Glyphosate : Christophe Béchu s'inquiète de la "tonalité des discours" européens

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Christophe Béchu, le 21 novembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
Christophe Béchu, le 21 novembre 2023, à l'Assemblée nationale. LCP
par Maxence Kagni, le Mercredi 22 novembre 2023 à 18:15, mis à jour le Jeudi 23 novembre 2023 à 10:54

Auditionné par la commission d’enquête "sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires", le ministre de la Transition écologique a estimé que l'"idéal européen" fait face à des "positions" qui rendent "plus complexe qu'on ne le pense la non-régression environnementale".

"Je ne suis pas sûr qu'une harmonisation [européenne] demain se ferait uniquement sur la base du mieux-disant." Le ministre de la Transition écologique, Christophe Béchu, a été auditionné mardi 21 novembre par la commission d’enquête "sur les causes de l’incapacité de la France à atteindre les objectifs des plans successifs de maîtrise des impacts des produits phytosanitaires". Il a notamment évoqué les risques d'une "régression environnementale" à l'échelle de l'Union européenne. 

Le 16 novembre, la commission européenne a décidé de renouveler pour dix ans l'autorisation du glyphosate au sein de l'Union. "Je m'inquiète d'une tonalité européenne qui pourrait être moins à la protection de l'environnement pour l'avenir que ce qu'elle a été par le passé", a déclaré devant les députés Christophe Béchu. Le ministre a mis en exergue "la chronologie des votes de ces derniers mois au sein du Parlement européen" et "la tonalité des discours qui sont tenus au sein de cette enceinte".

Avant de prendre l'exemple du glyphosate : "Vous avez 17 pays qui sont prêts à valider une proposition de réautorisation pour 10 ans, sans aucune limitation." "Même s'il y a un idéal européen, il se heurte à des positions, des histoires ou à des postures qui rendent plus complexes qu'on ne le pense la non-régression environnementale", a conclu Christophe Béchu.

Mercosur

Le ministre de la Transition écologique a également tancé "la tentation d'un certain nombre de pays européens de ratifier l'accord de libre échange avec le Mercosur". Selon lui, "nous ne pouvons pas continuer à importer en Europe autant de produits agricoles qui viennent de l'extérieur tout en prétendant ne pas faire preuve d'une forme d'hypocrisie environnementale ou écologique".

Christophe Béchu a évoqué le risque d'acheter des "produits qui viennent hors d'Europe, moins chers, qui [pourront] concurrencer ceux qu'on fabrique ici" et qui auront été "traités avec une partie des molécules que nous refusons de voir appliquer chez nous". Au contraire, il a évoqué l'"urgence" de "limiter les échanges mondiaux sur ces sujets", afin de "discuter avec nos agriculteurs" dans un cadre où "la question de leurs revenus et de leurs pratiques" sera évoquée sans "distorsion extérieure". Conformément à la volonté du président de la République, Christophe Béchu a également prôné l'instauration de "clauses miroir" qui interdiraient l'importation de produits agricoles vers l'Union européenne s'ils ne sont pas conformes à ses normes sanitaires et environnementales.

-50% à horizon 2030

Concernant le cœur de sujet de la commission d'enquête, le ministre n'a par ailleurs pas nié que la France était, à certains égards, en situation d'échec : "On ne peut que constater que le niveau d'utilisation des produits phytosanitaires en 2022 correspond à celui de 2008." Devant les députés, Christophe Béchu a toutefois salué le "recul spectaculaire" de l'usage des substances les plus à risques (CMR1). Avant de regretter qu'aucun objectif chiffré sur les CMR1 n'ait été fixé et rendu public, ce qui aurait permis de "montrer à la population qu'on atteignait quand même une partie des objectifs qu'on se fixait".

Le ministre de la Transition écologique a cependant réaffirmé la volonté du gouvernement de réduire de 50% de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques : cet objectif "correspond aux objectifs que nous devons tenir", a-t-il insisté. "Aujourd'hui, on est capable de documenter l'impact de ces produits sur la santé dans un certain nombre de cas, mais aussi sur la biodiversité et en particulier sur les milieux aquatiques", a indiqué Christophe Béchu. Le ministre évoque notamment une mortalité des oiseaux "infiniment plus élevée dans la partie agricole" qu'en ville ou en forêt.

Le plan Ecophyto II+ fixait un objectif de baisse de -50% à l'horizon 2025, mais la future stratégie Ecophyto 2030, qui sera publiée en 2024, pourrait le repousser de cinq ans. Affirmant sa difficulté à se projeter au-delà de 2030, Christophe Béchu a toutefois expliqué avoir du mal à imaginer un monde agricole "où il y aurait zéro chimie". Le ministre voit néanmoins "des marges de diminution qui sont telles que ça vaut le coup de se concentrer sur elles". 

Par ailleurs, comme avait semblé le faire le ministre de l'Agriculture, Marc Fesneau, lors de son audition du 16 novembre, Christophe Béchu a écarté tout soutien du gouvernement à la proposition de loi sénatoriale pour un choc de compétitivité en faveur de la ferme France. Ce texte permettrait au ministère de l'Agriculture de suspendre, dans certains cas, une décision de retrait de mise sur le marché de produits phytopharmaceutiques prise par l'Anses. "Bien entendu il n'est pas question de revenir sur un principe qui consiste à faire confiance à la science", a-t-il déclaré.