Energies renouvelables : le gouvernement et l'Assemblée donnent des gages aux maires

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par Soizic BONVARLET, le Jeudi 8 décembre 2022 à 19:42, mis à jour le Vendredi 6 janvier 2023 à 15:05

L'Assemblée nationale a adopté, dans la nuit du jeudi au vendredi 9 décembre, un article clé du projet de loi relatif à l'accélération de la production d'énergies renouvelables. Lors du débat sur l'article 3, qui concerne la planification, les députés ont donné le dernier mot aux maires dans la définition des zones d'implantation accélérée d'EnR, à travers un "avis conforme". Certains députés dénoncent un retour déguisé du droit de veto des maires.

Les députés ont poursuivi, tout au long de la journée et de la soirée du jeudi 8 décembre, l'examen de l'article 3 du projet de loi sur l'accélération de la production d'énergies renouvelables (EnR). Adopté un peu avant minuit, cet article majeur du texte prévoit la définition par les collectivités locales de "zones d’accélération" pour le développement d'EnR.

Majorité et gouvernement attachés au principe de confiance à l'égard des élus locaux

Lors de la séance du 7 décembre, les zones d'accélération d'EnR avaient suscité des discussions nourries quant à savoir si elles devaient s'avérer exclusives ou non. Jeudi, c'est la question de l'avis conforme des maires qui a fait débat pendant plusieurs heures. 

Co-rapporteur du texte, Henri Alfandari (Horizons et apparentés) a fait adopter un amendement précisant qu'"aucune zone d’accélération ne peut être identifiée sans l’avis conforme de la commune concernée". Une manière de répondre au scepticisme de certains députés, notamment Les Républicains, mais aussi de la Gauche démocrate et républicaine, qui depuis le début de l'examen du texte demandent au gouvernement des gages quant au rôle qui sera accordé aux élus locaux, en particulier les maires, dans les projets d'EnR.

L'avis conforme, un droit de veto déguisé ? 

Après avoir voté un droit de veto des maires en commission, le Sénat était parvenu à un compromis avec le gouvernement lors de l'examen du texte en séance. Jeudi, l'Assemblée a simplifié les procédures, en tenant compte de propositions venant de différents bancs. Concrètement, les communes pourront faire remonter - dans un dispositif de planification "ascendante" - les zones où accélérer les projets d'énergies renouvelables, notamment via des incitations fiscales. Pour la phase d'application de ces zones "prioritaires" ou "propices", un avis conforme du maire sera requis. 

Certains députés estiment que derrière cet avis conforme se cache un droit de veto déguisé. Charles Fournier (Écologistes) a notamment évoqué "non pas un veto projet par projet", mais "un veto sur les zones". Après avoir également reproché à la majorité d'avoir "réintroduit le droit de veto", Clémence Guetté (La France insoumise) a défendu un amendement visant à se prémunir d’éventuels blocages en cas de manque de coopération de la part des maires, en accordant le dernier mot à l’État en la personne du référent préfectoral. L'amendement dispose ainsi que ce dernier, "à défaut de réponse suffisante en termes de définition de zones complémentaires d’accélération pour atteindre les objectifs régionaux", est en mesure, "dans un délai de trois mois", "de compléter la liste des zones prioritaires en lien avec le comité régional de l’énergie".

"Il me semble qu’on est en train de s’écarter du sens de ce texte" a fait valoir la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. "Moi je fais confiance aux élus (...) Il faut que les maires se sentent complètement considérés", condition sine qua non selon la ministre pour leur donner "l'envie" de s'emparer de projets d'EnR. Henri Alfandari a, pour sa part, dénoncé dans l'amendement de La France insoumise un "outil de décélération majeur avec des recours et des contentieux partout".

D'autres membres de la majorité ont pour leur part plutôt bien accueilli cet amendement, y compris l'un des co-rapporteurs du texte, Eric Bothorel (Renaissance), qui a indiqué être "tenté de voter l'amendement". Barbara Pompili (Renaissance) a également argué "qu'à un moment, il faut que l'on puisse aboutir", et vanté dans la mesure portée par l'amendement LFI "un gage [de] meilleure efficacité".

Le groupe Démocrate, initialement favorable à l'amendement, a par la voix de Bruno Millienne (Démocrate) renvoyé le sujet à la commission mixte paritaire qui réunira députés et sénateurs pour tenter de parvenir à un accord entre les deux Chambres, ne souhaitant pas inscrire "dans le dur" un délai jugé trop court. À l'issue d'une suspension de séance, La France insoumise a présenté un nouvel amendement modifiant de 3 à 6 mois le délai requis pour l'action préfectorale, sans pour autant réussir à le faire adopter. En l'état du texte, les maires auront donc bien le dernier mot quant à la définition des zones d'accélération d'EnR sur les territoires qui relèvent de leurs communes.