Une proposition de loi pour encourager le contrôle parental sur Internet

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AFP
par Ariel Guez, le Lundi 17 janvier 2022 à 11:18, mis à jour le Lundi 17 janvier 2022 à 16:03

La commission des affaires culturelles a voté la semaine dernière une proposition de loi obligeant les fabricants de smartphones et ordinateurs à installer un système de contrôle parental et à proposer à l’utilisateur son activation lors de la première mise en service de l’appareil. Le texte sera débattu cette semaine dans l'Hémicycle.

Comment protéger les enfants des dangers d'Internet ? C'est la question sur laquelle s'est penchée la commission des affaires culturelles, mercredi 12 janvier, en votant à l'unanimité la proposition de loi "visant à encourager l’usage du contrôle parental sur certains équipements et services vendus en France."  Le contrôle parental est déjà largement répandu auprès des moteurs de recherche (le SafeSearch de Google filtre les contenus à caractère sexuel explicites) ou les applications (Netflix propose par exemple automatiquement, lors de chaque inscription, un compte "jeunesse" où ne sont pas proposés les films et les séries tv qui ne correspondraient pas à un jeune public - thèmes difficiles, images violentes, etc). Mais peu de parents s'en saisissent : seulement 44% ont procédé au paramétrage du smartphone de leur enfant, et 38% y ont installé un logiciel de contrôle parental, selon une enquête de médiamétrie. 

"Nul ne pourra échapper à un message lui demandant s’il souhaite activer le contrôle parental"

L'idée de la proposition de loi est donc d'inciter les parents à se saisir de cette problématique, alors que l'accès à l'écran de manière autonome se fait de plus en plus jeune. Pour toute entreprise qui fabrique des objets proposant l'accès à Internet, le texte prévoit l'interdiction de leur commercialisation s'ils ne disposent pas d’un outil de contrôle parental pré-installé et proposé lors de la première utilisation, "Nul ne pourra échapper à un message lui demandant s’il souhaite activer le contrôle parental", résumait Bruno Studer, rapporteur LaREM du texte, lors des débats en commission des affaires culturelles. 

Ce contrôle ne sera cependant pas automatique, comme le souhaitait pourtant Emmanuel Macron. Lors du 30ème anniversaire de la Convention internationale des droits de l'enfant, en novembre 2019, le chef de l'État s'était ému qu'en moyenne, "on considère que c’est à 13 ans qu’on accède à la pornographie." Dénonçant les "stéréotypes" et "la brutalité" de ces images, il avait appelé les opérateurs à mettre en place un contrôle parental obligatoire. "Je sais que ça gêne beaucoup de plateformes, beaucoup d’opérateurs numériques (...) Dès maintenant, nous préparons la loi. Si dans six mois, nous n’avons pas de solution, nous passerons une loi pour le contrôle parental automatique", déclarait-il à l'époque. "Initialement, j’en envisageais l’activation par défaut. Mais de nombreux obstacles – notamment, mais pas uniquement, de nature juridique – s’y opposent", explique Bruno Studer aujourd'hui. 

Un cadre assez large, qui laisse la main à l'Exécutif

Lors de l'examen du texte en commission, plusieurs amendements ont été adoptés, notamment concernant la gratuité du dispositif : il n'y aura pas de surcoût pour les utilisateurs. Les appareils concernés seront seulement ceux "donnant accès à des services et contenus susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale ou physique de personnes mineures sont équipés d’un dispositif aisément accessible permettant à leurs utilisateurs de restreindre ou de contrôler l’accès de telles personnes à ces services et contenus." Ainsi, les appareils domotiques ne permettant pas la navigation sur Internet ne seront pas concernés. 

Toutefois, le journaliste Benoît Bailleul, directeur de publication d'Android-MT, média spécialisé, interroge sur la formulation du nouveau texte de la commission. La phrase "contenus susceptibles de porter atteinte à l’intégrité morale ou physique de personnes mineures" étant, selon lui, trop floue.

Autre interrogation, soulevée cette fois-ci par Marc Rees, rédacteur en chef de Next'impact. Celui-ci souligne que la commission des affaires culturelles a adopté un amendement laissant la main à l'Exécutif. En effet, si c'est la version du texte issue de la commission qui est votée dans l'Hémicycle, c'est un décret qui précisera les fonctionnalités et caractéristiques minimales du dispositif qui devra être proposé par les fabricants. Le gouvernement pourra par ailleurs interdire la mise sur le marché ou ordonner le retrait ou le rappel des produits non-conformes.

Enfin, concernant les appareils reconditionnés, un amendement visant à prévoir un régime transitoire a été adopté. "L’obligation de s’assurer qu’un dispositif de contrôle parental est aisément accessible et activable sur les équipements vendus ne pourra s’appliquer qu’aux appareils dont la première mise sur le marché est postérieure à l’entrée en vigueur du texte", expliquait Cathy Racon-Bouzon (LaREM) en commission. Dans l’intervalle, les reconditionneurs seront soumis à une obligation d’informer l’utilisateur de l’existence de dispositifs de contrôle parental.