Présidentielle : l’immigration, ou la persistance du clivage droite-gauche

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DENIS CHARLET / AFP
DENIS CHARLET / AFP
par Vincent Kranen, le Lundi 20 mars 2017 à 17:15, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 21:56

Droit du sol ou droit du sang, politique d'asile, quotas, des sujets qui divisent profondément les candidats à la présidentielle. À gauche on prône l'ouverture, à droite, on plaide pour le contrôle voire la fermeture. Explications.

C'est sans doute l'un des sujets symbolisant le plus le clivage gauche-droite : la politique d'immigration, sujet phare de la politique des années 1990 et 2000, n'est plus considéré comme le sujet prioritaire par les Français. Dans un sondage Harris interactive au début de l'année, la politique migratoire française ne pointe qu'en septième position des dossiers jugés prioritaires pour le prochain président de la République. À droite, pourtant, il reste plus que jamais un marqueur politique.

LCP.fr a recensé les principales positions des onze candidats à l'élection présidentielle.

Tous pour le droit du sol... sauf Marine Le Pen

Si certains candidats à droite veulent le restreindre ou le conditionner, seule la leader du Front national s'est prononcée pour la suppression pure et simple du droit du sol : "L’acquisition de la nationalité française sera possible uniquement par la filiation ou la naturalisation dont les conditions seront par ailleurs plus exigeantes", prévient son programme de campagne. Un passage au droit du sang qui s'accompagnerait d'une suppression non-rétroactive de la double nationalité pour les ressortissants de pays extra-européens. Florian Philippot, vice-président du Front national, a notamment précisé, dimanche sur France Inter, que des conventions bilatérales pourraient être signées au cas par cas avec certains pays comme ceux du Maghreb.

Pour Nicolas Dupont-Aignan, s'il n'est pas question de supprimer le droit du sol (sauf, précise-t-il, pour certains territoires d'outre-mer très impactés par l'immigration clandestine), celui-ci sera en revanche conditionné. Un jeune de 18 ans dont les deux parents sont étrangers, devra "manifester la volonté" de devenir Français et effectuer obligatoirement un service civique. Tout casier judiciaire non vierge serait synonyme de refus systématique.

François Fillon aussi souhaite apporter des restrictions à l'acquisition de la nationalité pour les jeunes majeurs. L'administration française pourrait ainsi exiger un "test d'assimilation en cas de doute". Tout délit entrainant une condamnation à au moins 3 ans de prison condamnerait le jeune demandeur, de même qu'un outrage à l'hymne national ou au drapeau français.

L'administration pourrait décider de s'opposer à l'octroi de la nationalité et soumettre l'étranger à un test d'assimilation en cas de doute fillon2017.fr

À gauche, on n'utilise pas le champ lexical de "l'assimilation", préférant plutôt celui de "l'intégration". Emmanuel Macron ne change pas les dispositifs d'acquisition de la nationalité pour les jeunes majeurs de parents étrangers. Benoît Hamon ne change rien au droit du sol, comme Jean-Luc Mélenchon, Nathalie Arthaud, Jean Lassalle, Philippe Poutou ou Jacques Cheminade. François Asselineau, pour l'UPR, refuse de cliver sa base en abordant le thème de l'immigration. Il annonce seulement l'organisation d'un débat national sur l'immigration avec à l'issue un référendum organisé "de façon loyale pour que chaque opinion puisse être exposée et débattue".

 

Quelle politique d'asile sur les migrants ?

 

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Pour le Front national, les migrants qui souhaitent bénéficier de l'asile en France devront faire leurs demandes à l'extérieur de la France, depuis les ambassades et les consulats français ou depuis des "pays limitrophes" à la France. Nicolas Dupont-Aignan se prononce également pour un droit d'asile depuis les frontières et au cas par cas. Dans le même temps, il assure vouloir "assigner à résidence les demandeurs d'asile" présents sur le territoire parce qu'il serait "anormal de ne pouvoir localiser les demandeurs d'asile". Le leader de Debout la France refuse également tout droit d'asile "collectif" pour une catégorie, souhaitant le limiter strictement aux "individus". Les réfugiés de guerre auraient notamment "vocation à retourner dans leur pays une fois la paix rétablie".

François Fillon veut systématiser les expulsions et l'éloignement des déboutés du droit d'asile. Il espère réduire le temps d'examen des demandes d'asile pour le passer de "11 mois en moyenne aujourd'hui" à "4 mois maximum". Encore plus ambitieux, Emmanuel Macron souhaite ramener les délais d'examen des demandeurs d'asile à "8 semaines".

La gauche résolument tournée vers l'accueil

Benoît Hamon ne fixe pas de délai maximum pour l'examen des dossiers, mais souhaite la mise en place de "visas humanitaires" pour ouvrir "une voie d’accès légale et sécurisée au territoire français, pour un accueil et une protection temporaires". À noter que le candidat met sur le même plan les réfugiés fuyant "la guerre, la répression" que les migrants en exode pour "détresse économique ou climatique". Pour Benoît Hamon, "la France doit être en mesure de les accueillir et de les protéger". À l'opposé, tous les candidats de droite sont en faveur d'une limitation de l'immigration économique.

Contrairement à Benoît Hamon, Jean-Luc Mélenchon affiche sa volonté d'éviter les migrations importantes de populations, notamment économiques, en agissant sur les "causes de la migration" par la coopération économique mais contre les traités de libre-échange "qui détruisent les économies locales". Sur le droit d'asile, le leader de la France insoumise demande des conditions plus humaines d'accueil avec la fin du placement en centre de rétention des enfants, "même accompagnés de leurs parents". Enfin, La France insoumise est favorable à la régularisation de l'ensemble des "travailleurs sans-papiers".

L'UPR de François Asselineau ne propose pas de mesures particulières sur le droit d'asile. Lutte ouvrière, mouvement trotskiste internationaliste, prône la fin de la "forteresse européenne" à l'image du Nouveau parti anticapitaliste (NPA) jugeant les politiques actuelles "inhumaines et absurde".

La droite veut des quotas sur l'immigration légale

Pratique assumée dans les pays anglo-saxons, le vote de quotas d'immigration légale verra-t-il bientôt le jour en France ? Pour François Fillon l'immigration "professionnelle et familiale" doit être limitée par une loi débattue au Parlement. Les titres de séjour seraient plafonnés "en fonction des capacités d'accueil de la France et des capacités d'intégration des demandeurs".

Plus intransigeant encore, le Front national se fixe l'objectif de limiter l'immigration légale à un solde de 10 000 personnes par an contre plus de 140 000 en 2013 selon les derniers chiffres disponibles, selon l'Insee.

Aucun autre candidat ne se prononce pour la mise en place de quotas à l'exception de Jacques Cheminade en faveur "d'objectifs indicatifs" fixés lors d'un débat au Parlement en concertation avec les pays concernés.