Covid-19 : "Il est hors de question de ne pas recueillir le consentement avant la vaccination"

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Alain Fischer (à gauche) a été nommé président du Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale par le gouvernement (AFP)
par Jason WielsSoizic BONVARLET, le Jeudi 10 décembre 2020 à 14:13, mis à jour le Vendredi 11 décembre 2020 à 12:55

Auditionné au Parlement, Alain Fischer, le "Monsieur vaccin" du gouvernement, a plaidé pour une campagne de vaccination progressive, axée sur de la "pédagogie plutôt que de[s] propos tranchés". Il compte sur le corps médical pour donner l'exemple.

Il sera dans les mois qui viennent le visage de la politique vaccinale. Alain Fischer, 71 ans, ancien directeur du service immunologie et hématologie pédiatrique de l'hôpital Necker à Paris, a décrit jeudi devant les députés et les sénateurs la méthode qu'il entendait développer pour appuyer le gouvernement dans la lutte contre la pandémie de coronavirus. Nommé président du nouveau Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale – composé d'experts et de citoyens  le pédiatre va faire de la communication l'une de ses principales missions. Au cours de son audition par l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques il a défini ses maîtres-mots en la matière : "prudence" et "transparence".

Une vaccination en "montée d'escalier"

Après une première apparition publique le 3 décembre aux côtés du Premier ministre Jean Castex, Alain Fischer a reconnu jeudi que "les craintes sont absolument légitimes" face à la mise au point exceptionnellement rapide de plusieurs vaccins contre la Covid-19. 

Notre responsabilité collective est de répondre à ces hésitations pour que les gens puissent réfléchir de façon informée et puissent accepter cette vaccination. Alain Fischer, le 10 décembre 2020

Alors que la Grande-Bretagne a déjà commencé à vacciner une partie de sa population, la France pourrait démarrer dès le début d'année prochaine, par étapes successives, en commençant par les plus âgés  les Ehpad déplorant plus d'un tiers des 56 000 morts à date dans l'Hexagone. "Je trouve qu'il est sage de vacciner par palier successif un nombre croissant de personnes, qu'on recueille au fur et à mesure les informations", a-t-il commenté.

Les cinq phases de vaccination prônées par la Haute autorité de santé seront "comme une montée d'escalier". La progression du nombre de patients "est de toute façon contrainte par le nombre de doses, entre guillemets 'cela tombe bien'", a expliqué Alain Fischer, alors que la première phase pourrait concerner 1 million de résidents et de soignants à risque.

Un certain recul sur la technologie ARN 

Alain Fischer s'est voulu rassurant sur les techniques utilisées notamment dans les vaccins des laboratoires Pfizer et Moderna (les premiers à être disponibles sur le marché). Les deux laboratoires américains utilisent la technologie de l'ARN messager, une innovation dans le monde vaccinal qui permet de donner une instruction génétique à nos cellules pour se défendre contre la Covid-19.

Sur le produit de Pfizer, il rappelle que l'on dispose d'un "recul de plus de trois mois" sur 23 000 personnes et que cette technique a déjà été expérimentée dans la lutte contre les cancers. Si les "deux accidents allergiques" survenus sur deux patients Outre-Manche "ne sont pas à surestimer ni à ignorer", Alain Fischer a jugé que les effets secondaires (maux de tête, malaise, frissons, douleurs musculaires) ne sont "pas énormément plus nombreux que [pour] les vaccins habituels".

Surtout, l'expert a invité à ne pas confondre "des manifestations de ce type qui sont sans gravité et transitoires" avec "des événements indésirables graves". "Cela n'a rien à voir", a-t-il insisté.

Le consentement sera impératif

Afin de montrer l'exemple, le professeur Fischer se fera vacciner lorsque la génération des "65-75 ans", à laquelle il appartient, sera incitée à le faire. Et il espère que ses collègues praticiens montreront l'exemple pour devenir les "ambassadeurs" du vaccin. Selon lui, la question de l'acceptabilité du vaccin est directement liée à l'accord du patient :

Il est évident qu'il est hors de question de ne pas recueillir le consentement avant la vaccination. Soit par la personne elle-même, soit, quand elle n'est pas en état de le donner, de la part ses proches. Alain Fischer, le 10 décembre 2020

Le cas de la délégation du consentement  courant pour les personnes placées en Ehpad et qui n'ont plus toujours les moyens de prendre des décisions pour elles-mêmes  doit être prochainement éclairée par un avis du Conseil consultatif national d'éthique. 

Le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale devrait entamer ses travaux dès la semaine prochaine, a affirmé son président, une fois sa composition officialisée.

Au lendemain de cette audition, les membres de l'office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques ont aussi entendu Marie-Paule Kieny. La présidente du comité scientifique sur les vaccins covid-19 et directrice de recherches à l’INSERM est venue confirmer que la France avait fait le choix d'une "vaccination progressive" – et non "de masse" comme la Grande-Bretagne  défendant une stratégie fondée sur le rapport bénéfice-risque des catégories de population ciblées. Tout comme Alain Fischer, elle a par ailleurs indiqué que les premiers vaccins pourraient s'avérer "assez réactogènes", mais pas plus que les autres produits de vaccination, administrés en particulier aux jeunes enfants. Si elle a exclu une éradication totale du virus grâce au vaccin, Marie-Paule Kieny s'est montrée confiante sur le fait qu'il puisse avoir "un impact très important sur la façon dont nous gérons la crise".