Projet de loi de veille sanitaire : Le consensus trouvé en commission vole en éclats

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L'hémicycle de l'Assemblée nationale, lundi 12 juillet 2022
L'hémicycle de l'Assemblée nationale, lundi 12 juillet 2022, lors de l'examen du projet de loi de veille sanitaire
par Raphaël Marchal, le Mardi 12 juillet 2022 à 01:36, mis à jour le Mardi 12 juillet 2022 à 07:24

Alors que le projet de loi de veille sanitaire avait été largement adopté, après avoir été amendé, en commission des lois, le début de l'examen du texte dans l'hémicycle a été vif. Lors de la discussion générale, lundi 11 juillet au soir, une motion de rejet préalable émanant de La France insoumise, et votée par le Rassemblement national, a été écartée à 18 voix près. 

Si le gouvernement souhaitait savoir de quelle marge de manœuvre il disposait à l'Assemblée nationale, le premier texte de loi examiné dans le cadre de la nouvelle législature lui en a donné une idée. Essentiellement technique, composé de seulement quatre articles, et sans mesure aussi clivante qu'avait pu l'être en son temps le passe vaccinal, le projet de loi "maintenant provisoirement un dispositif de veille et de sécurité sanitaire en matière de lutte contre la Covid-19" avait en outre fait l'objet d'un consensus en commission des Lois, la semaine dernière, après l'introduction d'une "clause de revoyure" fixée à six mois.

Dans l'hémicycle, sous la présidence inédite de Sébastien Chenu (RN), cet accord a cepnedant volé en éclats, La France insoumise ayant fait le choix de déposer une motion de rejet préalable sur le texte. Motion soutenue par les autres groupes de la Nupes, ainsi que par le Rassemblement national. 

Les soignants non-vaccinés au centre des débats

Thomas Ménagé (Rassemblement national) a justifié la décision de son groupe par le "mépris du gouvernement" qui continue à refuser de réintégrer les soignants non-vaccinés. Bien que l'ensemble des amendements portant sur ce thème aient été jugés irrecevables, de nombreux députés de l'opposition ont vitupéré contre cette décision de l'exécutif, alors que l'hôpital public connaît une crise particulièrement intense.

Comme lors de son audition la semaine dernière, François Braun l'a martelé : pas question de réintégrer à ce stade les 12 000 soignants concernés par la suspension. Le ministre des Solidarités et de la Santé s'est toutefois engagé à apporter des "éléments objectifs" sur le sujet à la représentation nationale, d'ici à la fin octobre, sous l'égide des autorités de santé. Pas de quoi contenter Philippe Gosselin (LR), Davy Rimane (GDR) ou encore Jean-Félix Acquaviva, qui ont tous exigé la tenue d'un débat sur le sujet.

La tentative de renvoi du texte a finalement été écartée, par seulement 18 voix d'écart (192 voix contre 174). Au total, 23 députés LR ont voté contre la motion de rejet, permettant l'examen du texte. Raphaël Schellenberger a cependant tancé la majorité d'Emmanuel Macron : "Il va falloir que vous appreniez à changer de ton. [...] Votre style qui irrite, qui agace, ne permettra pas de rassembler autour de vos propositions."

"Si vous aviez exercé votre fonction..."

Une autre algarade a porté sur la recevabilité des 17 amendements portant sur la réintégration des soignants suspendus. En fin de séance, Éric Coquerel (La France inousmise) a pris la parole pour indiquer que les amendements avaient été filtrés non pas de son fait, mais de celui de la présidente de l'Assemblée nationale. Et qu'il ne partageait pas le point de vue de Yaël Braun-Pivet (Renaissance), jugeant qu'il s'agissait de réintégrer des personnels déjà précédemment employés par l'État, sans contrevenir à l'article 40 de la Constitution.

Le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), a déjugé son homologue de la commission des finances, rappelant qu'il avait lui-même déclaré de tels amendements irrecevables la semaine dernière, en commission. "Aucun fait nouveau ne justifiait que vous changiez d'avis", a pointé le député de la Vienne, pour qui cette volte-face d'Éric Coquerel s'explique par un biais politique. "La présidente de l'Assemblée a bien eu raison. Elle ne l'aurait pas fait si vous aviez exercé votre fonction", a tranché Éric Woerth (Renaissance). Et l'ancien président de la commission des finances d'insister sur "l'impartialité" que requiert le poste.

Un projet de loi resserré

Pour rappel, le projet de loi ne prévoit ni de prolonger le cadre juridique de l'état d'urgence sanitaire, appelé à s'éteindre à la fin du mois de juillet 2022, ni de remettre en place le passe vaccinal. Le texte prolonge jusqu'au 31 janvier 2023 l'utilisation des systèmes d'information SI-DEP, qui centralise l'ensemble des résultats de dépistage, et Contact Covid, qui permet le suivi des personnes infectées et des cas contacts.

Il autorise également jusqu'à la même date la mise en place éventuelle d'un passe sanitaire aux frontières qui pourrait aussi s'appliquer pour les échanges avec la Corse et les Outre-mer. Des mesures justifiées par l'arrivée d'une septième vague due à l'épidémie de Covid-19, a plaidé le ministre des Solidarités et de la Santé. Selon François Braun, 130 000 cas ont été recensés quotidiennement au cours des 7 derniers jours. "Le taux d'incidence atteint désormais 1 342 cas pour 100 000 habitants, ce qui représente une augmentation de 22,8 % sur les sept derniers jours."

Deux autres articles ont été ajoutés en commission la semaine dernière. Ils visent à demander au gouvernement de tirer un bilan précis de sa gestion de la pandémie et de présenter des réflexions sur l'établissement d'un cadre juridique pérenne pour succéder à l'état d'urgence sanitaire pour faire face à de futures pandémies. D'autres modifications peuvent cependant encore intervenir. Les députés ayant achevé la discussion générale, ils commenceront l'examen des articles du projet de loi, mardi 12 juillet, à l'issue des questions au gouvernement.