Prisons : la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté dénonce "un abandon de l'Etat"

Actualité
par Léonard DERMARKARIAN, le Mercredi 27 septembre 2023 à 18:00

Auditionnée à l'Assemblée nationale, mercredi 27 septembre, la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a notamment dénoncé les conditions de détention dans les prisons françaises : "Tout est contraint par la surpopulation", a-t-elle déploré, plaidant pour la mise en place d'un mécanisme de "régulation carcérale". 

Avec plus de 74 000 personnes détenues dans les prisons françaises au 1er avril 2023, jamais la France n'a eu autant de personnes incarcérées dans ses prisons. C'est à la lumière de constat que la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), Dominique Simonnot, a été auditionnée par la commission des lois de l'Assemblée nationale, mercredi 27 septembre, pour présenter le rapport d'activité 2022 de l'autorité administrative indépendante. 

A la tête de cette dernière depuis bientôt trois ans, l'ex-journaliste au Canard enchaîné a dénoncé devant les députés un "abandon par l’État" des prisons françaises.

"Nette aggravation" de la surpopulation carcérale

Selon le rapport, avec un taux d'occupation moyen de plus de 140% en 2022, "la surpopulation carcérale a connu une nette aggravation" au cours de l'année 2022, dépassant même légèrement, début 2023, le maximum atteint précédemment en janvier 2020. Le rapport annuel d'activité recommande vivement une "régulation carcérale" devant, à terme, mener à une baisse du nombre de détenus.

Image
Surpopulation carcérale 2022 / CGLPL
Evolution de la population carcérale entre janvier 2020 et janvier 2023. Extrait du rapport d'activité 2022 de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté.

Risque d'un "incident grave"

Pour la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, les conséquences de cette surpopulation sont néfastes et font craindre le risque d'un "incident grave", non seulement pour les détenus (décès de 250 détenus l'année dernière, dont 120 suicides), mais aussi pour l'administration pénitentiaire. Avec en moyenne 1 surveillant pour 120 détenus, les surveillants sont "renvoyés à leur impuissance professionnelle", souligne Dominique Simonnot.

Les surveillants nous confient leur détresse, [...] les directeurs nous disent qu'ils redoutent à chaque instant un incident très grave. Dominique Simonnot

Centres éducatifs fermés : "Faites bien attention"

Autre point d'inquiétude du rapport : les centres éducatifs fermés (CEF), des structures alternatives à l'incarcération pour des mineurs ayant commis des délits ou des crimes. Alors que le gouvernement a prévu en 2018 l'ouverture de 20 nouveaux nouveaux CEF en plus des 51 déjà existants, Dominique Simonnot a appelé les députés à "[faire] bien attention", pointant notamment des situations problématiques en matière d'encadrement.

Quand on tombe, notamment, sur une directrice qui couche avec les gosses, on se dit que quelque chose ne va pas dans le recrutement ou dans la surveillance. C’est quand même plus qu’étonnant. Dominique Simonnot

A la suite de la présentation du rapport, la députée Renaissance Caroline Abadie, co-rapporteure d'une récente mission d'information sur les "alternatives à la détention", a appelé - tout en défendant la création places de prison supplémentaires conformément aux engagements du gouvernement - à "programmer la réduction de la surpopulation carcérale". Un avis partagé par la députée communiste Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine), co-rapporteure de ladite mission, qui a cependant davantage insisté sur la nécessité de réduire la population carcérale et appelé à "donner du sens à la prison, pour qu'elle rende service à la société tout entière". Inversement, la députée Rassemblement national Edwige Diaz a, quant à elle, jugé les propositions de la CGLPL "pas souhaitables".

Alors que le projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la Justice doit être définitivement par le Parlement dans les prochaines semaines, cette audition a une nouvelle fois fait écho à la situation des prisons françaises. En juillet dernier, lors de la première lecture du texte à l'Assemblée nationale, un amendement proposé par Les Républicains avait été voté par la majorité pour ajouter 3 000 places aux 15 000 places de prison supplémentaires annoncées par le gouvernement à l'horizon 2027.