Ingérences étrangères : la proposition de loi de la majorité en débat dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale

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Sacha Houlié LCP 26/03/2024
Le président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), à l'Assemblée nationale, le 26 mars 2024 (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 26 mars 2024 à 21:23, mis à jour le Mercredi 27 mars 2024 à 09:30

Les députés ont entamé dans une ambiance tendue, ce mardi 26 mars, l'examen de la proposition de loi "visant à prévenir les ingérences étrangères en France", présentée par le groupe Renaissance. "Il en va de la protection de notre souveraineté, de nos valeurs, des intérêts de la Nation", a affirmé Sacha Houlié (Renaissance), tandis que jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), a dénoncé le "cynisme électoral" de la majorité, alors que ce débat intervient en pleine campagne pour les élections européennes. 

"Vous avez entre vos mains le pouvoir de conforter nos services de renseignement, de dire que vous n'êtes pas naïfs face aux régimes autoritaires qui harcèlent notre pays." Tels ont été les mots du président de la commission des lois, Sacha Houlié (Renaissance), au moment de défendre la proposition de loi "visant à prévenir les ingérences étrangères en France", à la tribune de l'Assemblée, ce mardi 26 mars. Rapporteur du texte, il a notamment alerté contre des ingérences "omniprésentes" et "quotidiennes", émanant avant tout de la Russie et de la Chine, mais également de la Turquie ou de l'Iran.

Au vu du contexte international et des échéances de l'année 2024 - marquée par les Jeux olympiques de Paris, ainsi que par de très nombreuses élections à travers le monde -, l'élu de la majorité présidentielle a mis l'accent sur "l'urgence" de la mise en œuvre des mesures prévues par cette proposition de loi. "Il en va de notre souveraineté nationale", a-t-il souligné. Face à des "ingérences qui avancent masquées", la "transparence est la meilleure arme", a appuyé le ministre délégué chargé de l'Europe, Jean-Noël Barrot.

Le texte, composé de quatre articles, prévoit la création d'un registre numérique recensant les "représentants d'intérêts étrangers", assorti de sanctions pénales en cas de non-déclaration. Il élargit surtout aux ingérences étrangères l'utilisation de deux techniques de renseignement actuellement utilisées dans le cadre de la lutte antiterroriste. Il s'agit de l'algorithme, destiné à identifier les agents étrangers, et du gel des avoirs financiers. La proposition de loi, qui prévoit également la remise périodique d'un rapport au Parlement sur l'état de la menace, s'inspire directement des travaux de la commission d'enquête sur les ingérences et de ceux de la délégation parlementaire au renseignement (DPR).

Une motion de rejet LFI écartée

Soutenu par les alliés de Renaissance au sein de la majorité présidentielle - les groupes Démocrate et Horizons - le texte a reçu un accueil variable de la part des groupes d'opposition. Jugeant son examen un peu "précipité" et malgré des "lacunes", Ian Boucard a fait savoir que le groupe Les Républicains soutiendrait la proposition de loi. Sans être opposés au texte, les groupes Ecologiste, Socialistes et Gauche démocrate et républicaine ont alerté sur le risque de dérives induit par la technique de l'algorithme, suffisant pour qu'ils réservent, à ce stade, leur vote final. Le cadre retenu, "trop large", présente "trop peu de garantie du respect des droits et libertés fondamentales", a estimé Elsa Faucillon (GDR). Répondant à ces commentaires, Sacha Houlié s'est engagé à amender le dispositif prévu à l'article 3.

L'opposition la plus frontale est venue de La France insoumise, dont le député Bastien Lachaud a défendu une motion de rejet préalable, fustigeant un "texte scélérat, qui vise à aggraver la surveillance généralisée, et la destruction méthodique des libertés publiques et individuelles". Le député LFI a mis en garde contre une "loi inefficace et dangereuse", selon lui ingénue quant aux ingérences américaines et européennes. Avant de dénoncer le véhicule législatif emprunté, qui a permis d'éviter étude d'impact et avis du Conseil d’Etat. "Cette motion signe l'acte de capitulation de LFI face aux puissances étrangères, particulièrement la Russie et à la Chine", a rétorqué Sacha Houlié. La motion a finalement été très largement écartée, par 182 voix contre 34.

Le RN à l'offensive

Très offensif, Jean-Philippe Tanguy qui s'exprimait au nom du Rassemblement national a estimé que la proposition de loi traduisait l'"hypocrisie" de la majorité, qui tente selon lui de jeter l'opprobre sur son parti. "Votre montagne de mensonges accouche d'une souris. Vous ne prévoyez même pas dans votre texte un délit pour punir les ingérences étrangères", a-t-il lancé, se félicitant que le groupe RN ait été à l'origine de la commission d'enquête qui a travaillé sur les ingérences. Et d'ajouter : "Vous êtes les uniques coupables de la dépendance [énergétique] européenne et française au régime de Poutine". Il a, en outre, critiqué certaines modifications qui pourraient être apportées à la proposition de loi au cours des débats, au risque de l'affaiblir, fustigeant également le refus de limiter l'activité d'anciens Présidents ou ministres en lien avec des puissances étrangères. Un refus destiné, selon lui, à "protéger Nicolas Sarkozy, Jean-Pierre Raffarin, Buon Tan, ou tant d'autres macronistes corrompus, défroqués ou militants".

Un réquisitoire auquel Sacha Houlié a répondu en dénonçant un "délire mégalomane" visant à "dédouaner" le Rassemblement national de liens que la majorité l'accuse d'avoir entretenu avec la Russie. L'examen de la proposition de loi se poursuit ce mardi soir, en séance de nuit, dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale.  Le texte devrait être adopté, en première lecture, mercredi après-midi après la séance de Questions au gouvernement.