Plan de relance : le bras de fer commence à l'Assemblée nationale

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Bruno Le Maire présente le plan de relance aux députés, le 3 septembre 2020 (LCP/Assemblée nationale)
par Jason Wiels, le Jeudi 3 septembre 2020 à 15:29, mis à jour le Jeudi 8 octobre 2020 à 16:17

Présenté en conseil des ministres, le plan de relance de 100 milliards d'euros a été défendu jeudi par Bruno Le Maire devant les députés. S'il subit déjà les foudres de la gauche, le président de la commission des finances Éric Woerth (LR) se dit prêt à le voter.

100 milliards d'euros, pour quoi faire ? La question va agiter le Parlement au moins jusqu'à la fin de l'année, quand aura lieu le vote définitif du projet de loi de finances pour 2021. C'est en effet dans le prochain budget que le plan de relance sera discuté en détail, crédit par crédit. Au total, l'exécutif a dévoilé jeudi 68 missions qui doivent être irriguées par cette enveloppe, allant de la rénovation énergétique des bâtiments à l'investissement dans le ferroviaire et l'hydrogène, en passant par la baisse des impôts de production pour les entreprises.

Cette somme "historique", selon le Premier ministre Jean Castex, doit permettre à la France de retrouver en 2022 le même niveau de Produit intérieur brut (PIB) qu'en 2019.

Cette relance sera entièrement financée par la dette publique et son impact serait résorbé à l'horizon 2025, espère le chef du gouvernement. La plupart des mesures ne seront pas pérennes, même si le décaissement des 100 milliards s'étalera jusqu'en 2023 ou 2024, avec une première tranche de 30 milliards d'euros en 2021. "L'équilibre des comptes se fera par la croissance, pas par la hausse des prélèvements", insiste-t-on à Matignon.

Des chiffres en débat

Les trois grands axes de ce plan, la transition énergétique, la compétitivité des entreprises et la cohésion territoriale et sociale, représentent chacun environ un tiers de l'enveloppe promise par le gouvernement, qui a une obsession : enrayer la hausse du chômage. En affichant la création de 160 000 emplois en 2021 grâce à ce plan, le Premier ministre sait que la bataille sera difficile. Ses propres services ont estimé que la crise de la Covid-19 pourrait détruire au total jusqu'à 800 000 emplois en France.

Devant les députés, Bruno Le Maire a insisté sur la nécessité de décaisser très rapidement les sommes engagées, menaçant même de retirer les crédits aux projets qui n'avanceraient pas assez vite. S'il s'est dit hostile à l'idée de conditionner les futurs aides et prêts - "un frein à l'exécution du plan temps" -, il affirme cependant être ouvert à la mise en place de contreparties, à imaginer lors des futurs débats avec les parlementaires.

Le montant même de l'enveloppe est remis en cause par certains spécialistes des finances publiques. Le député Charles de Courson (Libertés et Territoires) l'estime plutôt à 70 milliards d'euros, en retranchant les crédits déjà votés (comme sur l'apprentissage et les primes à l'embauche) ou déjà annoncés (comme les accords de Ségur pour l'hôpital et les soignants) :

La demande oubliée ?

À gauche, les critiques n'ont pas tardé non plus à pleuvoir. La présidente du groupe socialiste, Valérie Rabault, a fustigé un "grand manque sur la demande", alors que l'Allemagne "soutient les ménages avec une baisse de 3 points de TVA ou 300 € par enfant""Votre plan de relance, c'est trop peu, c'est trompeur et c'est trop mal utilisé", a cogné d'emblée Éric Coquerel. L'élu de la France insoumise a notamment déploré le versement de "20 milliards d'euros principalement aux grandes entreprises".

Face aux attaques, le ministre de l'Économie a néanmoins pu compter sur un soutien de poids, celui du président LR de la commission des finances Éric Woerth. Le député a annoncé qu'à titre personnel, sans parler au nom de sa famille politique, il voterait le plan de relance. "C'est un geste politique fort", a salué Bruno Le Maire, qui fut son ancien collègue à la droite de l'hémicycle.

Les retraites en embuscade

En toile de fond du plan de relance, l'Union européenne devrait apporter 40% du financement total, soit 40 milliards d'euros. Une contribution pas tout à fait neutre pour les comptes publics, puisque la France participera indirectement au remboursement des 750 milliards d'euros promis par Bruxelles aux pays membres. Avec l'objectif, encore lointain, de lever des ressources propres pour rembourser cette dette commune.

Selon Sébastien Jumel (PCF), cette contribution masquerait par ailleurs "un deal avec la Commission européenne", avec notamment la poursuite de la réforme en contrepartie de cette manne budgétaire européenne :

Une affirmation que n'a pas esquivé Bruno Le Maire, reconnaissant que l'UE "veillera à ce que la France maintienne un certain nombres de réformes structurelles", dont la réforme des retraites, stoppée net par la crise sanitaire.

Sur RTL, le Premier ministre avait d'ailleurs assuré plus tôt dans la journée vouloir achever la mise en place d'un système unique de retraite, en écartant pour l'instant tout allongement de la durée de cotisation.