Projet Hercule : le président de la Commission de régulation de l'énergie y est favorable

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AFP
par Ariel Guez, le Mercredi 3 mars 2021 à 15:04, mis à jour le Mercredi 3 mars 2021 à 18:31

Auditionné par les députés de la commission des affaires économiques, le président de la Commission de régulation de l'énergie, Jean-François Carenco, s'est prononcé en faveur du projet de restructuration du groupe EDF. Selon lui, le Projet Hercule est "nécessaire."

C'est une aubaine pour les uns, un désastre en vue pour les autres. Depuis plusieurs mois, les déclarations publiques sur le projet Hercule se multiplient. A gauche, l'annonce d'une future restructuration du groupe EDF, défendue par le gouvernement, a déclenché une véritable levée de boucliers : communistes, insoumis et socialistes y sont farouchement opposés. Et à droite, chez Les Républicains, s'inquiètent des conséquences du projet sur la souveraineté énergétique française.

Le projet Hercule a cependant aussi des soutiens. Début février, le président d'EDF, Jean-Bernard Lévy, indiquait y être favorable. Et mercredi 3 mars, auditionné par les députés de la commission des affaires économiques, c'est le président de la Commission de régulation de l'énergie, autorité indépendante chargée de veiller au bon fonctionnement du marché de l'énergie, qui a assuré que cette réforme d'EDF était "nécessaire."

Réformer l'Arenh pour réduire la dette d'EDF

"Le statu quo n'est pas tenable. Une réforme est nécessaire pour le système énergétique français", a affirmé Jean-François Carenco. "En tant que régulateur, la CRE pense que notre système a besoin de cette réforme" et ce pour plusieurs raisons, a-t-il indiqué aux députés. 

Jean-François Carenco a d'abord ciblé l'accès régulé à l'électricité nucléaire historique, le dispositif dit "Arenh." Concrètement, il permet aux fournisseurs d'électricité concurrents d'EDF en France de racheter à l'électricien une partie de sa production nucléaire à un tarif de 42 €/MWh... mais ce n'est parfois pas suffisant. "Lorsque les prix sont supérieurs à 42€, EDF ne fait pas de bénéfices. Loin de moi de penser que tous les problèmes financiers du groupe soient liés à l'Arehn, mais quand même !"

Surtout, depuis sa mise en place en 2010, la situation a beaucoup changé, fait valoir le patron de la CRE. "Il y avait à l'époque trois fournisseurs alternatifs. Aujourd'hui, il y en a plus de 40 !" Ainsi, la CRE recommande d'augmenter le plafond de l'Arehn et son prix. Jean-François Carenco plaide pour un tarif de 48 €/MWh. 

Une ouverture aux capitaux privés sous couvert d'amélioration de l'électricité renouvelable 

"Le projet Hercule nous semble répondre aux besoins du groupe énergétique français", a continué le président de la CRE. Comme nous vous l'expliquions dans cet article, la réorganisation d'EDF pourrait se traduire par une scission du groupe en trois entités. S'il est prévu qu'EDF Bleu détienne 100% des parts d'EDF Azur (en charge des barrages hydroélectriques), elle ne détiendrait qu'une "large majorité" de celles d'EDF Vert (activités commerciales, la distribution d'électricité et les énergies renouvelables). "Ma position est qu'il ne faut pas qu'il y ait plus de 33% de parts privées", a précisé Jean-François Carenco.

"Il ne s'agit pas de privatiser les gains, mais d'élargir les leviers d'investissements dans la transition énergétique sans que cela change quoi que ce soit à la gouvernance par la nation", a-t-il expliqué. 

Car c'est l'autre axe pour les défenseurs du projet Hercule : la réforme permettra d'investir plus dans l’efficacité énergétique et le renouvelable. "En raison de sa dette, EDF investit beaucoup moins dans les énergies renouvelables que ses concurrents", a souligné Jean-François Carenco. Une entrée de capitaux privés permettrait en outre de décharger le groupe public d'une partie de sa dette, a plaidé le président de la Commission de régulation de l'énergie. 

Comment peut-on penser que la CRE défende quelque chose qui détruise le service public de l'électricité français ?

Mais ce genre d'arguments ne convainc pas les opposants au Projet Hercule, qui sont nombreux à voir dans cette opération un début de privatisation du service public de l'électricité en France. "Comment peut-on penser que la CRE défende quelque chose qui détruise le service public de l'électricité français ?" leur a répondu Jean-François Carenco. "On a été créé pour défendre le consommateur à court, moyen et long terme, [Et défendre le consommateur,] ce n'est pas défendre la facture à l'instant T". 

Avec Hercule, quelles conséquences sur les prix ? 

Justement, la facture augmentera-t-elle à terme ? Evoquant lui-même le sujet, Jean-François Carenco, a indiqué que le projet Hercule n'entraînerait pas de hausse des tarifs. Il a en revanche évoqué une probable et légère hausse des prix qui devrait, selon lui, logiquement avoir lieu en raison des impôts. 

Existe-t-il cependant une menace pour les prix à la production ? Le président de la Commission de régulation de l'énergie a expliqué que deux facteurs seraient déterminants. D'abord, "le coût du nucléaire qui est trop faible", a-t-il affirmé. "Mais ce qui nous menace, c'est le prix de la transition énergétique si nous ne faisons pas attention", a prévenu Jean-François Carenco. De ce point de vue, le  patron de la CRE a estimé qu'il fallait faire des énergies renouvelables "au fur et à mesure que la sécurité des approvisionnements n'est pas menacée."

"Attention à cet engouement trop fort pour les énergies renouvelables et le 'quel qu'en soit le coût'", a conclu Jean-François Carenco, qui a indiqué que des hectares de terrains pour faire de l'électricité photo-voltaïque étaient vendus jusqu'à 30.000 €.