Reconstruction : le projet de loi destiné à réparer les dégâts après les violences urbaines examiné à l'Assemblée

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Christophe Béchu 19/07/2023 LCP
Le ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, le 19 juillet 2023 à l'Assemblée (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 19 juillet 2023 à 13:54, mis à jour le Mercredi 19 juillet 2023 à 16:21

Les députés de la commission des affaires économiques ont adopté, mercredi 19 juillet, le projet de loi de reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits au cours des récentes émeutes urbaines. La commission n'a pas modifié le texte voté la veille par le Sénat. Si c'est la même version qui est votée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale jeudi 20, le projet de loi sera immédiatement et définitivement adopté.  

Une étape supplémentaire a été franchie, dans un calendrier express. Le projet de loi visant à accélérer les travaux de reconstruction des bâtiments dégradés ou détruits lors des émeutes qui ont suivi la mort de Nahel à Nanterre le 27 juin, a été adopté par les députés de la commission des affaires économiques, ce mercredi 19 juillet. Le texte avait été annoncé par Emmanuel Macron, le 4 juillet, afin de répondre au plus vite à la situation de quelque 500 communes touchées par les violences urbaines.

Mairie de Garges-lès-Gonesse incendiée, commissariat de Cholet attaqué, école détruite à Tourcoing... Au total, plus de 750 bâtiments publics ont été endommagés sur l'ensemble du territoire, de manière plus ou moins importante. Plus que lors des émeutes de 2005, a pointé le ministre de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu. Pour accélérer leur reconstruction ou leur réparation, le texte comporte trois articles, qui autorisent l'exécutif à légiférer par ordonnance afin d'enjamber certaines procédures.

Des dérogations pour agir vite 

L'article 1er prévoit des dérogations au code de l’urbanisme, afin d'accélérer la reconstruction des bâtiments publics ou privés touchés entre le 27 juin et le 5 juillet. Les travaux préparatoires pourront ainsi être engagés sans attendre l’obtention de l’autorisation d’urbanisme. L'objectif étant de "faire du à l'identique, tout en intégrant les nouvelles normes", a précisé Christophe Béchu.

L’article 2 porte sur la commande publique qui passe habituellement par des appels d’offres. Il permet de se passer de la publicité préalable, qui impliquait un délai de 50 jours, tout en conservant une mise en concurrence, dès lors que le montant des marchés publics sera inférieur à un seuil défini dans l'ordonnance - qui devrait tourner autour d'1,5 million d'euros.

Le dernier article est relatif au financement de la reconstruction. Il introduit le principe d'un zéro à charge pour les collectivités concernées, enjambant la règle qui prévaut habituellement pour celles-ci de financer au moins 20% d'une opération d'investissement. L'ordonnance permettra également aux collectivités de récupérer la TVA dans l’année en cours, sans attendre les deux ans de délai actuel.

Le texte a été adopté conforme par rapport à la version approuvée par le Sénat. Si aucune modification ne lui est apportée dans l'hémicycle jeudi 20 juillet, il sera définitivement adopté, sans qu'il soit nécessaire de convoquer une commission mixte paritaire pour harmoniser les versions des deux Chambres du Parlement. 

Des débats politiques

Christophe Béchu avait prévenu d'entrée : ce projet de loi "n'est pas un texte sur les causes des émeutes urbaines". "Et si c'en était un, la procédure d'urgence serait mal venue, et trois articles seraient insuffisants",  a souligné le ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Avant d'appeler à se concentrer sur l'esprit du texte, afin d'œuvrer à la reconstruction le plus vite possible.

Les débats ont cependant parfois dépassé le cadre technique du texte, prenant un tour plus politique. La majorité des élus qui se sont exprimés ont saisi l'occasion pour condamner, à nouveau, les "exactions" et dégradations commises. "Vous ne trouverez personne chez nous pour approuver les violences, les pillages. Cependant, nous ne pouvons trouver comme seule réponse, la matraque pour les quartiers, et le chéquier pour les dégâts", a pointé Sabrina Sebaihi (Ecologiste), fustigeant une politique de la ville "en état de mort cérébrale" depuis des années.

Stéphane Peu (Gauche démocrate et républicaine) a critiqué l'absence de parole politique au sommet de l'Etat, alors que les mots de Jacques Chirac avaient eu un effet d'apaisement lors des émeutes de 2005. Raquel Garrido (La France insoumise) est allée plus loin, accusant le camp présidentiel de vouloir "mettre sous le tapis" la mort de Nahel. "Le fait de ne pas parler du fait générateur [des émeutes] est un mépris d'une situation, qui, si vous ne la regardez pas en face, surviendra à nouveau", a-t-elle estimé.

"Je vous invite vraiment à ne pas revendiquer le monopole des quartiers", lui a rétorqué Chrisophe Béchu, indiquant que de nombreux habitants "ne se reconnaissent absolument pas dans un discours qui consisterait à excuser, en raison d'un acte absolument inqualifiable, ce qui s'est passé ensuite."

Depuis des années, la politique de la ville est en état de mort cérébrale. Sabrina Sebaihi, députée Écologiste

Les députés du Rassemblement national ont également critiqué la portée limitée du projet de loi, mais également l'absence de précisions sur l'enveloppe qui va servir à la reconstruction. "Le contribuable français va encore être la vache à lait dans cette histoire", a déploré Grégoire de Fournas, appelant à la mise en place d'un mécanisme de "casseur-payeur". Le ministre de la Cohésion des territoires lui a rappelé que le montant des dégâts n'était pas encore consolidé, les collectivités ayant jusqu'au 30 septembre pour faire remonter leurs estimations.

Le Parlement aura la possibilité de se prononcer sur les décisions prises par l'exécutif au cours de l'automne. Le gouvernement doit en effet présenter un projet de loi de ratification des ordonnances dans un délai de trois mois à compter de leur publication. Ce qui devrait arriver en plein débat budgétaire. Christophe Béchu a d'ores et déjà fait savoir que le gouvernement n'excluait pas de créer une ligne de soutien et d'appui dans le cadre du projet de loi de finances. Cette dernière pourrait atteindre le montant des dégâts, défalqué des sommes payées par les assurances.