Budget 2026 : le vote sur la partie "recettes" reporté, les socialistes attendent de voir la copie finale

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Assemblée nationale
par Anne-Charlotte Dusseaulx, le Lundi 3 novembre 2025 à 21:15, mis à jour le Lundi 3 novembre 2025 à 21:30

Ce lundi soir à minuit, au terme du calendrier initialement prévu, les députés ne seront pas parvenus au bout de l'examen de la partie "recettes" du projet de loi de finances pour 2026. Le vote solennel prévu demain sera donc reporté. Les discussions sur la première partie du budget de l'Etat reprendront après l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, qui commencera ce mardi 4 novembre. 

Une petite pause et puis revient. Ce lundi soir à minuit, les députés interrompront les discussions, débutées il y a huit jours dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale, sur la première partie du projet de loi de finances (PLF). Mais pour un temps seulement, puisqu’avec quelque 2 000 amendements restants à examiner et sans recours à l'article 49.3 permettant d'abréger les échanges, le vote solennel initialement prévu demain, mardi 4 novembre, ne pourra pas avoir lieu. Il sera donc reporté à une date ultérieure, lorsque l'examen de la partie "recettes" du budget de l'Etat sera terminé. 

Quand ? Le texte devrait faire son retour dans l'hémicycle dans une dizaine de jours, après l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS). D'après le calendrier actuellement fixé, les discussions sur le budget de la Sécu commenceront en effet demain après-midi et doivent s'achever par un vote solennel programmé le 12 novembre.

Une valse à deux temps - résultant d'un calendrier budgétaire contraint et des délais fixés par la Constitution - différemment appréciée dans les couloirs du Palais-Bourbon. Pour le député Harold Huwart (LIOT), cet intercalation "rend encore plus improbable un vote positif sur le PLF", car les discussions sur le PLFSS, et ses "horreurs", vont être "plus dures" que sur le budget. "On va attaquer la face nord", poursuit le même. Pour d'autres, notamment au sein du Parti socialiste, l'arrivée du budget de la Sécurité sociale pourrait cependant permettre de purger, dans les votes en séance, quelques "irritants".

Purger "les irritants" du budget de la Sécu

"Les premiers items du musée des horreurs [du PLFSS] sont tombés", considère ainsi le député Romain Eskenazi (Socialistes). "On est les cambrioleurs du musée des horreurs", glissait l'un de ses collègues auprès de LCP à la mi-journée. Tout en reconnaissant que le PS n'avait pas encore "suffisamment" obtenu sur la justice fiscale dans le cadre de l'examen du PLF, avec notamment le rejet vendredi de la taxe Zucman et de l'amendement Mercier. 

Malgré tout, ce lundi, au groupe Socialistes, présidé par Boris Vallaud, on prenait le temps, face aux journalistes, de lister les mesures à mettre au crédit de la bataille budgétaire : la suspension de la réforme des retraites, la réindexation des pensions de retraite et des minima sociaux, la suppression de l'impôt sur les affections de longue durée, le rétablissement de l'abattement de 10% pour les retraités, la suppression des franchises médicales, etc. Ce week-end, le Premier ministre, Sébastien Lecornu, s'était étonné dans la presse que le PS ne revendique pas davantage ces avancées.

La majorité du groupe considère que chaque jour nous permet d'avoir des avancées, pas suffisantes, mais réelles. On verra la copie à la fin. Romain Eskenazi (député PS)

Un "point d'étape" a d'ailleurs été fait, ce lundi en début d'après-midi, lors d'une réunion des députés socialistes. "Le gouvernement sait que pour nous, le compte n'y est pas en termes de recettes", a indiqué à la sortie Philippe Brun. Constatant : "On a engrangé des victoires, et des défaites". "On a juste partagé un état des lieux. Mais il n'y avait rien à trancher à ce stade", assure un autre participant sollicité par LCP.

Pour l'heure, côté PS, il est urgent d'attendre. "La majorité du groupe considère que chaque jour nous permet d'avoir des avancées, pas suffisantes, mais réelles. On verra la copie à la fin", explique Romain Eskenazi, qui ajoute : "Ce sera une question de jauge." Plus tôt dans la journée sur France Inter, tout en estimant que le compte n'y était pas encore, le premier secrétaire du parti, Olivier Faure, avait estimé que, si la voie était "étroite" vers une adoption du budget par l'Assemblée nationale, un "chemin" lui semblait encore "possible"

Une échéance fixée au 23 novembre

A la reprise des débats sur le budget le 12 novembre, après le vote solennel du PLFSS si celui-ci va jusqu'au bout , il restera dix jours aux députés pour voter la première partie du PLF en respectant les délais constitutionnels. L'échéance des 40 jours, dont dispose l'Assemblée en première lecture, arrivera en effet à expiration le 23 novembre à minuit. Sauf que le temps nécessaire pour terminer l'examen des recettes amputera d'autant l'examen de la deuxième partie du budget de l'Etat consacrée aux dépenses. Quoi qu'il en soit, le texte passera alors au Sénat. Sachant que selon l'article 47 de la Constitution, le Parlement dispose d'un délai de 70 jours pour se prononcer définitivement sur le projet de loi de finances. 

"Aujourd'hui, très clairement, si on continue à cette vitesse, il faut le dire entre nous il n'y aura pas de partie votée. Alors ça arrange certains, car à mon avis elle ne sera pas adoptée, mais je ne crois pas que ça arrange l'Assemblée", a mis en garde le président de la commission des finances, Eric Coquerel (La France insoumise) à la reprise des travaux lundi matin. 

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Mais, même s'il y a un vote sur le volet recettes, son issue reste incertaine. Ce dimanche, le rapporteur général du Budget, Philippe Juvin (Droite républicaine), anticipait déjà son rejet : "Je ne vois pas très bien comment cette partie 1 pourrait être votée, parce qu'en fait elle ne va satisfaire personne", déclarait-il sur LCI. "Je ne légifère pas un pistolet sur la tempe. (...) On peut faire des compromis, mais à un moment ça suffit", a pour sa part jugé le député Christophe Marion (Ensemble pour la République) sur BFMTV ce lundi. 

Présent à une réunion convoquée à la mi-journée au ministère des Relations avec le Parlement, le député Matthias Renault (Rassemblement national) a, quant à lui, a estimé dans la foulée que "quasiment tout le monde a[vait] laissé entendre que non", ils ne voteraient pas la première partie du projet de loi de finances. Etaient autour de la table : le RN et son allié de l'UDR, le groupe indépendant LIOT et les représentants de l'ex-socle commun (Ensemble pour la République, Les Démocrates, Horizons et Droite républicaine. La gauche, elle, n'avait pas fait le déplacement, refusant de s'asseoir à la même table que le Rassemblement national "Je ne vais pas manger avec les fachos ! On ne va pas écrire une coalition avec le RN", expliquait un député PS. 

Si l'attitude des socialistes est scrutée, leur abstention ne suffirait pas à faire adopter le budget s'il y a un vote , même avec un "socle commun" entièrement en soutien ce qui, au demeurant, est aujourd'hui loin d'être le cas. Le projet de loi de finances et les modifications qu'il a subies ne rassemblant à ce stade aucune majorité dans une Assemblée partagée en trois blocs eux-mêmes parfois divisés. "On dit au gouvernement que c'est bien de nous traiter nous, mais il faut surtout traiter les écologistes et les communistes", affirme un député PS. 

Une loi spéciale ou des ordonnances ?

En résumé, le chemin budgétaire s'annonce plus qu'escarpé. En cas de rejet du projet de loi de finances, une loi spéciale pourrait être votée, comme fin 2024, pour autoriser l'Etat à percevoir les impôts existants. Les dépenses seraient gelées par décret, en attendant le vote éventuel d'un budget en bonne et due forme début 2026.

Autre option : si le Parlement ne s'est pas prononcé d'ici au 23 décembre sur un budget, le gouvernement pourra alors mettre en place son projet initial par ordonnances, soit un budget appliqué sans vote, une procédure qui serait inédite sous la Ve République. "J'ai bien compris que le gouvernement nous dit qu'il ne compte pas sur les ordonnances, n'empêche on y va tout droit", a estimé Eric Coquerel (LFI) dans l'hémicycle. "On part tout droit vers les ordonnances", a également considéré la présidente du groupe RN, Marine Le Pen.

On sait très bien qu'on va nous faire le coup des ordonnances. Hervé Marseille (sénateur Union centriste)

Même le chef des sénateurs centristes, Hervé Marseille, a mis les pieds dans le plat. Selon lui, sans majorité au Parlement, les discussions n'ont aucune chance d'aboutir à un compromis global d'ici au 31 décembre. "On sait très bien qu'on va nous faire le coup des ordonnances", a déclaré le président du groupe Union centriste sur Public Sénat.

"C'est beaucoup trop tôt pour évoquer ces hypothèses. Commencer à parler de l'après, ça sous-entend qu'on a déjà une stratégie pour éviter le Parlement. Ce n'est pas le cas", a quant à lui assuré le ministre des Relations avec l'Assemblée nationale et le Sénat, Laurent Panifous. "Il n'y a pas de plan caché", a elle aussi affirmé la ministre des Comptes publics, Amélie de Montchalin. Mais d'ores et déjà, Romain Eskenazi (PS) met en garde le gouvernement : "Sébastien Lecornu sait très bien que s'il prend des ordonnances, il faudra cranter nos victoires. S'il s'assoie dessus, il tombe."