Comment les juges de l’asile font face à l’inflation des demandes

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Couverture : Comment les juges de l’asile font face à l’inflation des demandes
par Jason Wiels, le Mercredi 25 septembre 2019 à 17:27, mis à jour le Lundi 9 mars 2020 à 14:59

En 2018, 59 000 dossiers ont été déposés devant la Cour nationale du droit d'asile, chargée d'examiner les dossiers des demandeurs déboutés. Un chiffre record. Et l'année 2019 devrait connaître la même intensité.

C'est la conséquence directe de la hausse continue des demandes d'asile en France en quelques années. Alors que le pays a connu un pic de plus de 120 000 demandes d'asile l'année dernière, le nombre de recours examinés devant la Cour nationale du droit d'asile a presque doublé en dix ans. Auditionnée mercredi à l'Assemblée nationale, la présidente de la CNDA Dominique Kimmerlin a signalé que la juridiction a statué sur 47 314 recours en 2018 (25 027 en 2008).

Un record, qui devrait tomber dès 2019, puisque la CNDA anticipe le jugement d'environ 67 000 dossiers. Une inflation qui s'explique aussi par la gestion du stock des demandes : 58 671 recours ont été déposés en 2018, un chiffre là aussi historique qui devrait s'établir à un niveau à peine inférieur cette année.

Le tribunal, situé à Montreuil (Seine-Saint-Denis), examine en première instance et en appel les demandes des déboutés du droit d'asile par Office français de protection des réfugiés et apatrides. Plus de 8 déboutés sur 10 saisissent la CNDA pour espérer obtenir le statut de réfugié, ce qui explique la croissance parallèle des demandes d'asile et du nombre de recours déposés.

Dans le détail, les ressortissants de dix pays concentrent à eux seuls "55% des demandes" :

Délais de traitement stables, doublement des effectifs

Pour autant, Dominique Kimmerlin a insisté sur la bonne tenue des délais de traitement des dossiers, soit 6 mois et 22 jours en moyenne. "Nous avons réussi à diviser par deux la durée des délais en dix ans", explique-t-elle. La moyenne est en légère hausse depuis l'année dernière (+ 7 jours), la faute là encore à l'augmentation continue des demandes de recours.

En seulement deux ans, la CNDA a bénéficié d'un renfort de ses moyens assez unique dans le monde de l'administration, puisqu'elle a plus que doublé ses effectifs. "Nous sommes passés de 300 à plus de 650 agents à l'heure actuelle, et nous allons encore accueillir de nouveaux agents, témoigne Dominique Kimmerlin. Nous vivons une croissance exponentielle (...) qui représente énormément de travail en recrutement, formation, intégration, assimilation et harmonisation."

La "visio-audience" en pause

Outre la croissance des recours, l'autre enjeu majeur de la CNDA est la mise en oeuvre des audiences vidéo à grande échelle. En effet, la loi asile et immigration, entrée en vigueur en septembre 2018, impose la "visio-audience" à tous les requérants situés hors Île-de-France. Le site de Montreuil et les cours d'appel de Nancy et de Lyon se sont équipés en conséquence.

Sauf que le sujet fait l'objet d'un blocage des avocats, qui dénoncent "une mesure qui éloigne le justiciable de son juge". "Des négociations sont en cours", a indiqué Dominique Kimmerlin. Elle fait de son côté plutôt l'éloge de cette nouvelle règle, qui s'appliquait déjà de fait pour les personnes déposant un recours en Outre-Mer, comme à Mayotte.

Mais avec seulement une vingtaine de visio-audiences réalisées depuis un an, elle explique néanmoins qu'il est impossible de tirer un bilan de la mesure tant que le boycott des avocats persiste.