Marie-George Buffet : "Le mouvement sportif a besoin d'un profond renouvellement"

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Marie-George Buffet LCP 23/11/2023
Stéphane Diagana et Marie-George Buffet à l'Assemblée nationale, jeudi 24 novembre 2023 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Vendredi 24 novembre 2023 à 17:50

Auditionnée par la commission d'enquête sur les défaillances de fonctionnement dans le monde sportif, Marie-George Buffet a appelé à mettre fin à "l'entre-soi" qui persiste encore dans le sport. L'ancienne ministre des Sports a plaidé pour un "profond renouvellement" des instances. Lui aussi auditionné, le ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, s'est pour sa part montré ouvert à un durcissement des sanctions à l'encontre des supporters coupables de comportements racistes ou homophobes dans les stades.

C'est avec l'audition conjointe d'une ancienne ministre et d'un champion du monde que la commission d'enquête "relative à l’identification des défaillances de fonctionnement" au sein du monde sportif a achevé ses travaux, jeudi 23 novembre. Marie-George Buffet, ancienne ministre de la Jeunesse et des Sports du gouvernement Jospin, et Stéphane Diagana, ancien athlète spécialiste du 400 mètres haies, co-dirigent le comité national pour renforcer l’éthique et la vie démocratique dans le sport, lancé en mars dernier.

Bien que cet organe, qui doit rendre ses conclusions à la mi-décembre, n'ait pas tout à fait terminé son travail, l'ex-secrétaire nationale du Parti communiste français n'y est pas allée par quatre chemins. Fustigeant un "entre-soi" persistant au sein du monde sportif, elle a appelé à un "profond renouvellement" pour remédier à un univers "fragilisé". Selon elle, cet entre-soi explique notamment le fait que les fédérations aient du mal à se saisir "des questions sociétales" et à régler l'omerta qui a trop longtemps régné en leur sein, en particulier concernant la dénonciation des violences sexistes et sexuelles (VSS).

Marie-George Buffet a prôné une évolution des règles d'élection à la tête des fédérations, ainsi que la mise en place d'une représentation à la proportionnelle. Elle a également jugé nécessaire d'avancer au niveau de la parité. Comme elle, Stéphane Diagana a insisté sur la nécessité de mieux valoriser les bénévoles, au risque de voir cet engagement s'amenuiser au fil des ans. L'ex-ministre a, en outre, indiqué qu'elle était favorable à a mise en place d'une autorité indépendante, centrée sur la question des VSS, et éventuellement dotée d'un pouvoir de sanction directe, sur le modèle de l'Agence française de lutte contre le dopage.

Un budget à 1 %

Parmi leurs futures préconisations, figurera la mise en place d'un comité d'éthique suprafédéral, au niveau du Comité national olympique et sportif français. L'action de ce dernier a été sévèrement jugé par Marie-George Buffet, qui a appelé à le "responsabiliser". L'ancienne députée a également égratigné les espoirs un peu trop optimistes de ceux qui pensent que l'organisation des Jeux olympiques de Paris, en 2024, suffira pour enclencher un grand mouvement au sein de la société française. Devant la commission d'enquête, elle a proposé de faire passer le budget du sport à 1 % de celui de l'Etat, contre 0,3 % à l'heure actuelle. Et les deux responsables de faire savoir qu'ils espéraient que leurs futures préconisations seront reprises dans une loi-cadre.

Par ailleurs, Marie-George Buffet a reconnu des erreurs concernant l'affaire Sarah Abitbol. "Nous n'avons pas été au niveau", a-t-elle admis, regrettant qu'à lépoque le ministère des Sports ne se soit pas suffisamment saisi de ces révélations. La publication du livre de l'ex-patineuse artistique en 2020, qui y révèle avoir été violée par son entraîneur alors qu'elle était mineure, a enclenché un grand mouvement de libération de la parole dans le monde sportif. Sarah Abitbol affirme avoir contacté le ministère en 2007, sans réaction.

Le "ras-le-bol" d'Eric Dupond-Moretti

Auditionné plus tôt dans la matinée, Eric Dupond-Moretti a pour sa part vigoureusement critiqué la persistance de comportements racistes et homophobes dans les stades, particulièrement ceux de football. "J'en ai ras-le-bols d'entendre ces vociférations, ces cris homophobes. Cela n'a rien à faire dans le sport", a tonné le ministre de la Justice. Avant d'indiquer qu'il était ouvert à des interdictions définitives de stade pour ceux qui se rendent coupables de ce genre de faits. "S'il faut décider de mesures drastiques, on va y aller. C'est infernal tout ça", a-t-il ajouté, appelant à inscrire sur les billets les sanctions prévues par le code pénal.

La rapporteure, Sabrina Sebaihi (Ecologiste), a rappelé pour inviter le ministre à réagir que certaines associations de supporters se défendent des accusations de racisme et d'homophobie, mettant ces faits et gestes sur le compte du "folklore". "Si c'est du folklore, il faut changer de folklore. Je vais vous injurier, et je vais vous dire 'c'est du folklore' ? Cela n'a aucun sens. Il faut être sérieux quand même", a réagi le garde des Sceaux. "Et puis le folklore ça réunit les gens. Vous allez à Perpignan, vous voyez les gens danser la sardane, ça réjouit les gens. Là, ça blesse les gens, les homosexuels, les personnes de couleur. Ce n'est pas du folklore ; c'est raciste, c'est discriminant."

Ayant achevé son cycle d'auditions, la commission d'enquête présidée par Béatrice Bellamy (Horizons) présentera ses conclusions aux députés, au plus tard, le 19 décembre, tandis que le rapport de l'instance sera rendu public en janvier.