L'Assemblée adopte définitivement un PLFSS bouleversé par la crise sanitaire

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Romain Longieras / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence Kagni, le Vendredi 27 novembre 2020 à 10:17, mis à jour le Lundi 30 novembre 2020 à 17:37

Le projet de loi de financement de la Sécurité sociale prévoit un déficit des comptes de la Sécurité sociale de 35,7 milliards d'euros en 2021. Le texte met en oeuvre certaines dispositions du Ségur de la santé et crée une cinquième branche dédiée à la prise en charge de la perte d'autonomie. 

L'Assemblée nationale a adopté définitivement lundi 30 novembre le projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2021 (67 pour, 39 contre).

Les députés "La République en Marche", "MoDem" et "Agir ensemble" ont soutenu le texte. Les groupes "Les Républicains", "Socialistes", "Libertés et Territoires", "La France insoumise" et "Gauche démocrate et républicaine" ont voté contre.

Déficit aggravé

Le projet de loi, fortement marqué par les conséquences de la crise du Covid-19, n'a cessé d'évoluer au cours de son parcours législatif. Premier constat : la pandémie - et les diverses mesures adoptées pour y faire face - ont largement creusé le "trou de la Sécu" : le déficit des comptes de la Sécurité sociale sera de 49 milliards d'euros en 2020. Il devrait être de 35,7 milliards en 2021. 

Les chiffres n'ont cessé de s'aggraver tout au long de l'examen du texte, atteignant des hauteurs proches de la "science-fiction", selon le ministre de la Santé Olivier Véran. 

En 2024, le déficit global pour l’ensemble des régimes obligatoires atteindrait 21,6 milliards d'euros. Amendement gouvernemental

Faire face à la crise

Le PLFSS 2021 a permis au gouvernement de financer les dispositifs d'exonérations sociales mis en place pour aider les entreprises fermées administrativement ou particulièrement touchées par les mesures de couvre-feu et de confinement. 

En deuxième lecture, le ministre délégué chargé des Comptes publics Olivier Dussopt a annoncé avoir débloqué 3 milliards d'euros supplémentaires afin de muscler encore le dispositif. Ces aides pourraient être prolongées par décret en 2021 si cela est nécessaire.

En tout, les exonérations sociales prévues par ce PLFSS s'élèvent à à 8,2 milliards d'euros.

Pour faire face à ces dépenses, le PLFSS prévoit notamment une "contribution exceptionnelle des organismes d'assurance maladie complémentaires". Assise sur le chiffre d'affaires en santé des organismes complémentaires, elle sera de 1 milliard d'euros en 2020 et de 500 millions d'euros en 2021. 

Par ailleurs, le projet de loi provisionne 1,5 milliard d'euros pour préparer la future campagne vaccinale. 

Ségur de la santé

Le PLFSS met en oeuvre certaines promesses du Ségur de la santé, comme la revalorisation salariale des personnels de santé non-médicaux des hôpitaux et des Ehpad. Elle sera de 183 euros nets dans les établissements publics et privés non lucratifs, de 160 euros nets dans les établissements privés lucratifs.

Les députés ont également ajouté, lors de la première lecture du texte, une enveloppe de 200 millions d'euros en année pleine afin de favoriser une hausse de salaires des aides à domicile. Des négociations entre l'Etat, les partenaires sociaux et les départements devraient conduire en avril 2021 à cette revalorisation salariale. 

Le texte permet également une reprise d'une partie de la dette hospitalière.

Cinquième branche

C'est un des points majeurs du PLFSS : le projet de loi acte la création d'une cinquième branche dédiée à l'autonomie. Dans un premier temps, et dans l'attente de la loi grand âge et autonomie prévue au début de l'année 2021, cette branche contiendra l'ensemble des dépenses actuelles de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) ainsi que l'allocation d'éducation de l'enfant handicapé (AEEH). 

Pour l'heure, a précisé la ministre déléguée chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon cette branche sera financée à hauteur de 2,5 milliards d'euros. Plusieurs députés d'opposition, comme Thibault Bazin (Les Républicains) ou Pierre Dharréville ont jugé ce dispositif "sous-financé".

Congé paternité

Le PLFSS double la durée du congé paternité, qui passera en juillet de 14 à 28 jours, dont 7 obligatoires. Le congé pour adoption est quant à lui porté de 10 à 16 semaines.

Les députés ont également intégré dans le texte la proposition de loi de l'ancien député Gilles Lurton qui prévoit de verser la prime de naissance au septième mois de la grossesse et non plus deux mois après la naissance de l'enfant. 

Par ailleurs, le texte crée un "forfait" de 18 euros qui devra être acquitté par les patients se rendant aux urgences sans être ensuite hospitalisés. Ce forfait sera cependant pris en charge par les complémentaires santé et n'engendrera donc pas de réelle dépense supplémentaire pour les patients. Il sera réduit à 8 euros pour les patients en affection de longue durée et les invalides de guerre. Les femmes enceintes et les nourrissons de moins d'un mois en seront exonérés.

L'Assemblée nationale a par ailleurs supprimé la disposition, introduite par le Sénat, qui visait à repousser d'un an l'âge de départ à la retraite. 

"Faire toujours plus"

Globalement, le PLFSS est critiqué par l'opposition de gauche, qui évoque des "coupes budgétaires".

Vous entendez retirer à l'assurance maladie quatre milliards d'euros pour 2021, on croit rêver. Caroline Fiat

"Avec vous, nos hôpitaux doivent faire toujours plus sans que les moyens ne suivent", a déploré en deuxième lecture Caroline Fiat (La France Insoumise).

Le communiste Pierre Dharréville a pour sa part dénoncé un texte qui "n'est pas en phase avec les besoins" et qui "n'est pas à la hauteur des enjeux".

Les députés Les Républicains, soutenus par les élus Agir ensemble, ont pour leur part critiqué une des dispositions du texte qui vise à décaler à 2023 la négociation conventionnelle entre les médecins libéraux et l'Assurance maladie. "Une telle prolongation ne permettrait pas la mise en place attendue de nouvelles mesures tarifaires", a notamment déploré Thibault Bazin (LR) en première lecture.