Municipales : une loi de précaution pour anticiper "le risque éventuel" d'une annulation du second tour

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Image des élections municipales du 15 mars 2020, des personnes masquées dépouillent le scrutin.
Des assesseurs portent des masques et des gants pour procéder au dépouillement du premier tour des élections municipales, le 15 mars 2020, à Strasbourg. FREDERICK FLORIN, AFP.
par Maxence Kagni, le Jeudi 4 juin 2020 à 10:50, mis à jour le Vendredi 5 juin 2020 à 08:19

Selon le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le second tour des élections municipales aura bien lieu le 28 juin. L'Assemblée nationale examine vendredi un texte prévoyant par précaution l'hypothèse d'une annulation de ce second tour pour des raisons sanitaires. 

Que se passerait-il si, pour des raisons sanitaires, le second tour des élections municipales, prévu le 28 juin, ne pouvait finalement pas avoir lieu ? C'est à cette question que répondront vendredi les députés en examinant dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale le projet de loi "portant annulation du second tour du renouvellement général des conseillers municipaux et communautaires" et "organisation d'un nouveau scrutin dans les communes concernées". 

Selon le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, le texte "permet de nous préparer à toutes les éventualités" et organise la réponse de l'Etat en cas de résurgence de l'épidémie de coronavirus.

"Aucun indicateur ne nous laisse penser" qu'une telle hypothèse se concrétisera, a martelé mardi en commission des lois le ministre, qui évoque un simple "risque éventuel".

Il ne s'agit pas, en discutant de ce texte, de laisser planer le doute sur l'échéance qui est celle du 28 juin. Christophe Castaner

Consultation du comité scientifique

Les dispositions de ce projet de loi ne concernent pas les 30.143 communes dans lesquelles le premier tour a permis de constituer l'intégralité du conseil municipal. Dans ce cas, l'élection est réputée "acquise".

Pour les 4.855 autres communes, le texte prévoit que s'il n'est pas possible d'organiser le second tour des élections le 28 juin, celui-ci sera tout simplement annulé et non pas reporté. De nouvelles élections auraient alors lieu avec des modalités différentes selon la taille des communes concernées. 

Le cas échéant et conformément à un amendement adopté en commission, cette annulation "devra être prévue par un décret en Conseil des ministres après consultation du comité scientifique et information du Parlement".

Au plus tard en janvier 2021

Dans les communes de plus de 1.000 habitants, les résultats du premier tour organisé le 15 mars 2020 seraient annulés. Une nouvelle élection à deux tours serait ensuite organisée, au plus tard au mois de janvier 2021. 

Dans les communes de moins de 1.000 habitants, les conseillers municipaux élus lors du premier tour de mars 2020 conserveraient leurs sièges. Les sièges vacants seraient attribués après un nouveau scrutin à deux tours.

Les mandats des conseillers municipaux en exercice avant l'élection du 15 mars 2020 seraient alors prolongés jusqu'à l'élection des nouveaux conseils. 

Le projet de loi reporte également à mai 2021 les élections consulaires.

Des reports "ciblés" ?

Devant les parlementaires, Christophe Castaner a évoqué une autre possibilité : le report "ciblé", par décret, des élections municipales dans des territoires qui seraient touchés par une résurgence de l'épidémie.

Un amendement pourrait être défendu vendredi en séance publique "pour prévoir dans la loi une base juridique" à un tel dispositif.

"Sincérité démocratique"

Lors de l'examen du texte en commission, le député Les Républicains Raphaël Schellenberger a mis en cause "la mascarade qui s'est jouée pour le premier tour".

Selon lui, les annonces d'Edouard Philippe le 14 mars 2020, c'est-à-dire la veille du premier tour, ont "fait s'effondrer la participation" : "Cela remet en doute la sincérité démocratique de ce scrutin", a assuré l'élu.

Raphaël Schellenberger regrette également les conditions dans lesquelles se tiendront les trois semaines de la campagne électorale de juin 2020 : "On [saura] qu'après une semaine si on peut aller voter au bout de la troisième."

La députée Libertés et Territoires Sylvia Pinel a quant à elle dénoncé un "imbroglio politique et juridique unique en son genre". Selon elle, la tenue du second tour le 28 juin pose des questions sur la "sincérité du scrutin" en raison notamment "du déroulement de la campagne elle-même".

Deux procurations possibles le 28 juin

Le projet de loi précise également certaines modalités d'organisation du second tour prévu le 28 juin. Ainsi, il sera possible pour un électeur de recueillir deux procurations, au lieu d'une en temps normal. Mais dans tous les cas, le mandataire devra voter dans la même ville que les électeurs qui lui confieront une procuration. 

Christophe Castaner a rappelé devant les députés que les personnes souhaitant voter par procuration n'auront pas besoin de justifier ce choix, par une obligation professionnelle ou des problèmes de santé par exemple. 

Les procurations faites pour le second tour de mars sont valables pour le second tour qui sera finalement organisé en juin 2020, a également précisé le ministre.

LaREM s'oppose au vote par correspondance

Lors des débats, le député La République en Marche Sacha Houlié a, en revanche, exprimé l'opposition de son groupe au vote électronique, jugé "non sécurisé et inapplicable dans des délais aussi courts".

L'élu a également critiqué le "surcoût" du vote par correspondance, estimé à 80 millions d'euros, et pointé des risques de "lourdeur" et de "fraude". "Le vote par correspondance nécessiterait de toute façon un déplacement au bureau de poste qui serait équivalent au bureau de vote", a ajouté le député LaREM.

Cette question du vote par correspondance pourrait être à nouveau abordée en séance publique, notamment par les députés Les Républicains et les membres du groupe Libertés et Territoires. Christophe Castaner s'est, pour sa part, dit mardi soir prêt à "mettre en place un groupe de travail dans le cadre de la commission des lois" sur ce thème.