"Simplification", "intégration", "fermeté" : Gérald Darmanin présente les axes du projet de loi immigration à l'Assemblée

Actualité
par Raphaël MarchalSoizic BONVARLET, Maxence Kagni, le Mardi 21 novembre 2023 à 21:37, mis à jour le Mardi 28 novembre 2023 à 09:51

Le ministre de l'Intérieur a été auditionné, mardi 21 novembre, sur le projet de loi portant sur l'immigration par les députés de la commission des lois. Une audition qui marque le coup d'envoi de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. Gérald Darmanin a défendu les axes initialement présents dans son texte, ainsi que l'équilibre général de celui-ci, avant son durcissement par le Sénat. 

C'est le coup d'envoi d'une longue séquence parlementaire à l'Assemblée nationale, qui devrait conduire les députés jusqu'à la trêve des confiseurs. Gérald Darmanin a été auditionné, mardi 21 novembre, par la commission des lois du Palais-Bourbon, sur le projet de loi "pour contrôler l’immigration, améliorer l’intégration". Un texte régalien, examiné au préalable et de manière plutôt inédite par le Sénat, a souligné le ministre de l'Intérieur.

Un passage par le Palais du Luxembourg au cours duquel le projet de loi a été largement étoffé et durci par la majorité sénatoriale de droite et du centre. Une loi devenue "joufflue" et "excessive", a commenté le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), en préambule de l'audition du ministre. Issu de l'aile gauche de la majorité présidentielle et attaché à la promesse originelle du macronisme, il a critiqué des ajouts "politiquement regrettables" par les sénateurs. Soucieux des équilibres politiques à tenir pour tente de faire voter son texte sans en passer par un 49.3, Gérald Darmanin s'est montré plus nuancé, alertant cependant contre le risque d'inconstitutionnalité induit par des "cavaliers législatifs" ajoutés par le Sénat, notamment au sujet de l'Aide médicale d'Etat. 

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Gérald Darmanin est d'abord longuement revenu sur l'épure initiale du texte et ses trois grands axes : "simplification drastique des procédures", "intégration" et "fermeté". Devant les députés, il a davantage mis l'accent sur les éléments du projet de loi permettant de lutter contre "l'écosystème" qui gravite, favorise et se nourrit de l'immigration irrégulière. Les passeurs en premier lieu, ces "marchands de misère" pour lesquels le ministre souhaite un alourdissement des peines encourues. Le texte prévoit de transformer ce qui n'est qu'un délit en crime, passible de "15 ans de prison, voire 20 ans s'il y a entraînement de la mort".

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Les marchands de sommeil ensuite, ces "propriétaires véreux" qui profitent de la situation d'étrangers en situation irrégulière. Le projet de loi prévoit l'octroi d'un titre de séjour temporaire pour les personnes qui dénonce leur marchand de sommeil, une disposition introduite à l'initiative du sénateur communiste Ian Brossat, a rappelé Gérald Darmanin. Il a également critiqué les "employeurs que l'on pourrait qualifier de voyous" qui embauchent "sciemment" des sans-papiers "dans une fin d'exploitation, mais aussi dans une forme de concurrence qui n'est pas pure et parfaite avec ceux qui respectent le droit", en insistant pour la création d'une nouvelle amende administrative face au faible nombre de condamnations - "quelques dizaines" par an.

Rompre le lien entre employeur et employé

À ce titre, Gérald Darmanin est revenu sur l'article 3 du projet de loi, relatif à la régularisation à titre expérimental des travailleurs sans papiers dans les métiers en tensions. Une disposition supprimée par les sénateurs, qui ont réintroduit à la place un dispositif plus limité à la main des préfets. "Ce qui est important, c'est de lever le lien qu'il y a entre l'employeur et l'employé dans la régularisation", a souligné le ministre de l'Intérieur, rappelant qu'à l'heure actuelle, l'employeur bénéficiait d'une sorte de "droit de servage" sur ses employés sans papiers.

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Les mesures plus répressives prévues par le projet de loi "nous permettent d'avoir des exigences d'intégration plus fortes", a expliqué Gérald Darmanin défendant l'équilibre du texte, au moment d'évoquer "la mesure la plus importante du projet de loi" : désormais, pour bénéficier d'un titre de séjour pluriannuel, les étrangers devront passer un examen de Français, avec une "obligation de résultat". Quelque 100 millions d'euros ont été débloqués pour financer les cours de français, alors qu'aujourd'hui entre 25 et 40 % des prétendants parlent mal ou écrivent mal notre langue, a indiqué le locataire de la place Beauvau.

Une fermeté clairement réaffirmée 

Gérald Darmanin n'a pas manqué d'évoquer les éléments de fermeté du projet de loi : suppression de certaines réserves d'ordre public qui limitent la possibilité d'expulser cerains étrangers, retrait des titres de séjour de ceux "qui ne respectent pas les valeurs de la République", expulsion des étrangers en situation régulière condamnés pour certains crimes, même lorsqu'ils sont présents depuis longtemps en France.

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En parallèle, le ministre a pointé les "progrès sociaux" du texte, comme la fin de la présence de mineurs de moins de 16 ans dans les centres de rétention administrative. Il a également détaillé la "simplification administrative". "Nous ne touchons pas les règles de l'asile, mais la rapidité avec laquelle nous répondons à une personne", a-t-il assuré, évoquant un délai de réponse qui passerait de "2-3 ans" à "moins de 9 mois".

Un tour de piste en forme de discussion générale

Les premières prises de parole des députés sur le texte qui arrive à l'Assemblée étaient attendues. Guillaume Gouffier-Valente (Renaissance) a réaffirmé les "profonds désaccords" de la majorité présidentielle avec le Sénat, notamment sur la suppression de l'aide médicale d'État et la restriction des conditions d'accès à la nationalité française. "C'est avec attention que nous regarderons certaines dispositions qui ont été ajoutées", a-t-il souligné.

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De nouveau en position de groupe charnière, comme sur la réforme des retraites, Les Républicains, par la voix d'Annie Genevard, ont appelé à la "fermeté" face au laxisme et à l'impuissance régnant, selon eux, dans le pays en matière d'immigration, faisant ainsi valoir leur préférence pour la version sénatoriale du texte. Dans une tonalité assez proche, le Rassemblement national, notamment représenté par Yoann Gillet, a mis en garde "la gauche et une partie de la majorité" contre la volonté de revenir sur certains ajouts du projet de loi, afin d'"accentuer le laxisme migratoire".

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Sans surprise, les élus de la gauche ont vilipendé l'esprit du texte, et plus encore son durcissement au Sénat. "On devait examiner un texte méchant avec les méchants, gentil avec les gentils, on se retrouve avec un texte méchant avec tout le monde", a estimé Hervé Saulignac (Socialistes), tandis que son collègue Benjamin Lucas (Ecologiste) a dénoncé un "cadeau fait à Marine Le Pen". Elisa Martin (La France insoumise) a, quant à elle, critiqué un projet "mensonger" basé sur une "prétendue vague migratoire qui submergerait le pays". Enfin Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) a fustigé un texte s'inscrivant, selon elle, dans "un récit de racine xénophobe, qui cherche à créer un trait d'union abject entre immigration et délinquance", ainsi que la "vision manichéenne" de Gérald Darmanin.

En réponse aux critiques, le ministre de l'Intérieur a dénoncé le manque de propositions venant des oppositions. "Il doit y avoir un débat pour savoir ce que l'on souhaite comme immigration régulière. C'est le débat de tous les pays au monde", a-t-il conclu. L'examen du texte lui-même - articles et amendements - aura lieu à partir du lundi 27 novembre en commission des lois, puis le projet de loi sera débattu dans l'hémicycle de l'Assemblée à partir du lundi 11 décembre.