Condamnations pour homosexualité avant 1982 : la commission des lois de l'Assemblée rétablit le mécanisme de réparation

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Hervé Saulignac (PS) LCP 28/02/2024
Hervé Saulignac (Socialistes et apparentés), rapporteur de la proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité avant 1982
par Raphaël Marchal, le Mercredi 28 février 2024 à 18:20, mis à jour le Mercredi 28 février 2024 à 18:37

La commission des lois de l'Assemblée nationale a examiné et adopté, ce mercredi 28 février, la proposition de loi portant "réparation des personnes condamnées pour homosexualité" avant 1982. Les députés ont notamment rétabli le principe d'une réparation financière, qui avait été supprimé par les sénateurs lorsqu'ils avaient examiné le texte en novembre dernier. 

La commission des lois de l'Assemblée nationale a ouvert la voie à la réhabilitation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1942 et 1982, ce mercredi 28 février, en adoptant la proposition de loi initialement présentée par le sénateur Hussein Bourgi (groupe Socialiste, écologiste et républicain). En outre, lors de l'examen du texte en commission, les députés sont revenus sur plusieurs modifications majeures qui avaient été votées par les sénateurs, jusqu'à l'avoir "vidé de sa substance", selon les mots d'Hervé Saulignac (Socialistes), le rapporteur de la proposition de loi à l'Assemblée nationale. 

En novembre dernier, le Sénat avait notamment supprimé le mécanisme de réparation financière, prévu par le texte initial, à l'endroit des personnes condamnées en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée. "La droite sénatoriale a tenté d'absoudre l’Etat de ses responsabilités. Reconnaître sans réparer, ce n'est pas reconnaître pleinement", a tancé Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine).

En commission, les députés ont donc rétabli le principe d'une réparation en adoptant trois amendements identiques issus des groupes Renaissance, La France insoumise et Ecologiste, fixant à 10 000 euros l'allocation prévue, adjointe d'une somme de 150 euros par jour de privation de liberté, le cas échéant. "Indemniser les victimes, c'est une question de dignité pour les personnes concernées", a complété Benjamin Lucas. D'autant que la forme financière garantit d'échapper à la prescription quadriennale, a fait remarquer David Valence (Renaissance).

1942 ou 1945 ?

La commission des lois a également élargi le périmètre temporel de la loi, en réinstaurant celle qui avait été retenue par Hussein Bourgi. Le Sénat avait en effet retenu l'intervalle 1945-1982, afin de ne pas faire de parallèle entre l'administration du régime de Vichy et la République française. Or, la principale loi incriminée, celle qui introduit une distinction dans l'âge de consentement selon les rapports hétérosexuels ou homosexuels, datait de 1942.

"Le Sénat a fait preuve de frilosité", a jugé Hervé Saulignac. "Il ne s'agit pas d'endosser ce que le régime de Vichy a pu commettre, mais de reconnaître", a-t-il complété, tout en soulignant que les discriminations n'ont pas cessé en 1945 - la législation a d'ailleurs été durcie en 1960 avec la création d'un "caractère aggravant d'homosexualité". En adoptant un amendement de David Valence, la commission a rétabli la période initiale, préférant cependant faire peser la responsabilité de la discrimination commise sur la "Nation" - plus que sur la "République" - française. "Cela évite de laisser penser qu'il y a une responsabilité de la République à l'égard des actes pris par le régime de Vichy", a-t-il relevé, évoquant une rédaction "ambitieuse".

L'absence des députés LR et RN remarquée 

Plusieurs députés de gauche n'ont pas manqué de souligner la discrétion des groupes Les Républicains et Rassemblement national au cours des échanges. "Il est très étonnant de constater que la droite et l'extrême droite aient décidé de boycotter cette séance. Quand cela concerne les droits des homosexuels, [ils] n'en ont strictement rien à faire", a cinglé Andy Kerbrat (La France insoumise), au moment où les débats portaient sur la réintroduction de la réparation financière.

"Je crois que cela éclaire bien des discours et bien des ambiguïtés les concernant", a poursuivi Benjamin Lucas. L'ensemble des groupes qui composent l'Assemblée nationale auront néanmoins l'occasion d'exprimer leur avis sur le texte lors de son examen dans l'hémicycle du Palais-Bourbon la semaine prochaine, mercredi 6 mars.