Eric Dupond-Moretti promet d'en finir avec le "délabrement de la justice"

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Eric Dupond-Moretti, le 14 juin 2023, à l'Assemblée nationale. (LCP)
Eric Dupond-Moretti, le 14 juin 2023, à l'Assemblée nationale. (LCP)
par Maxence Kagni, le Mercredi 14 juin 2023 à 20:35, mis à jour le Jeudi 15 juin 2023 à 08:09

Auditionné par la commission des lois de l'Assemblée nationale, le garde des Sceaux, Eric Dupond-Moretti, a présenté le projet de loi d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027, ainsi que le projet de loi relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire. 

Eric Dupond-Moretti veut "diviser par deux l'ensemble des délais de justice d'ici 2027". Mercredi 14 juin, le Garde des sceaux a présenté aux députés le projet de loi "d’orientation et de programmation du ministère de la justice 2023‑2027", ainsi que le projet de loi organique "relatif à l’ouverture, la modernisation et la responsabilité du corps judiciaire" qui l'accompagne. Son objectif : "Tourner la page du délabrement de la Justice."

Les deux textes, adoptés le 13 juin par les sénateurs, prévoient notamment une hausse du budget du ministère, qui doit passer de 9,6 milliards en 2023 à 11 milliards d'ici quatre ans. Il s'agit, selon Eric Dupond-Moretti, d'une "hausse inédite des crédits de la Justice". D'ici à 2027, 10.000 personnes devraient être embauchées, dont 1.500 magistrats et 1500 greffiers, "soit autant de magistrats recrutés en cinq ans que lors des 20 dernières années", s'est félicité le président de la commission des lois Sacha Houlié (Renaissance). 

L'opposition dénonce un manque de "détails"

Le ministre de la Justice promet également d'"importantes revalorisation des métiers judiciaires", avec une "hausse de 1.000 euros mensuels pour les magistrats, effective dès cet automne". "Nous construirons 15.000 places de prison supplémentaires d'ici 2027", a également rappelé Eric Dupond-Moretti. "Nous sommes extrêmement fiers, nous membres de la majorité, d'avoir pu porter à chaque fois ces textes de programmation", a déclaré Caroline Abadie (Renaissance), qui s'est félicitée de la hausse de "plus de 60% du budget de la Chancellerie sur ces deux quinquennats".

Un point de vue qui n'est pas partagé par Philippe Schreck (Rassemblement national), qui a dénoncé "une relative stagnation" budgétaire sur la période 2023-2027 qui "n'est pas à la hauteur des enjeux". Ugo Bernalicis (La France insoumise) et Elsa Faucillon (Gauche démocrate et républicaine) ont, pour leur part, dénoncé le manque de "détails" sur la future utilisation des crédits. La députée communiste a par ailleurs regretté le manque d'initiatives du texte pour réduire la surpopulation carcérale.

Refonte du code de procédure pénale

Le projet du gouvernement prévoit une refonte du code de procédure pénale à droit constant, par voie d'ordonnances. "Fréquemment modifié, reposant sur une articulation peu maniable et peu intelligible, ce code ne paraît pas à la hauteur d'une justice accessible et claire", a justifié mercredi le rapporteur Erwan Balanant (Démocrate).

Un comité d'experts planche depuis janvier sur ce "travail herculéen" et Eric Dupond-Moretti a promis que le nouveau code n'entrerait pas en vigueur avant d'avoir été ratifié par le Parlement. De plus, "un comité de suivi composé d'un représentant par groupe parlementaire et des deux présidents des commissions des lois" sera instauré, a expliqué le garde des Sceaux. Autant de garanties qui n'ont pas convaincu Ugo Bernalicis : "J'ai déjà vécu dans la mandature précédente une réforme à droit constant du code de justice pénale des mineurs qui finalement n'était pas vraiment à droit constant", a ironisé l'élu LFI. 

Téléphones sous écoute

Autre mesure : le texte prévoit que le juge des libertés et de la détention, ou le juge d'instruction, pourra autoriser l'activation à distance des caméras et micros d'un téléphone portable ou d'un ordinateur. Ils pourront également activer leur localisation dès lors que la personne ciblée fait l'objet d'une enquête ou d'une instruction "relative à un crime ou à un délit puni d’au moins dix ans d’emprisonnement". Le gouvernement avait proposé d'appliquer cette dernière mesure aux crimes et délits punis d'"au moins cinq ans d'emprisonnement", mais les sénateurs ont en ont décidé autrement.

Mercredi, des députés de la majorité ont émis des réserves vis-à-vis de ce dispositif. Le rapporteur Erwan Balanant (Démocrate) a jugé nécessaire d'"encore améliorer l'encadrement proposé" par le texte. "Nous resterons vigilants sur l'encadrement de ces techniques particulièrement intrusives", a aussi prévenu Naïma Moutchou (Horizons). Le garde des Sceaux leur a répondu, rappelant que la captation du son et des images de téléphones portables serait rendue possible "s'agissant de terrorisme et de banditisme du haut du spectre" : "Ça concerne une dizaine d'affaires par an." Détaillant les nombreuses "garanties" encadrant la procédure, Eric Dupond-Moretti a promis la mise en oeuvre de "précautions supplémentaires s'agissant des journalistes". 

Une "contribution économique" devant certains tribunaux

Le projet du gouvernement propose également d'expérimenter pendant quatre ans, dans neuf à douze juridictions, des "tribunaux des activités économiques" aux compétences élargies par rapport aux tribunaux de commerce. Ces nouveaux "TAE" seront compétents s'agissant de "tous les acteurs économiques", y compris les agriculteurs, les professions médicales et paramédicales mais aussi les associations.

Autre expérimentation, qui aura lieu au sein de ces tribunaux des activités économiques : la mise en œuvre d'une "contribution économique comme cela se pratique dans divers pays européens". Cette disposition doit permettre de "lutter contre les recours abusifs et d'inciter à l'amiable", a expliqué Eric Dupond-Moretti. La somme réclamée sera fixée en fonction de la "capacité contributive des demandeurs et bien sûr du montant de la demande". Les petites entreprises devraient en être exonérées.

Par ailleurs, le Sénat a adopté un amendement gouvernemental qui prévoit la création dès janvier 2024 de pôles spécialisés dans la lutte contre les violences intra-familiales au sein des tribunaux. Le texte prévoit enfin d'étendre la possibilité de recourir aux perquisitions de nuit "pour les enquêtes de flagrance concernant les crimes contre les personnes".