Gouvernance de la sûreté nucléaire : l'Assemblée nationale ouvre la voie à la fusion entre l'ASN et l'IRSN

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Centrale nucléaire de Golfech, dans le sud-ouest de la France. © Matthieu RONDEL / AFP
Centrale nucléaire de Golfech, dans le sud-ouest de la France. © Matthieu RONDEL / AFP
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 13 mars 2024 à 00:27, mis à jour le Lundi 18 mars 2024 à 16:35

Après son rejet l'année dernière dans le cadre du projet de loi sur la relance du nucléaire, puis sa suppression en commission il y a une semaine, l'article prévoyant la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - défendue par le gouvernement et la majorité comme une nécessité, mais critiquée par la plupart des groupes d'opposition - a été rétabli, lors des débats dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 mars.  

Un an après une première tentative infructueuse, le gouvernement est parvenu à obtenir un vote favorable à l'Assemblée nationale pour réformer la gouvernance de la sûreté nucléaire

Examiné en première lecture par les députés après son adoption par le Sénat, le projet de loi relatif "à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire" prévoit de créer une nouvelle autorité administrative indépendante en fusionnant les deux instances qui régissent aujourd'hui la sûreté nucléaire en France : l'autorité de contrôle, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) - le gendarme du nucléaire - et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) - l'expert du secteur.

"Nouvelle ère du nucléaire"

Depuis 2022, face au renchérissement des prix des énergies fossiles et au constat d'une "perte de souveraineté énergétique de la France", le gouvernement a fait part de sa volonté d'ouvrir d'ici 2050 six nouveaux EPR et de développer des réacteurs nucléaires de plus petite taille, les petits réacteurs modulaires (small modular reactors, ou "SMR"), tout en prolongeant l'exploitation de réacteurs nucléaires vieillissants dans le cadre du "grand carénage".

C'est dans ce contexte, qualifié de "nouvelle ère du nucléaire" par Maud Bregeon (Renaissance), que le gouvernement, soutenu par les groupes de la majorité présidentielle (Renaissance, Démocrate, Horizons), plaide pour une refonte de la gouvernance du nucléaire. Pour le ministre délégué chargé de l'Industrie et de l’Energie, Roland Lescure, la création de l'Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection (ASNR) est nécessaire pour "accélérer les procédures et simplifier" et "concentrer les talents de la sûreté nucléaire et de la radioprotection".

"Ce texte n'est pas bien ficelé"

Supprimée lors de son examen en commission il y a quelques jours, rejetée l'année dernière, la fusion entre l'ASN et l'IRSN a finalement été votée par l'Assemblée près d'un an après avoir été sortie du projet de loi sur la relance du nucléaire, afin d'être retravaillée. 

Dans la nuit du mardi 12 au mercredi 13 mars, les députés ont rétabli par 206 voix contre 117 cet article clé du texte en cours d'examen. Le vote a eu lieu dans une ambiance électrique, après une suspension de séance et une série de rappels au règlement. Outre la majorité, le Rassemblement national et une partie des Républicains ont voté en faveur de la fusion. 

Concrètement, l'amendement de rétablissement de l'article 1er du gouvernement prévoit la création de l'ASNR, notamment chargée d'une "mission générale d'expertise, de recherche et de formation dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection", et de mener une "veille permanente en matière de radioprotection sur le territoire national". A partir du 1er janvier 2025, les activités de l'expert du secteur, l'IRSN, seraient désormais intégrées dans l'ASN actuelle, renommée ASNR, dont le fonctionnement collégial sera défini par un règlement intérieur rendu public (article 2).

Si Roland Lescure a indiqué que "la priorité de notre gouvernement, c’est la sûreté de nos installations, et la sécurité de nos concitoyens", la plupart des groupes d'oppositions ont fait part de leurs réserves face aux arguments du gouvernement, voire de leur rejet de la réforme. C'est notamment le cas du groupe Libertés, Outre-mer, Indépendants et Territoires (Liot), qui a défendu une motion de rejet préalable du texte lundi soir, face à un texte "pas bien ficelé", selon le député Benjamin Saint-Huile (LIOT), rapporteur de la motion, finalement rejetée.

Du "démantèlement" de la sûreté nucléaire craint par Julie Laernoes (Ecologiste) aux "doutes profonds" émis par Raphaël Schellenberger (Les Républicains), les débats ont mis en lumière les réserves et les tentatives, à défaut d'empêcher la fusion, d'infléchir le projet du gouvernement, notamment quant à la nature juridique de la future autorité. Entre autorité administrative indépendante, une forme juridique soutenue par le gouvernement, le rapporteur et le seul syndicat représentatif de l'ASN, l'UNSP-FO, et autorité publique indépendante, demandée par l'intersyndicale de l'IRSN, appuyée par des députés de plusieurs groupes.

La création de la nouvelle autorité - principale mesure du texte - ayant été approuvée, l'examen du projet de loi se poursuivra mercredi 13 mars. Outre la refonte de la gouvernance de la sûreté nucléaire, le projet du gouvernement prévoit plusieurs dispositions relatives à l'"adaptation des règles de la commande publique aux projets nucléaires". Le vote solennel prévu sur ce texte à l'Assemblée nationale aura lieu mardi 19 mars après la séance de Questions au gouvernement.