Régularisation des travailleurs sans-papiers : l'amendement de "compromis" de la majorité adopté en commission

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Florent Boudié, le 30 novembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
Florent Boudié, le 30 novembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
par Maxence Kagni, le Jeudi 30 novembre 2023 à 15:33, mis à jour le Jeudi 30 novembre 2023 à 18:59

Les députés ont adopté en commission la réécriture de "compromis" de l'article 4 bis du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration", qui ouvre la voie à des régularisation de travailleurs sans-papiers dans les métiers "en tension".

C'est l'une des dispositions les plus discutées du projet de loi "pour contrôler l'immigration, améliorer l'intégration" : les députés de la commission des lois ont adopté jeudi à la mi-journée un amendement de "compromis" visant à permettre, à titre expérimental, la régularisation des travailleurs sans-papiers dans les métiers dits "en tension".

Ni "régularisation automatique", ni "pouvoir discrétionnaire du préfet" : l'amendement de compromis du rapporteur général Florent Boudié (Renaissance), adopté par les députés, crée une nouvelle "voie d'accès au séjour" pour certaines catégories de travailleurs étrangers sans-papiers. Pour espérer obtenir une carte de séjour temporaire "salarié" ou "travailleur temporaire" d'une durée d'un an, les personnes concernées devront :

  • avoir exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers et zones géographiques caractérisés par des difficultés de recrutement,
  • avoir exercé cette activité durant au mois 8 mois, consécutifs ou non, au cours des 24 derniers mois,
  • occuper un emploi relevant de ces métiers et zones,
  • justifier d'une période de résidence ininterrompue d'au moins 3 années en France.

Le préfet aura le pouvoir de s'opposer à la demande du travailleur sans-papiers s'il "représente une menace pour l'ordre public", "contrevient par ses agissements aux principes et valeurs de la République définis par le projet de loi" ou "vit en France en état de polygamie". La commission des lois a adopté un sous-amendement prolongeant jusqu'au 31 décembre 2028 cette expérimentation qui devait s'interrompre au 31 décembre 2026. La commission des lois a également complété le dispositif en permettant la prise en compte de l'apprentissage dans le calcul de la durée de travail effectuée dans un métier en tension et en ouvrant la voie à une "départementalisation des listes des métiers en tension".

Un compromis

"Naturellement, ce n'est pas la version que je juge idéale, c'est un amendement de compromis", a expliqué le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance). Le député Renaissance s'était engagé, dans une tribune transpartisane signée en septembre avec des membres de la Nupes, en faveur de la version initiale du dispositif proposée par le gouvernement. L'exécutif, dans son projet de loi, avait en effet créé une régularisation "de plein droit" pour les travailleurs ayant travaillé au moins 8 mois au cours des 2 dernières années dans les métiers et les zones en tension, à condition d'être présent sur le territoire depuis au moins 3 ans.

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Le Sénat, pour sa part, avait modifié le texte, en réduisant drastiquement le dispositif. Ainsi, les sénateurs proposaient une régularisation "à titre exceptionnel" à condition, notamment, d'avoir travaillé pendant au moins 12 mois dans les 2 dernières années. Le Sénat avait également posé comme condition une vérification de "l'intégration à la société française", de la "réalité des activités professionnelles" du travailleur, mais aussi de son "adhésion aux principes de la République".

L'amendement de Florent Boudié est donc un compromis entre les deux versions du texte : il supprime la potentielle intervention de l'employeur mais laisse la possibilité au préfet de s'opposer à la régularisation dans des cas très précis. Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a soutenu la réécriture proposée par la majorité : "La question est de savoir si on est hypocrites (...) Tous les groupes politiques m'écrivent pour demander des régularisations", a expliqué le ministre.

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Une "ligne rouge" pour LR

Le "compromis" adopté n'a toutefois pas convaincu les députés Les Républicains, qui estiment qu'une "ligne rouge" est franchie. Selon Annie Genevard, la mesure crée un "droit opposable et des sources de contentieux probablement infinies". Le groupe Rassemblement national a pour sa part dénoncé la "création d'une filière d'immigration supplémentaire". Edwige Diaz (RN) a également mis en cause son côté "expérimental" puisqu'"on sait très bien comment ça se passe, c'est toujours pérennisé par la suite".

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Jeudi matin, plusieurs députés ont tenté, sans succès, de rétablir la version gouvernementale du texte. Cela a notamment été le cas de Boris Vallaud (PS), de Stella Dupont (apparentée Renaissance) ou encore de Christophe Naegelen (Liot), qui en a proposé une version "mieux encadrée". Les députés La France insoumise ont pour leur part dénoncé le côté "utilitariste" du dispositif, rappelant leur volonté de "régulariser l'ensemble des travailleurs sans-papiers qui sont sur le territoire national".