseiller d'Etat, qui "prend complètement la maîtrise des dossiers en phase d'instruction", explique Olivier Schrameck, qui affirme que "sa personnalité" a donc une "très grande importance". "Le rapporteur peut décider tout simplement de ne pas lancer de procédure et [les 9 membres du] collège [de l'Arcom] n'y [peuvent] rien."

Par ailleurs, la réaction de l'Arcom doit être graduée. Sur son site Internet, l'autorité indépendante précise que "prévenir avant de sanctionner, telle est la mission de l'Arcom". En cas de manquement, trois niveaux de réaction sont donc possibles : 

  1. La lettre de rappel à la réglementation
  2. La lettre de mise en garde
  3. La mise en demeure

La loi prévoit que toute sanction doit être précédée d'une mise en demeure. La durée d'une mise en demeure est "limitée à 5 années désormais", a regretté Olivier Schrameck. De plus, celle-ci "ne peut provoquer, en cas de récidive, une sanction que si le manquement est exactement de même nature". Or "il existe, pour les juristes habiles qui conseillent [les chaînes de télévision], un éventail de possibilités qui permettent d'échapper à l'hypothèque pendant cinq années de la mise en demeure". 

Olivier Schrameck juge la "procédure extrêmement lourde" : "Mise en garde préalable à la mise en demeure, tout ça est très long, observations parfois encore en amont...", a regretté l'ancien président du CSA, qui a évoqué un "petit nombre de procédures par rapport aux manquements et errements éventuels".

Le groupe Canal+ soutient Cyril Hanouna

Une prise de position qui fait écho aux propos de Maxime Saada, le président du directoire du groupe Canal+, auditionné par la commission d'enquête le jeudi 29 février. Interrogé sur la sanction de 3,5 millions d'euros infligée par l'Arcom à C8, après une séquence diffusée dans l'émission de Cyril Hanouna "Touche pas à mon poste", celui-ci a jugé l'amende "complètement disproportionnée".

Avant de louer la "spontanéité" de l'animateur star du groupe Canal+ : "Il est en direct, il prend un risque, nous prenons un risque, c'est ce qui explique son succès, et c'est un risque que nous assumons pleinement." "On constate donc que les amendes de l'Arcom ne sont pas dissuasives", a commenté en retour le rapporteur Aurélien Saintoul.

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Olivier Schrameck s'est plaint par le passé de l'attitude qu'a pu avoir Cyril Hanouna à son encontre, évoquant une "campagne de dénigrement, de moqueries". Jeudi, le haut fonctionnaire a évoqué des comportements visant à "avilir le collège et [sa] personne". "Est-ce que vous considérez que le CSA à l'époque l'objet d'une tentative d'intimidation ?", lui a demandé le rapporteur de la commission d'enquête, Aurélien Saintoul.

"La réponse est positive", a répondu Olivier Schrameck aux députés présents. "Il n'y a pas eu une voix, ni au Parlement, ni dans l'exécutif qui ait défendu l'indépendance et l'autorité du CSA", a également regretté Olivier Schrameck. Cyril Hanouna sera auditionné par la commission d'enquête jeudi 14 mars, tandis que Vincent Bolloré le sera la veille. 

Une "tentative d'influence" de François Hollande ?

Olivier Schrameck a également évoqué le rôle de François Hollande, qui était président de la République pendant qu'il dirigeait le CSA. "Je n'ai reçu, à une exception près, aucune tentative d'influence, ou encore moins de pression de sa part", a-t-il déclaré. Relancé deux fois, Olivier Schrameck a révélé que l'ancien chef de l'Etat avait, "au cours d'une conversation indiqué à l'expérience des réserves qu'il pouvait avoir sur une ou deux personnalités" potentiellement candidates à la présidence de France Télévisions

"Le président de la République n'a pas fait un quelconque tri entre les candidats", a précisé le haut fonctionnaire, expliquant n'avoir pas tenu compte de sa remarque et n'en avoir pas parlé aux membres du collège du CSA.

"Olivier Schrameck, a fait part de pressions illégales reçues par le Président François Hollande dans le cadre de la nomination du PDG de FranceTV. Information grave et inédite", a pour sa part réagi sur X (ex-Twitter) le président de la commission d'enquête, Quentin Bataillon.

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