Dans une Assemblée nationale sans majorité, chaque voix comptera lors de la bataille budgétaire qui commence, ce vendredi 24 octobre, dans l'hémicycle du Palais-Bourbon. Entre appels la mobilisation générale et tableaux de services, chaque groupe politique s'est organisé pour peser lors des débats et des scrutins qui auront lieu sur la partie "recettes" du projet de budget 2026.
La "mobilisation générale", c'est le mot d'ordre des groupes politiques qui composent l'Assemblée nationale pour la bataille budgétaire. Après les débats en commission des finances, où le texte a été rejeté, les députés entament ce vendredi 24 octobre, à 15 heures, l'examen dans l'hémicycle de la première partie du projet de budget 2026 – celle consacrée aux "recettes" de l'État.
Alors que le calendrier est particulièrement contraint, en raison du retard pris à la suite de la chute du gouvernement Bayrou et du temps qui a été nécessaire à la constitution du gouvernement Lecornu, des séances ont été ouvertes samedi et le projet de loi de finances (PLF) occupera l'essentiel de l'ordre du jour jusqu'au vote solennel sur les recettes prévu le mardi 4 novembre.
Dans l'hémicycle, chaque camp va tenter de remporter des victoires de fond, afin de respecter les grands équilibres de la copie du gouvernement ou, au contraire, de la réorienter. Des victoires qui nécessiteront de remporter les scrutins qui auront lieu sur les amendements et les articles du PLF. Alors que les débats se tiendront jours et nuits, chacun des onze groupes politiques de la représentation nationale s'est donc organisé pour mobiliser au maximum ses troupes lors du marathon budgétaire qui débute.
"C'est très simple, la consigne c'est tout le monde dans l'hémicycle, tout le temps", assure-t-on côté socialiste. Un député PS évoque une jauge de 55 présents par séance (sur 69 membres du groupe). "La demande, c'est présence maximale", indique également la présidente du groupe Écologiste et social, Cyrielle Chatelain, qui ajoute : "On fera le maximum à chaque séance en adaptant aux enjeux et aux contraintes individuelles."
A La France insoumise, on explique qu'il faut que "tous ceux qui le peuvent soient présents", en précisant que "les chefs de file [sur le budget] et les membres de la commission des finances seront à fond et les autres en renfort pour se battre pied à pied sur chaque horreur de ce budget". Le message passé aux députés insoumis, notamment pour vendredi soir et samedi où seront discutés les articles sur la taxation des plus riches et des grandes entreprises : "Rendez-vous disponible, et à l'Assemblée." Au moins dans l’enceinte du Palais-Bourbon, de façon à ce que les députés puissent arriver très vite dans l'hémicycle lors des votes les plus importants.
Au Rassemblement national, l'heure est également à la mobilisation générale. "On vise une jauge de 100 à 120 députés [sur 123] en permanence en séance", explique un membre du groupe présidé par Marine Le Pen. Un calendrier de présence a été mis en place. "J'aurai une journée off tous les 7-8 jours", indique la même source.
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Il y a un an, en partie grâce à la présence clairsemée des troupes du "socle commun" dans l'hémicycle, qui étaient de toute façon minoritaires lorsque les oppositions additionnaient leurs voix, le Nouveau Front populaire et le Rassemblement national avaient réussi à très largement remanier le projet de loi de finances du gouvernement. "Ce budget est celui du Nouveau Front populaire", avait même estimé Aurélien Le Coq (La France insoumise). Mais lors du vote sur l'ensemble de la première partie, seule la gauche avait voté en faveur du texte amendé qui avait donc été rejeté.
"L'année dernière, on avait pu faire un budget NFP-compatible. On n'y arrivera pas cette année", anticipait déjà il y a quelques jours le président de la commission des finances, Éric Coquerel (LFI), pour qui la mobilisation doit quand même être "maximale" pour "battre le budget".
Sans recours au 49.3, ce n'est plus un jeu à blanc, ça joue ! Un député Ensemble pour la République
Qu'est-ce qui a changé, selon lui ? En premier lieu, le discours davantage "néolibéral" du Rassemblement national qui s'oppose désormais à la taxe Zucman et devrait par conséquent moins voter avec la gauche sur certaines mesures phares. Éric Coquerel anticipe aussi une plus forte présence des députés de l'ex-majorité présidentielle dans l'hémicycle : "Il n'y aura pas de démobilisation." Sous-entendu, contrairement à ce qu'il s'était passé à l'Assemblée nationale en octobre 2024, où beaucoup avaient déserté les bancs. A l'époque, Le Monde avait analysé la proportion des députés de chaque groupe ayant participé aux votes en séance du projet de loi de finances 2025 : 12,9% chez Horizons, 18,6% au MoDem, 20% chez Renaissance ; contre 47,2% du côté du Rassemblement national et 52,8% à La France insoumise.
Cette année, "sans recours au 49.3, ce n'est plus un jeu à blanc, ça joue !", confirme un député Renaissance. "Le rappel a été fait, c'est un combat où tout le monde doit être là", poursuit cet élu du groupe Ensemble pour la République, ajoutant : "On n'a pas siégé pendant trois mois et demi, on peut siéger non-stop pendant deux ou trois semaines !" Croisé, l'un de ses collègues, candidat aux municipales à venir, confirmait la mobilisation : "Je fais une semaine 100% Paris et dans l'hémicycle." Si aucun système de planning ou de permanence n'a été établi, un "appel à la mobilisation" a été passé, et "répété plusieurs fois", indique-t-on dans l'entourage de Gabriel Attal, le président du groupe EPR.
"Nous, ce week-end, on est quinze [sur 34], et ça montera en puissance la semaine prochaine", explique pour sa part un cadre d'Horizons. Du côté des Démocrates, le groupe au sein duquel siègent les députés moDem, un "tableau de présence" a été réalisé pour s'organiser au mieux. Quant à la Droite républicaine, qui rassemble les députés LR présidés par Laurent Wauquiez, elle dit avoir "mobilisé tous [ses] députés pour qu'ils soient présents vendredi et samedi", deux journées qui s'annoncent décisives sur les questions fiscales.
Reste à voir quelle sera la teneur des débats et les résultats des scrutins qui scanderont l'examen du texte. Lors du vote solennel prévu le 4 novembre, soit la partie "recettes" du projet de loi de finances sera adoptée et les députés passeront la semaine suivante, en séance publique, à l'examen de la seconde partie, consacrée aux "dépenses". Soit elle sera rejetée et c'est l'ensemble du projet de budget qui partira directement au Sénat.