L’opposition critique le maintien de Richard Ferrand au perchoir, la majorité affiche son soutien

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par Jason WielsStéphanie Depierre, le Jeudi 12 septembre 2019 à 14:43, mis à jour le Lundi 9 mars 2020 à 15:09

Le président de l'Assemblée nationale peut-il se maintenir à son poste ? La question agite les députés depuis l'annonce mercredi dans la nuit de sa mise en examen dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne.

Les règles en vigueur pour un ministre valent-elles pour un député, a fortiori le président de l'Assemblée nationale ? C'est le débat qu'ouvre la mise en examen de Richard Ferrand mercredi par la justice, après près de quinze heures d'interrogatoire. L'élu du Finistère est soupçonné de "prise illégale d'intérêts" dans l'affaire des Mutuelles de Bretagne.

Une première enquête sur ce même dossier, lancée en juin 2017 après des révélations du Canard enchaîné, avait poussé l'éphémère ministre de la Cohésion des territoires à quitter le gouvernement un mois à peine après sa nomination. Devra-t-il également quitter ses fonctions de quatrième personnage de l'État ?

"Le président de l’Assemblée nationale est déterminé à poursuivre la mission que lui ont confiée ses pairs et ses électeurs", a aussitôt fait savoir son équipe par communiqué pour couper court à toute rumeur de démission. "Évidemment, il doit rester président de l'Assemblée nationale", soutient également Gilles Le Gendre, le président du groupe La République en marche à l'Assemblée, qui se dit "convaincu que l'examen des faits démontrera l'intégrité totale" de son collègue.

Du côté de l'exécutif, Sibeth Ndiaye estime qu'"il n'y a pas de logique politique" à ce qu'il démissionne, car "un membre du gouvernement est nommé, un parlementaire est élu ; quand on est président de l'Assemblée nationale, on est élu deux fois". La majorité réfute donc toute équivalence, même de principe, entre un ministre et un parlementaire mis en cause dans une affaire judiciaire. Sur Europe 1, la porte-parole du gouvernement a précisé qu'Emmanuel Macron conservait "toute sa confiance" en Richard Ferrand.

Appels à la démission

Mais certains membres de l'opposition ne l'entendent pas de cette oreille, à commencer par le vice-président de la commission des lois Philippe Gosselin :

Politiquement, je constate que c'est la panique à bord ! Tout le monde a bien senti que c'est catastrophique pour la majorité.Philippe Gosselin, le 12 septembre 2019

Le député LR s'interroge ouvertement sur le maintien de Richard Ferrand en poste : "Comment présider, représenter l’institution, diriger des débats dans ces conditions ?"

Plus direct, Nicolas Dupont-Aignan demande sa démission. Le président de Debout la France estime désormais que "macronisme rime avec affairisme", rappelant plusieurs affaires qui touchent les responsables de la majorité, comme le dossier sur les soupçons d'emplois fictifs au Modem :

Dans un autre registre, Olivier Faure (PS) demande lui aussi le retrait de Richard Ferrand de ses fonctions : "La mise en examen ne signe pas la culpabilité mais la sérénité du débat public suppose que ceux qui exercent des fonctions institutionnelles nationales démissionnent en attendant la décision de justice", appelle le premier secrétaire du PS et ex-camarade de banc avec Richard Ferrand sous la précédente législature.

La majorité gênée en off

Malgré le soutien du chef de l'Etat au président de l'Assemblée, qui fait partie de son premier cercle, des députés de La République en marche commencent à grincer des dents. "Après François de Rugy, ça va faire beaucoup pour les Français... Cela risque d'alimenter le discours du 'tous pourris'", reconnaît un parlementaire de la majorité. "C’est clair que ça va alimenter la défiance", souffle un autre loin des micros.

"Ce qui peut lui sauver la mise, c'est que beaucoup d'autres responsables d'opposition font l'objet de poursuites judiciaires", tente de se consoler un troisième élu LaREM. Avant de souligner aussitôt, très pragmatique : "Et on a personne en interne pour le remplacer..."

Face à cette situation, le juge de paix viendra peut-être de l'opinion elle-même. Comme le résume dans un tweet François Cornut-Gentille (LR), "la question n'est pas de savoir si le président de l'Assemblée a la confiance du président de la République, mais si la Représentation nationale peut conserver dans ces conditions la confiance de ceux qu'elle représente".