Audiovisuel public : création d'une holding, projet de fusion... Feu vert en commission à la réforme voulue par le gouvernement

Actualité
Image
Rachida Dati LCP 14/05/2024
Rachida Dati à l'Assemblée nationale (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 14 mai 2024 à 22:20, mis à jour le Mercredi 15 mai 2024 à 09:17

La commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale a approuvé, ce mardi 14 mai, la création d'une holding de l'audiovisuel public, qui regrouperait France Télévisions, Radio France, et l'INA, à compter de 2025. La fusion de ces entreprises, à l'horizon 2026, a également été approuvée. A ce stade, France Médias Monde a, en revanché, été retiré de ce rapprochement, contre l'avis du gouvernement.

Les députés de la commission des affaires culturelles et de l'éducation ont validé, ce mardi 14 mai, la création d'une holding de l'audiovisuel public. Si la réforme actuellement en cours d'examen va à son terme, cette nouvelle entité appelée "France Médias", regroupera France Télévisions, Radio France, et l'INA (Institutit national de l'audiovisuel), à compter de 2025. Ce regroupement doit permettre de faire face au "risque d'affaiblissement du service public, dans un contexte de concurrence exacerbée" a notamment expliqué la ministre de la Culture, Rachida Dati, estimant que "l'audiovisuel public doit se rassembler pour se renforcer".

Cette réforme, souhaitée dès son premier mandat à l'Elysée par Emmanuel Macron, est inscrite dans une proposition de loi d'origine sénatoriale. Mais l'exécutif compte aller plus loin, en prévoyant la fusion des entreprises de l'audiovisuel public en 2026. "Le moment politique est venu", a considéré Rachida Dati. "La création d'une holding paraissait être une bonne idée. Mais la fusion permettrait d'éviter la création de nouvelle strates", a souligné la co-rapporteure du texte, Fabienne Colboc (Renaissance).

Le caractère transitoire de la holding, chargée d'assurer la "fusion-absorption" des différentes sociétés qui la composeront, a été acté mardi après-midi, lors du vote d'une première série d'amendements, dont l'un qui était proposé par le gouvernement. Cette réforme aboutirait in fine à la création d'une société regroupant 16 000 salariés et dotée d'un budget de quatre milliards d'euros.

Contre l'avis du gouvernement, France Média Mondes - qui regroupe notamment France 24 et RFI - a toutefois été exclu de la holding et donc de la fusion, à ce stade des discussions. "Si France Médias Monde venait à être exclu de la holding, je me ferais du souci pour son avenir", a alerté, sans succès, l'autre co-rapporteur du texte, Jean-Jacques Gaultier (Les Républicains). L'opportunité d'inclure "l'audiovisuel extérieur" dans la réforme a fait débat jusqu'au sein du camp présidentiel. Laurent Esquenet-Goxes (Démocrate) a ainsi pointé "l'importance de ne pas aller trop loin, trop vite". Plusieurs députés du groupe Renaissance y étaient également opposés.

Des débats vifs et engagés

La discussion générale a été l'occasion de débats engagés, les députés de gauche étant farouchement opposés à la réforme. Ségolène Amiot (La France insoumise) l'a notamment comparée à l'ORTF. "Le Président Macron rêve d'un retour à la TV du Général [de Gaulle]", a-t-elle cinglé, y voyant "l'aboutissement du processus incessant de dénigrement et de fragilisation de l'audiovisuel public". "Ce que vous voulez, c'est un audiovisuel public très faible, pour ne pas qu'il soit accessible au plus grand nombre. Vous leur refusez, par pure idéologie", a rétorqué Rachida Dati.

Alors que la BBC anglaise est souvent érigée en modèle de la réforme souhaitée par l'exécutif, Iñaki Echaniz (Socialistes) a pointé l'affaiblissement de l'institution britannique, "qui a supprimé 1800 emplois et perdu 30 % de son budget depuis 2010".  "Cette fusion amenée en catimini risque d'affaiblir la radio", a-t-il déploré. Comme lui, plusieurs élus ont estimé que la réforme visait surtout à faire des économies. Une accusation dont s'est défendue la majorité présidentielle. 

"On marche sur la tête. Nous devrions nous occuper du problème de la concentration dans les médias" a, par ailleurs, affirmé Sophie Taillé-Polian (Ecologiste), qui a fait part de son inquiétude concernant les informations faisant état d'une possible vente de l'hebdomadaire Marianne au milliardaire Pierre-Edouard Stérin. "Ce n'est pas le retour de l'ORTF qui va concurrencer Netflix. Je n'ose même pas imaginer ce qui va arriver à l'orchestre de Radio France", s'est-elle inquiétée. 

Signe de l'ambiance tendue lors des débats, un vif échange a opposé la ministre à Benjamin Lucas (Ecologiste), ce dernier lui reprochant ses "silences assourdissants" et sa "détestation du service public". "Vos accusations et vos oukases, vous les gardez pour vous", lui a répondu Rachida Dati, excédée par le "ton comminatoire" du député. L'échange s'est terminé hors micro, aucun des deux protagonistes ne souhaitant en rester là.

Dans la soirée, les députés ont achevé l'examen du texte. Ils ont notamment adopté l'amendement gouvernemental organisant la fusion des entreprises de l'audiovisuel public en une seule entité. Sans débat, mais à l'issue d'un scrutin public, plutôt rare en commission. L'ensemble du chapitre II présent dans la proposition initiale a été supprimé par voie d'amendements gouvernementaux, afin de ne pas percuter les Etats généraux de l'information, vaste consultation lancée en octobre 2023 pour réfléchir au futur des médias. Cette décision de procéder à un dépeçage du texte a néanmoins provoqué la colère des députés de gauche. "Ce n'est pas respectueux du travail [du sénateur] Lafon", a déploré Sophie Taillé-Polian, qui a évoqué une "proposition-projet de loi". Le texte, ainsi modifié par la commission, est  inscrite pour un débat, en première lecture, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale jeudi 23 et vendredi 24 mai.