La Nupes en crise : stop ou encore pour l'alliance de gauche à l'Assemblée ?

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Boris Vallaud, Mathilde Panot, Jérôme Guedj et Julien Bayou. LCP
Boris Vallaud, Mathilde Panot, Jérôme Guedj et Julien Bayou. LCP
par Maxence Kagni, le Lundi 16 octobre 2023 à 19:23, mis à jour le Mardi 17 octobre 2023 à 10:04

La Nupes, qui réunit son intergroupe chaque mardi matin à l'Assemblée nationale, traverse une crise inédite sur fond de divergences entre La France insoumise et les autres groupes de gauche sur la façon de réagir aux attaques du Hamas sur Israël. Alors que l'alliance créée lors des dernières élections législatives semble au point mort, des députés socialistes, écologistes et communistes plaident pour une nouvelle étape à gauche. 

Les attaques du Hamas contre Israël - et la façon de les qualifier - auront-elles provoqué la crise de trop au sein de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale ? Fabien Roussel, Boris Vallaud, Sandrine Rousseau... Plusieurs chefs de file et figures de l'alliance de gauche demandent, au minimum, une modification radicale de son fonctionnement, après la polémique liée à la première réaction de La France insoumise au sujet des attaques contre Israël, puis au refus de ses principaux responsables de qualifier le Hamas de groupe "terroriste". Dans ce contexte, la réunion de l'intergroupe de la Nupes, mardi 17 octobre au matin, s'annonce une nouvelle fois tendue alors que, depuis la fin de l'été, plusieurs crispations avaient déjà eu lieu, notamment à propos des élections européennes.  

Fin de la Nupes ou refondation ? 

Le Hamas ? "C'est la branche armée qui aujourd'hui est responsable de crimes de guerre." Mardi 10 octobre, la présidente des députés LFI, Mathilde Panot, refuse de qualifier le Hamas d'organisation "terroriste". Un peu plus tard dans la journée, ce choix sémantique est réaffirmé par William Martinet au micro de LCP, lors de l'émission Questions au gouvernement.

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Des propos qui sèment le trouble au sein de la Nupes, quelques minutes après une réunion d'intergroupe déjà mouvementée : "[La réunion] n'a pas été la plus simple que nous ayons eue depuis la création de la Nupes", convient la députée communiste Elsa Faucillon, lors du point presse du groupe Gauche démocrate et républicaine. "Nous, on pense que devant tous les périls qui existent, cette unité doit pouvoir perdurer", explique l'élue, qui estime que les députés de gauche doivent "trouver une voie pour avoir la parole la plus commune".

Tout comme leurs collègues communistes, les députés socialistes qualifient l'attaque perpétrée par le Hamas le 7 octobre d'attaque "terroriste". Devant les journalistes, le président des députés PS, Boris Vallaud, estime que la Nupes doit "indéniablement fonctionner autrement". "C'est aux insoumis de changer", juge Jérôme Guedj, qui considère que La France insoumise doit davantage prendre en compte les positions de ses partenaires. Signe que les tensions sont vives, après la séance des Questions au gouvernement, la vice-présidente socialiste de l'Assemblée, Valérie Rabault, annonce sur LCP que son groupe ne participera pas cette année au "contre-budget" de l'alliance de gauche.

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Une annonce aussitôt dénoncée sur X (ex-Twitter) par Manuel Bompard (LFI), par ailleurs coordinateur de La France insoumise : "Le PS ne veut plus de la Nupes à l'Assemblée nationale. Inacceptable reniement de la parole donnée aux électrices et aux électeurs."

"Je pense à titre personnel qu'il faut qu'on quitte cet intergroupe et qu'en même temps on trouve un espace de discussion commun à toute la gauche", assume Christine Pirès Beaune (Socialistes), interrogée par LCP. La porte-parole des députés PS juge que la position des cadres insoumis après les attaques du Hamas n'est "pas défendable et pas entendable". "Il faut marquer un acte fort", estime-t-elle, en reconnaissant par ailleurs que les membres de la Nupes "travaillent bien ensemble au sein de la commission des finances". L'éventualité d'une sortie de l'intergroupe, dans son fonctionnement actuel, sera discutée mardi 17 octobre, lors de leur réunion hebdomadaire, par les députés socialistes. 

Impasse contre... impasse

Dimanche 15 octobre, le Conseil national du Parti communiste a directement remis en cause l'existence de l'alliance telle qu'elle existe aujourd'hui : "La Nupes telle qu’elle a été constituée pour les élections législatives, sous la volonté hégémonique de LFI, est devenue une impasse", explique le parti dirigé par Fabien Roussel dans une résolution. Citant le différent sur le Hamas mais aussi les "insultes de dirigeants de LFI, comparant la direction du PCF à des collaborationnistes nazis", le Parti communiste demande la création d'une nouvelle alliance à gauche dans laquelle le "respect mutuel" et la "pleine souveraineté de chacune des organisations" seront garanties.

Ce positionnement avait été annoncé, vendredi 13 octobre, par le secrétaire national du PCF Fabien Roussel : "Cela fait des mois que je dis que nous sommes dans une impasse, que je dis que cette coalition est aujourd'hui dépassée, qu'elle doit être renouvelée", a-t-il notamment déclaré sur Franceinfo.

Ce point de vue tranché ne fait toutefois pas l'unanimité au sein du groupe Gauche démocrate et républicaine, où des nuances s'expriment. Lundi 16 octobre, la députée communiste Elsa Faucillon a ainsi partagé un communiqué d'Alternative communiste, un nouveau courant du PCF né, comme l'indique Le Parisien, quelque jours plus tôt. Le texte, nommé "Briser la Nupes, c'est briser la gauche", qualifie d'"impasse" la volonté de "partir désunis dans la course effrénée face à la macronie et contre l'extrême droite". Proposant de "chercher à améliorer et élargir ce qui existe déjà", le communiqué regrette aussi la décision de "céder aux logiques d'intérêts partisans".

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"Combat de coqs"

Interrogée par LCP, la vice-présidente du groupe Ecologiste, Sandra Regol, considère que la position adoptée par le PCF est un nouvel épisode du "combat de coqs entre Jean-Luc [Mélenchon] et Fabien [Roussel]". Quant aux remous au sein du groupe Socialistes, ils sont les conséquences du "Congrès du PS, qui est feuilletonné".

Le malaise est cependant suffisamment marqué pour que sa collègue écologiste Sandrine Rousseau ait proposé, dans Le Parisien du 11 octobre, la suspension temporaire du travail parlementaire de la Nupes "jusqu’à ce qu’il y ait une discussion entre les chefs de parti" représentés dans l'alliance. "Pour moi il est évident qu’il faut que la Nupes perdure mais dans les conditions actuelles, ce n’est plus possible", estime-t-elle.

Malgré les difficultés, Sandra Regol veut rester "fidèle à l'idée de départ" et à "la promesse" faite aux électeurs : "Ils veulent une alternative de gauche et écologique large", affirme la députée, qui voit l'alliance comme "un espace de travail collectif". Et de souligner qu'"aucune majorité n'émerge [au sein de la gauche] en dehors de la Nupes", avant d'ajouter que les élus insoumis, socialistes, écologistes et communistes "continueront à travailler ensemble" quoi qu'il arrive.

"Le fonctionnement de la Nupes a déjà beaucoup évolué dans le temps", affirme Sandra Regol, qui vante un "espace de discussion" qui "crée de la politique au sens noble du terme". Or, analyse-t-elle, "il ne peut pas y avoir de leadership" dans un tel cadre, ce qui finit par "ennuyer l'intégralité des partis politiques", "prisonniers des logiques de la Ve République". "Tout le monde veut la mort de la Nupes", conclut Sandra Regol, qui déplore que cette alliance représente désormais pour certains un "grain de sable dans l'échiquier politique".