Suppression de la redevance : les dirigeants de l'audiovisuel public font part de leurs inquiétudes

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Les dirigeants de l'audiovisuel public à l'Assemblée le mercredi 13 juillet 2022
Les dirigeants de l'audiovisuel public à l'Assemblée le mercredi 13 juillet 2022
par LCP.fr, le Mercredi 13 juillet 2022 à 19:40, mis à jour le Jeudi 28 juillet 2022 à 16:10

Les responsables de l'audiovisuel public étaient auditionnés ce mercredi par la commission des affaires culturelles de l'Assemblée. Alors que se profile la suppression de la redevance, ils ont tous fait valoir leurs inquiétudes quant au respect de leur indépendance, comme de leurs moyens.

Faut-il craindre la suppression de la redevance TV, promise par Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle ? Invités à s'exprimer devant la commission des affaires culturelles ce mercredi 13 juillet, les dirigeants de l'audiovisuel public ont en tout cas fait part de leurs craintes, portant sur leur indépendance et le risque de voir baisser leur financement. Une option inenvisageable, sous peine de dégrader sérieusement la qualité des services publics, ont-ils argués.

"France Télévisions est en plan social depuis 10 ans", a d'emblée averti Delphine Ernotte. Le groupe a perdu 10 % de ses effectifs en 5 ans, et arrive à la "fin d'un cycle", a alerté la patronne de la télévision publique, jugeant impossible d'aller plus loin. Entre 2018 et 2022, les crédits qui lui ont été attribués ont diminué de 160 millions d’euros, a-t-elle rappelé. Une situation qui a déjà rendu difficile pour le groupe de mener les transformations nécessaires, tels que le déploiement de son offre numérique, "Si des économies devaient subvenir, il faudrait choisir quelles offres seraient supprimées", a également souligné la patronne de Radio France, Sibyle Veil.

La redevance, une manne financière

C'est dans ce contexte que le débat sur la suppression de la redevance se pose. D'un montant de 138 euros en métropole et de 88 euros pour les outre-mer cette année, celle-ci a rapporté 3,2 milliards d'euros sur les 3,8 milliards versés à l'audiovisuel public. Un gouffre qu'il faudra compenser d'une autre manière, si la réforme annoncée par le président de la République est menée à bien. Pour protester contre les possibles conséquences de la suppression de cette taxe, payée par les foyers équipés d'une télévision, les professionnels des radios et télés publiques ont d'ailleurs mené une grève le 28 juin dernier, largement suivie.

Cette réforme pose des problèmes concrets, pour Arte par exemple. Selon le président de la chaîne franco-allemande, Bruno Patino, "il y a une très forte incompréhension de notre partenaire allemand sur ce qu'il est en train de se passer", d'autant plus qu'outre-Rhin, la redevance a augmenté il y a deux ans.

"L'indépendance des nos rédactions ne doit pas être vue comme dépendante des débats budgétaires", a estimé de son côté Sybile Veil. La dirigeante de Radio France, tout comme Delphine Ernotte, a demandé une trajectoire financière pluriannuelle pour éviter cet écueil, sur le modèle de la BBC britannique. Le budget de cette dernière est planifié sur 11 ans. "Moi, je n'ai pas d'informations pour janvier 2023 !", a regretté par contraste la patronne de France Télévisions. Elle a également cité le "dynamisme des ressources" comme condition nécessaire de la réforme, surtout en période d'inflation.

Une totale indépendance

La craine d'une perte d'autonomie vis-à-vis du pouvoir en place due à la suppression de la redevance serait délètére pour la confiance des citoyens envers les médias, ont insisté les différents dirigeants. "L'indépendance est au coeur du pacte entre citoyens et service public", a martelé Delphine Ernotte. 

"Le choix du mode de financement n'est absolument pas anodin, il a de lourdes conséquences", a embrayé Marie-Christine Saragosse, PDG de France Médias Monde (France 24, RFI, TV5Monde). Et de signaler que si elle est mal paramétrée, la réforme pourrait avoir un effet secondaire non désiré à l'international : les fleurons de l'audiovisuel pourraient être considérés comme des "médias gouvernementaux" dans certains pays, ce qui nuirait à leur réputation. "La budgétisation porte le germe du doute.", a-t-elle prévenu.

Marie-Christine Saragosse a proposé au débotté de conserver la redevance, mais que celle-ci soit remboursée aux Français. Une solution qui permettrait de conserver un financement par une recette affectée, gage d'indépendance des médias. Les foyers fiscaux pourraient ensuite retrancher ce montant de leurs impôts. 

La ministre de la Culture rassurante

Face à ces multiples craintes, le gouvernement, qui a déjà inclus la suppression de la redevance dans le projet de loi de finances rectificative actuellement en examen, et qui prévoit d'inclure dans son prochain budget, à l'automne, sa compensation et le financement de l'audiovisuel, se veut rassurant. "L'indépendance éditoriale sera totalement préservée", a assuré mardi la ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, devant la même commission. Elle a jugé que la redevance était un "impôt à bout de souffle, adossée à des postes de TV qui ont tendance à baisser fortement", vantant par ailleurs une mesure "de pouvoir d'achat" via sa suppression.

"Les garanties sont là" avec "une compensation à l'euro près des effets fiscaux induits par ce nouveau mode de financement" et un "versement du montant total des ressources en une fois en début d'année pour éviter tout risque de régulation en cours d'année", a-t-elle assuré.