Soignants : l'abrogation de l'obligation vaccinale anti-Covid votée contre l'avis du gouvernement

Actualité
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 4 mai 2023 à 19:41, mis à jour le Vendredi 5 mai 2023 à 10:55

Une proposition de loi portant sur l'abrogation de l'obligation vaccinale des soignants contre le Covid et sur la réintégration des personnels suspendus a été votée en première lecture, jeudi 4 mai, par l'Assemblée nationale. Examiné dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire du groupe "Gauche démocrate et républicaine", le texte a été adopté par les oppositions contre l'avis du gouvernement.

À quelques jours de la réintégration programmée des personnels soignants non-vaccinés, le gouvernement et les groupes de la coalition présidentielle ont été mis en minorité à l'occasion de l'examen d'une proposition de loi présentée par le groupe "Gauche démocrate et républicaine" (GDR), au sein duquel siègent les députés communistes, dans le cadre de sa journée d'initiative parlementaire. Ces journées, dont l'ordre du jour est réservé, une fois par mois, à un groupe d'opposition, sont toujours à haut risque pour le gouvernement qui ne dispose que d'une majorité relative à l'Assemblée nationale. 

Le rapporteur de la proposition de loi "portant abrogation de l'obligation vaccinale contre la covid-19 dans les secteurs médicaux, paramédicaux et d'aide à la personne et visant à la réintégration des professionnels et étudiants suspendus", Jean-Victor Castor (GDR), a défendu, au nom d'un "parallélisme des formes", que l'obligation vaccinale contre la covid-19 pour les professionnels de santé, contenue dans la loi du 5 août 2021, devait être abrogée par un processus législatif. "Les décrets ne feront que suspendre les suspensions", a argumenté le député de Guyane, qui a apparenté l'exclusion des personnels non vaccinés à une forme de "chasse aux sorcières". "Cela ne s’oppose pas à une réintégration des soignants par décret", a-t-il aussi poursuivi, au regard de l'annonce faite il y a quelques jours par le ministre de la Santé de procéder à la réintégration de ces personnels dès "la mi-mai".

Une annonce confirmée à la tribune, ce jeudi, par François Braun, qui a initié son intervention par un hommage rendu aux soignants, et plus particulièrement à ceux, qualifiés d'"exemplaires" qui avaient accepté de se faire vacciner contre le Covid.

Le décret de réintégration "effectif dès le 15 mai"

Ayant saisi la Haute autorité de santé (HAS) en fin d’année dernière, et en vertu de son avis favorable à la réintégration des soignants non-vaccinés, le ministre a donc indiqué que le décret pour ce faire serait effectif "dès le 15 mai".

François Braun a par ailleurs souligné que la publication de ce décret n'équivalait en aucun cas à "un désaveu" ou "une remise en cause" de la politique vaccinale et de la stratégie menées par le gouvernement durant la crise sanitaire. "Plus que jamais, nous devons être les défenseurs de la vaccination", a aussi plaidé le ministre de la Santé. "La réintégration des professionnels non vaccinés ne constitue en aucun cas, même un début de solution aux tensions en matière de réponse à nos besoins de santé", a-t-il par ailleurs estimé, évoquant "quelques centaines de professionnels de santé qui ont pour la plupart été remplacés".

Je vous demande de défendre la science et la médecine qui protègent nos concitoyens. François Braun, ministre de la Santé et de la Prévention. François Braun

François Braun s'est dit "résolument opposé" à la proposition de loi qui revient, selon lui, "sur le principe même de l’obligation vaccinale en temps de crise sanitaire", en plus d'être porteuse "de conséquences dangereuses, de nature à gravement affaiblir notre capacité de réponse devant une éventuelle reprise épidémique, un nouveau variant menaçant ou d’autres épidémies". "Et sans être Cassandre, je peux vous dire qu’il y en aura d’autres", a prévenu le ministre.

Les oppositions additionnent leurs voix pour adopter le texte

Particulièrement confrontés à la problématique des déserts médicaux et à la défiance de la population à l'égard des décisions étatiques, les élus des Outre-mer ont fait preuve d'une grande implication durant les débats. "Que de temps perdu par notre pays", a regretté le député de Guadeloupe Olivier Serva (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires), qui a indiqué que l'ensemble de son groupe (Liot) voterait en faveur de la proposition de loi. "Elle abroge purement et simplement l'obligation vaccinale, tandis que le gouvernement ne souhaite que suspendre celle-ci par le biais d'un décret", a-t-il aussi justifié. Il a, par ailleurs, critiqué les conditions d'application dudit décret, qui sera publié le 14 mai, pour une possible réintégration des personnels dès le lendemain, avec un délai de deux semaines octroyé aux établissements afin de contacter les personnes concernées.

"Les peuples ont eu leurs raisons de ne pas croire à la parole de l'Etat", a plaidé l'élu de Martinique Jean-Philippe Nilor (La France insoumise) faisant référence à l'histoire des Antilles et, en particulier, au scandale sanitaire lié au chlordécone, pour expliquer la méfiance à l'endroit du vaccin particulièrement importante dans les territoires d'Outre-mer. Qualifiant la loi du 2 août 2021 de "grossière contrefaçon législative", "créant une jurisprudence rétrograde en matière de droit du travail", le député a considéré qu'elle avait contribué à entretenir parmi les citoyens des Outre-mer le sentiment de vivre en "sous-France". 

Les travailleurs peuvent être suspendus, indéfiniment, sans salaires, sans droits, emmerdés jusqu'au bout sous l'autorité d'un Conseil scientifique opaque téléguidé par des cabinets de conseil prédateurs tels McKinsey. Jean-Philippe Nilor (La France insoumise)

Du côté de la droite de l'hémicycle, Josiane Corneloup (Les Républicains) a souligné le fait que les soignants exclus avaient été plongés "dans une grande précarité, indigne de notre République" et considéré que cette mesure avait accentué les effets du manque de personnels dans les structures de soin, avant d'indiquer que son groupe voterait en faveur de la proposition de loi.

Frédéric Falcon (Rassemblement national) a, quant à lui, soutenu un texte allant "dans le bon sens", là où la mise à pied des personnels soignants n'ayant pas respecté l'obligation vaccinale contre le Covid symboliserait, selon lui, "à elle seule les dérives de ce macronisme autoritaire, qui jour après jour, remet en cause les principes fondamentaux d’égalité et de justice".

Cherchant à politiser la science, le gouvernement se retranche derrière l'avis de la HAS dont l'indépendance est sujette à caution. Frédéric Falcon (Rassemblement national)

"Vous envoyez là un message délétère" a, au contraire, regretté Frédéric Valletoux (Horizons) en s'adressant aux différentes oppositions, avant de dénoncer un "cheval de bataille idéologique", un "mauvais combat", participant à un "populisme malsain". Au terme d'un débat tendu, la proposition de loi a été adoptée par 157 voix contre 137, le gouvernement et les groupes de la coalition présidentielle ayant été mis en minorité par les oppositions. 

Tweet URL