Souveraineté agricole : coup d'envoi de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale

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Image d'illustration de tracteurs.
Image d'illustration. CC Mark Stebnicki via Pexels
par Maxence Kagni, le Lundi 13 mai 2024 à 08:37, mis à jour le Lundi 13 mai 2024 à 16:40

Les députés examinent, à partir de ce mardi 14 mai, le projet de loi d'orientation pour "la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture". Alors que plus de 4 500 amendements ont été déposés, plusieurs articles importants du texte devraient être retravaillés lors des débats dans l'hémicycle. Le projet de loi fera l'objet d'un vote solennel le 28 mai.

L'Assemblée nationale débute, ce mardi 14 mai, l'examen du projet de loi d’orientation "pour la souveraineté en matière agricole et le renouvellement des générations en agriculture". Le texte est une partie de la réponse apportée par le gouvernement à la crise agricole qui s'est exprimée en début d'année. Il prévoit notamment de qualifier d'"intérêt général majeur" la "protection, la valorisation et le développement" de l’agriculture, de la pêche, de l’aquaculture et du pastoralisme.

Formation, création d'un guichet unique "France services agriculture", transmission des exploitations, installation de nouveaux agriculteurs, simplification des règles en matière de haies, modification de certaines sanctions pénales prévues dans le code de l'environnement... Le projet de loi doit permettre de préserver le modèle français de l'exploitation agricole "familiale". Avec un objectif : assurer la souveraineté alimentaire en assurant le maintien d'au moins 400 000 exploitations agricoles sur le territoire en 2035.

Un article 1er "à réécrire"

Lors de l'examen du projet de loi par la commission des affaires économiques (qui l'a adopté le samedi 4 mai), plusieurs députés ont jugé que le texte avait été mal rédigé. C'est notamment le cas de Thierry Benoit (apparenté Horizons), pourtant membre de la majorité : "L'article 1 [sur l'intérêt général majeur] est à réécrire et c'est lui qui devait fixer les orientations", a ainsi estimé le député à la fin des travaux en commission. 

On achève les travaux en commission, sans trop bien savoir où on va. Thierry Benoit (apparenté Horizons)

Thierry Benoit juge, en outre, nécessaire de "simplifier" l'article 9 du texte, qui met en place un "diagnostic modulaire" : celui-ci pourra notamment évaluer la viabilité économique et environnementale des nouveaux projets d'exploitation agricole. "Le dérèglement climatique va obérer la capacité d'installation dans la durée des agriculteurs", a souligné le ministre de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire, Marc Fesneau, pour expliquer la raison d'être de ce dispositif.

Certains députés craignent cependant que le dispositif n'ajoute de nouvelles contraintes administratives aux agriculteurs. Julien Dive (Les Républicains) a, par exemple, indiqué que le maintien du dispositif modulaire était une de ses "lignes rouges". Le Rassemblement national, qui considère que "le projet de loi n'a pas été sérieusement rédigé", s'oppose lui aussi à l'article 9 du texte. "Le texte en l'état nous paraît toujours problématique", a déclaré Grégoire de Fournas (Rassemblement national) en commission.

Il y a Beaucoup de clarifications à apporter sur l'article 9. David Taupiac (LIOT)

Les oppositions ont également regretté l'absence de mesures concrètes liées à la fiscalité agricole dans le projet de loi. A ce sujet, un amendement qui fixe comme objectif "de mener, en vue de son application dès 2025, une réforme de la fiscalité applicable à la transmission des biens agricoles, notamment du foncier agricole" a été adopté lors des travaux en commission des affaires économiques. Une réforme qui devrait avoir lieu à l'automne prochain, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances pour l'année 2025.

Les GFAI supprimés en commission 

Par ailleurs, la commission des affaires économiques a supprimé l'article 12 du texte, qui vise à créer les "groupements fonciers agricoles d'investissement" (GFAI). Ces groupements devaient recueillir de l'argent auprès d'investisseurs et d’épargnants dans le but d'acheter des terres pour ensuite les louer à de nouveaux agriculteurs n'ayant pas, eux-mêmes, les moyens de les acquérir. La dispositif a été vivement critiqué par toutes les oppositions, qui y voient un risque de "financiarisation de l'agriculture".

Le Rassemblement national et le groupe LIOT ont même décidé de s'abstenir lors du vote sur l'ensemble du texte, au lieu de voter "contre", pour acter la suppression des GFAI. En effet, en cas de rejet pur et simple du projet de loi, c'est la version initiale du gouvernement qui aurait été examinée dans l'hémicycle : "Si nous rejetons le texte, les GFAI reviendront en l'état en séance", a justifié Grégoire de Fournas (RN). A l'issue du scrutin actant la suppression des GFAI, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a toutefois estimé que le "problème" restait "entier", avant d'envisager une réécriture du dispositif en vue des débats en séance publique.

Code l'environnement

Le texte prévoit aussi d'habiliter le gouvernement à modifier par ordonnances certaines sanctions prévues en cas de non respect du code de l'environnement. "L'article [concerné] prévoit notamment que le gouvernement pourra transformer des sanctions pénales en sanctions administratives décidées par le préfet", a regretté Chantal Jourdan (Socialistes). Sur ce même sujet, Marie Pochon (Ecologiste) a regretté que le projet de loi "ne s'appuie sur aucune donnée pour justifier des reculs en matière de droit pénal environnemental", tandis que Manon Meunier (La France insoumise) a estimé que le texte, au "lieu de pointer du doigt les vrais problèmes", "pointe du doigt l'environnement".

"Cinq ans de prison et 400 000 euros d'amende parce que vous auriez non intentionnellement arraché un bout de haie, il y a quelque chose qui pose un problème en termes d'échelle des peines", a rétorqué Marc Fesneau. Le ministre s'est engagé à ce que les modifications apportées au droit de l'environnement soient présentées aux députés lors des débats dans l'hémicycle.

Le projet de loi prévoit aussi d'"accélérer la prise de décision des juridictions en cas de contentieux contre des projets d’ouvrage hydraulique agricole et d’installations d’élevage". Une volonté là encore dénoncée par la gauche.

Enfin, lors de ses travaux, la commission a adopté un amendement présenté par Les Républicains selon lequel "lors d’un contrôle opéré dans les exploitations agricoles, la bonne foi de l’exploitant est présumée".

A l'issue de l'examen du projet de loi en commission, celui-ci est "passablement désosséa commenté, samedi 4 mai, Frédéric Descrozaille (Renaissance), sans pour autant vouloir revenir à la "version initiale" du texte. "Il reste énormément de travail pour la séance", a-t-il conclu. En vue de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle, le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, a quant à lui appelé à "faire en sorte que le monde agricole retrouve du sens et comprenne ce qu'on veut de lui".