L'Assemblée autorise la ratification de la convention contre le trafic d’organes humains

Actualité
Image
Assemblée nationale, le 27 janvier 2022
par Maxence Kagni, le Jeudi 27 janvier 2022 à 10:14, mis à jour le Jeudi 27 janvier 2022 à 13:10

Les députés ont adopté, jeudi 27 janvier, à l'unanimité, le projet de loi "autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains". 

A l'unanimité, 28 voix pour, aucune contre, l'Assemblée nationale a adopté, jeudi 27 janvier en première lecture, le projet de loi "autorisant la ratification de la convention du Conseil de l’Europe contre le trafic d’organes humains". Cette convention, qui date de mars 2015, a été signée par la France le 25 novembre 2019. Elle a pour objectif de "contribuer de manière significative à l’éradication du trafic d’organes humains" en permettant notamment d'instaurer "de nouvelles infractions venant compléter les instruments juridiques internationaux en vigueur". 

"L'OMS estime que 5 à 10% des greffes d'organes réalisées dans le monde résultent du trafic d'organes, soit près de 15.000 greffes par an", a expliqué le ministre délégué, Franck Riester. Les profits tirés de cette activité seraient de 600 millions à 1,2 milliard de dollars par an. "L'examen de ce texte est un signal fort de l'engagement de la France en faveur de la défense des droits de l'Homme", a ajouté le ministre, qui affirme qu'il s'agit d'un "enjeu clé de la présidence française de l'Union européenne".

La convention "impose" notamment "d’incriminer le prélèvement illicite d’organes humains", "l’utilisation d’organes prélevés de manière illicite à des fins d’implantation ou à d’autres fins" ou encore "la sollicitation ou le recrutement illicites d’un donneur ou d’un receveur d’organes". 

Le texte prévoit également d'obliger les États parties "à coopérer, dans la mesure la plus large possible" et à "prendre des [dispositions] pour protéger les droits et les intérêts des victimes d’infractions prévues par la Convention". "A ce jour, en France, il n'existe pas de dispositif spécifique de protection des victimes du trafic d'organes", a indiqué Franck Riester.

Tourisme de transplantation

La rapporteure Ramlati Ali (La République en marche) explique que les pays les plus touchés par le trafic sont l'Inde, le Pakistan, les Philippines, le Bangladesh, l'Egypte, le Mexique, le Cambodge et le Sri Lanka. "Selon l'Office des Nations unies contre la drogue et le crime, la majorité des personnes victimes des trafics d'organes seraient des migrants de sexe masculin", a déclaré la députée, qui a aussi dénoncé le "développement du tourisme de transplantation". Ramlati Ali a, par ailleurs, évoqué les "nombreux abus dénoncés en Chine ces dernières années concernant des prélèvements illicites qui viseraient en particulier des minorités et des prisonniers politiques et qui impliqueraient les autorités".

Entrée en vigueur depuis le 1er mars 2018, la convention est déjà mise en œuvre dans douze pays, dont l'Albanie, la Croatie, l'Espagne, le Portugal, la Suisse ou encore le Costa Rica. Une fois que le texte sera définitivement ratifié par le Parlement, la convention s'appliquera en France en tenant compte des différentes réserves émises lors de sa signature.

Ces réserves, qui ont notamment pour but "d'éviter une incompatibilité avec une disposition de notre droit pénal, qui interdit la double incrimination", ont été qualifiées d'"importantes" par Frédérique Dumas (Libertés et Territoires) : "La France a déclaré qu'elle n'exercerait sa compétence qu'à la condition que les faits soient également punis par la législation du pays où ils ont été commis [et] que ceux-ci aient donné lieu soit à une plainte de la victime ou de ces ayants-droits soit à une dénonciation officielle des autorités du pays en question." Une décision difficilement compréhensible pour l'élue, qui n'imagine pas qu'un "Ouïghour" dont aurait "prélevé des organes sans son consentement" puisse "porter plainte dans son pays".

"Ces réserves rendent difficiles la traduction devant la justice en France des personnes impliquées dans le tourisme de transplantation et le trafic d'organes alors que c'est pourtant le minimum pour lutter contre ce fléau", a pour sa part regretté Jean-Pierre Door (Les Républicains).