Fin de vie : soins d'accompagnement, soins palliatifs... la commission spéciale de l'Assemblée a commencé l'examen du projet de loi

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Catherine Vautrin LCP 13/05/2024
La ministre de la Santé, Catherine Vautrin, lors de l'examen du projet de loi sur la fin de vie en commission (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mardi 14 mai 2024 à 06:43, mis à jour le Mardi 14 mai 2024 à 11:30

Les députés de la commission spéciale sur la fin de vie ont débuté l'examen du projet de loi, lundi 13 mai, en étudiant la première partie du texte consacrée au renforcement des "soins d'accompagnement". Une expression inscrite dans le projet de loi par le gouvernement et qui fait débat, plusieurs élus, y compris au sein de la majorité, s'interrogeant sur cette sémantique, ainsi que sur l'articulation et la délimitation entre "soins d'accompagnement" et "soins palliatifs". 

 Après une semaine d'auditions préparatoires fin avril, la commission de l'Assemblée nationale spécialement constituée à cette effet a entamé, lundi 13 mai, l'examen du projet de loi relatif à "l'accompagnement des malades et de la fin de vie", Le début des travaux des 71 députés de la commission ont largement été consacré à un débat sémantique autour de la notion de "soins d'accompagnement" introduite par le projet de loi, avec la volonté d'interroger la pertinence de cette expression, ainsi que les intentions du gouvernement. 

Cette dénomination, défendue par l'exécutif, englobe notamment - mais pas seulement - les soins palliatifs. Sont également compris l'intégralité des soins qui "visent à anticiper, prévenir et soulager les souffrances dès l’annonce du diagnostic et aux différents stades de la maladie", tels que des soins de confort ou la pratique d'une activité physique, a précisé la ministre de la Santé, Catherine Vautrin. "Soins d'accompagnement et soins palliatifs, ce n'est pas la même chose, mais ils se complètent", a complété le rapporteur de cette partie du texte, Didier Martin (Renaissance).

La question des soins palliatifs est majeure, car leur développement est la condition de l'équilibre du projet de loi créant la possibilité pour les malades en fin de vie d'avoir recours à une aide à mourir strictement encadrée. Pour ce faire, en parallèle du texte soumis au Parlement, le gouvernement a annoncé le déploiement d'une stratégie décennale visant à accélérer le déploiement des soins palliatifs, insuffisamment développés et inégalement accessibles sur le territoire. Les possibilités actuelles permettant la prise en charge de moins d'une personne sur deux en situation d'avoir besoin de ce type de soins. 

La notion de "soins palliatifs" réintroduite dans le texte

Reste que cette approche "plus globale" des soins d'accompagnement est incomprise de nombreux députés. "Tout cela est bien nébuleux", a estimé Annie Genevard (Les Républicains), tandis que Justine Gruet (LR) a critiqué ce qui s'apparente, selon elle, à un "artifice pour contrer le manque de déploiement des soins palliatifs sur l'ensemble du territoire national". "Vous nous perdez avec des choix terminologiques", a critiqué Christophe Bentz (Rassemblement national), déplorant de "mauvais choix sémantiques". Ces députés craignent notamment que l'impossibilité d'accéder à des soins palliatifs pousse des malades à se tourner vers l'aide à mourir en désespoir de cause. Patrick Hetzel (LR) a alerté sur la mise en place d'un "continuum" entre soins d'accompagnement et suicide assisté. De l'autre côté de l'échiquier politique, députés communistes Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) et Pierre Dharréville (GDR) ont insisté sur la nécessité de définir précisément les moyens consacrés aux soins palliatifs.

Plusieurs élus, comme Philippe Juvin (LR), Jérôme Guedj (Socialistes) et Geneviève Darrieussecq (Démocrate) ont surtout pointé l'absence d'existence du concept de "soins d'accompagnement" dans la littérature scientifique, ainsi qu'au niveau des référentiels internationaux. "On crée un concept français, pour se faire plaisir. Mais personne n'est capable de dire ce qu'est un soin d'accompagnement", a pointé Philippe Juvin. Contre l'avis du gouvernement, les députés ont d'ailleurs adopté un amendement de Geneviève Darrieussecq, afin de systématiquement privilégier la notion de "soins palliatifs [réintroduisant donc cette notion en tant que telle] et d'accompagnement" dans l'article premier du projet de loi. "Les soins palliatifs sont déjà très mal connus. Changer de dénomination complique l'appropriation par les patients", a considéré l'élue MoDem.

 

Dans la foulée, les oppositions ont réussi à faire adopter des amendements garantissant l'accès aux soins palliatifs, et ce "sur l'ensemble du territoire". "Ce n'est pas en l'écrivant dans la loi que cela suffira", a indiqué Catherine Vautrin, mettant en avant les besoins de formation nécessaires et insistant sur l'action du gouvernement. La ministre de la Santé a annoncé que dès cette année, 15 nouvelles unités de soins palliatifs bénéficieront de financements, précisant que 11 d'entre elles "seront déployées dans des départements n'en disposant pas actuellement". Les départements concernés seront dévoilés au cours de l'examen du projet de loi dans l'hémicycle.

Vers un "droit opposable" ?

Dans la soirée, les débats se sont durcis autour de la proposition notamment portée par le groupe Les Républicains, ainsi par que le groupe Gauche démocrate et républicaine, de mettre en place un "droit opposable" pour les patients qui nécessitent des soins palliatifs, avec la responsabilité des Agences régionales de santé. Mais également des recours devant la juridiction administrative, afin d'ordonner leur prise en charge, à l'issue d'un délai fixé ultérieurement par décret. "Cela mettrait en responsabilité tous les responsables du système", a défendu Thibault Bazin (LR).

"Ce système avec du contentieux n'aurait pas de sens", a critiqué le rapporteur Didier Martin (Renaissance). Plus virulent, Nicolas Turquois (Démocrate) a jugé que la mesure relevait de "champions du monde dans leur fauteuil". "On peut faire tous les droits opposables qu'on veut, cela ne règlera rien", a-t-il ajouté, craignant un potentiel "effet repoussoir pour les professionnels". "La judiciarisation de la médecine, comme cela a été le cas aux Etats-Unis, est un des facteurs de la désaffection de la profession", a complété Philippe Vigier (Démocrate). Malgré ces protestations, la commission spéciale a notamment voté l'amendement de Thibault Bazin prévoyant la mise en place de ce "droit opposable", ainsi qu'un amendement de Sandrine Rousseau (Ecologiste) évoquant le sujet. 

La commission spéciale poursuivra ses travaux sur le projet de loi ce mardi 14 mai et toute la semaine, avant l'examen du texte dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du 27 mai.