Collectif "Bassines, non merci !" : "Sainte-Soline, c'est aussi honteux pour la gendarmerie que la mort de Rémi Fraisse"

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Le collectif Bassines non merci ! était auditionné ce 27 septembre LCP 27/09/2023
Le collectif Bassines non merci ! était auditionné ce 27 septembre (© LCP)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 27 septembre 2023 à 21:23, mis à jour le Mercredi 27 septembre 2023 à 21:44

Auditionnés par la commission d'enquête sur les groupuscules violents lors de manifestations, des membres du collectif "Bassines, non merci !" ont étrillé la stratégie de maintien de l'ordre lors de la manifestation interdite contre les mégabassines, à Sainte-Soline, en mars dernier. L'audition a illustré des points de vue diamétralement opposés, entre les membres du collectif et une majorité des députés de la commission, au sujet des affrontements qui ont eu lieu ce jour-là. 

Pendant près de deux heures et demi, l'audition menée par la commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les groupuscules violents lors de manifestations a illustré des divergences de vue irréconciliables au sujet des affrontements qui ont eu lieu, le 25 mars dernier, à Sainte-Soline (Deux-Sèvres). Mercredi 27 septembre, c'était au tour du collectif "Bassines, non merci !" de se présenter devant l'instance, essentiellement pour revenir sur la manifestation interdite contre les mégabassines, qui avait dégénéré en violents affrontements entre manifestants et forces de l'ordre.

Tout au long de cette audition, les représentants du collectif ont fustigé le choix de construire ces retenues d'eau. Ils ont surtout stigmatisé la stratégie de maintien de l'ordre mise en œuvre fin mars à Sainte-Soline, estimant que ce sont les gendarmes qui sont responsables du déclenchement des affrontements, car ils auraient poussé les manifestants à lutter pour leur propre intégrité physique. 

"Sainte-Soline, c'est aussi honteux pour la gendarmerie que la mort de Rémi Fraisse", a notamment lancé le porte-parole du collectif, Julien Le Guet, en référence au militant écologiste mort lors d'une manifestation contre le barrage de Sivens en 2014. Une "boucherie", un "échec collectif", la "honte de la France"... Julien Le Guet a multiplié les critiques à l'encontre de la gestion de la manifestation, appuyé par les autres membres du collectif.

Le gouvernement n'aurait jamais dû prendre le risque de tuer quelqu'un. Jérémie Fougerat, membre du collectif "Bassines, non merci !"

"Le gouvernement n'aurait jamais dû prendre le risque de tuer un citoyen, juste pour protéger un cratère géant. La protection des personnes doit primer sur celles des biens", a affirmé Jérémie Fougerat, médecin et membre de "Bassines, non merci !" . "Oui, nous avons bien relevé la présence d'individus violents parmi les manifestants ; mais rien ne justifie un tel usage de la force disproportionné et indiscriminé sur l'ensemble de la zone, à l'égard de tous les manifestants, y compris ceux qui étaient pacifiques", a ajouté Jérôme Graefe, qui figurait parmi les observateurs de la Ligue des droits de l'homme (LDH) sur place.

Au cours de l'audition, il a notamment remis en cause la version de la préfecture des Deux-Sèvres et des forces de l'ordre sur plusieurs points précis du déroulé de la manifestation, notamment concernant l'emplacement du premier point de contact physique entre manifestants et gendarmes mobiles, sur l'engagement de sommations et, surtout, sur les accusations d'interdiction de l'accès du Samu à la position d'un blessé, qui font l'objet d'une polémique entre la LDH et le ministère de l'Intérieur. 

"Je vais devoir aller récupérer mes boules"

Questionné par Florent Boudié (Renaissance), le rapporteur de la commission d'enquête, sur les nombreuses armes par destination saisies en amont de la manifestation, Julien Le Guet a justifié leur présence par le nombre de contrôles effectués sur 5 jours. Au nombre de 24 000, ces contrôles auraient visé aussi bien des manifestants que des locaux, pas préparés à voir le contenu de leur coffre fouillé. "Dans nos coffres, il y a tout un tas d'armes par destination, à commencer par les boules de pétanque", a-t-il indiqué, laissant entendre qu'il s'agissait là d'une stratégie des forces de l'ordre. Avant d'indiquer que ses propres boules avaient été saisies, alors qu'il n'avait aucune volonté de s'en servir contre les gendarmes mobiles.

Cet argumentaire n'a pas convaincu Florent Boudié. "Chacun appréciera les arguments que vous évoquez", s'est contenté de commenter le député. Début septembre, une délégation de la commission d'enquête s'était rendue à Sainte-Soline. Une visite de terrain à l'issue de laquelle le rapporteur de la commission, ainsi que Patrick Hetzel (Les Républicains), qui en assure la présidence, avaient conclu que les affrontements avaient été largement prémédités par une partie des manifestants.  

Mercredi, plusieurs autres membres de la commission d'enquête n'ont pas caché leur agacement face à l'angélisme affiché par le collectif. "Toutes vos recommandations aux manifestants sont faites pour que les relations entre les manifestants et la police et la gendarmerie soient mauvaises", a considéré Ludovic Mendes (Renaissance), qui a détaillé la longue liste des armes par destination confisquées par les forces de l'ordre. Et qui a indiqué que, selon un journaliste de Ouest France présent sur place, une partie des cortèges avait délibérément choisi de charger les gendarmes.

"Soit vous habitez sur une autre planète, très lointaine et très fumeuse, soit vous nous prenez pour des imbéciles", s'est exaspéré Julien Odoul (Rassemblement national). "Dans votre dimension, les pierres aiguisées sont là pour allumer des feux, les haches pour couper du bois, les boules de pétanque pour organiser des tournois sympathiques, et même les gendarmes se sont blessés eux-mêmes", a-t-il ironisé. "Ce n'est pas la réalité", a-t-il conclu, avant de critiquer le rapport de la LDH, un "pamphlet contre les forces de l'ordre".

Cette audition, qui a permis d'entendre le point de vue des opposants aux mégabassines - compensant la défection des Soulèvements de la Terre plus tôt dans la journée -, vient quasiment clore le cycle de la commission d'enquête. Ce dernier doit normalement s'achever le 5 octobre, avec l'audition du ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, plusieurs fois surnommé "Voldemort"  par Julien Le Guet au cours de l'audition du jour.