Bien-être animal : la majorité rétrécit la proposition de loi Villani

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Photo d'illustration élevage de cochon (DANNY GOHLKE/DPA via AFP)
par Jason Wiels, le Jeudi 1 octobre 2020 à 16:15, mis à jour le Mardi 2 février 2021 à 18:26

Au cours d'un long débat, la commission des affaires économiques a validé les dispositions du texte de Cédric Villani sur l'interdiction des animaux sauvages dans les spectacles et de l'élevage de vison. La majorité a en revanche rejeté l'interdiction de certaines pratiques de chasse et de la fin de l'élevage en cage.

L'essentiel

  • Veau, vache, cochon... Les conditions de vie de la faune sauvage comme domestique ont été au centre de l'attention des députés de la commission des affaires économiques pendant quatre heures jeudi. Cédric Villani (Écologie démocratie solidarité) a défendu une proposition de loi visant à améliorer le sort des animaux élevés en batterie, à interdire les animaux sauvages dans les cirques et delphinariums ou à en finir avec certains types de chasse (à courre, sous terre, à la glu).
  • En lien avec les annonces de la ministre de la Transition écologique Barbara Pompili lundi, La République en marche a voté la fin des animaux sauvages dans les spectacles et l'élevage de vison après réécriture des articles. La majorité a toutefois rejeté le fonds de transition pour aider les éleveurs à passer à des pratiques plus vertueuses ainsi que les mesures anti-chasse.
  • Le texte sera débattu en séance publique le 8 octobre dans le cadre de la niche parlementaire du groupe EDS. 

Les moments clés du débat

Spectacle : clap de fin pour les animaux sauvages dans les cirques

C'est le point le plus consensuel du texte qui vise à lutter contre "certaines pratiques génératrices de souffrances chez les animaux" et à "améliorer leurs conditions de vie" : la fin de leur utilisation pour divertir le public. A travers l'adoption d'un amendement LaREM, l'article 3 mettra fin à l'utilisation des "animaux non domestiques" dans les cirques dans les cinq ans qui suivront la promulgation de la loi. L'interdiction entrera même en vigueur dans les deux ans pour certaines bêtes comme les ours, les éléphants ou les lions.

L'absence de prise en compte des cétacés dans la proposition de la majorité, et qui était présente dans le texte du rapporteur Cédric Villani, a d'abord choqué ce dernier. Aurore Bergé (LaREM) a répondu que l'interdiction des delphinariums interviendrait en séance, le groupe majoritaire n'ayant pas prévu dans ses amendements de le voter en commission.

Après une brève suspension de séance. les deux parties sont finalement tombées d'accord pour faire rentrer les delphinariums dans le champ de l'interdiction à travers un sous-amendement du rapporteur. "Il s'agit de quelques dizaines d'individus en France", a précisé Cédric Villani à propos des dauphins et des orques qui pourront finir leur vie dans des "structures adaptées".

Devant les inquiétudes exprimées par plusieurs élus, le rapporteur a rappelé que les parcs zoologiques n'étaient pas concernés par l'article.

Fourrure : les visons visés par la loi, pas les lapins 

Autre point confirmé en commission, la fin de l'élevage pour produire de la fourrure. De tous les élevages ? C'est là que des premières divergences sont apparues entre les groupes EDS et LaREM.

Si la réécriture de l'article 2 opérée par un amendement de Corinne Vignon (LaREM) prévoit bien la fin "dans un délai de cinq ans" de "l'élevage de visons d'Amérique destinés à la production de fourrure", Cédric Villani s'est étonné de l'absence des lapins Orylag dont les poils sont utilisés dans la confection de vêtements de luxe. "Ce que je conteste, c'est qu'on abatte des animaux sans consommer leur chair", lui a répondu Corinne Vignon.

À noter le rejet de l'amendement de Damien Adam (LaREM), pourtant soutenu par le rapporteur, qui proposait d'afficher à côté du prix étiqueté sur un vêtement la présence de fourrure animale.

Élevage : la majorité préfère faire confiance aux filières

C'était la disposition la plus ambitieuse, la plus onéreuse aussi, de la proposition de loi : offrir à tous les animaux d'élevage un accès au plein air dans 20 ans, en 2040. "C'est une transition sur une génération, qui pourrait coûter plusieurs milliards d'euros", a reconnu le célèbre mathématicien qui a sorti la calculette : selon lui, elle coûterait "trois centimes par jour et par Français". Elle permettrait aux poules, lapins et porcs d'assouvir pleinement leur besoins physiologiques et d'éviter les auto-mutilations que s'infligent parfois les animaux élevés en batterie :

Vous avez déjà vu des cochons se manger la queue dans la nature ? Ce sont uniquement les conditions d'élevage dans le cadre de l'industrialisation qui les |y amènent]. Cédric Villani

Le député s'est même livré à un véritable plaidoyer en faveur de "la très intelligente" race porcine, révélant dans un sourire s'être souvent baladé en forêt avec son marcassin tenu en laisse, lorsqu'il était enfant, en Corrèze.

Le plan de transition proposé par le député n'a néanmoins pas convaincu Jean-Baptiste Moreau (LaREM), qui a proposé et obtenu la suppression de l'article. Selon cet agriculteur de profession, "c'est un modèle que les éleveurs savent à l'avance non rentable. Aujourd'hui, dans le monde réel, si on oblige les animaux à sortir on va augmenter les coûts de production donc le prix payé par le consommateur. Automatiquement, on va avoir des produits importés", a fait valoir l'élu de la Creuse. 

Autre argument développé Jean-Baptiste Moreau : les terres nécessaires pour reconvertir le secteur de l'élevage dans le plein air.

Pour faire du porc en plein air, il faut à peu près 500 000 hectares, c'est-à-dire l'équivalent d'un département français. Je ne sais pas où on les trouve ! Jean-Baptiste Moreau

Chasse : LR et LaREM font bloc contre toute restriction

Dernier pan du texte, lui aussi rejeté : l'interdiction de certaines formes de chasse, comme la chasse à courre, la vénerie sous terre (comme les terriers des renard ou des blaireaux) et la capture d'oiseaux avec de la glu. Pour cette année, Emmanuel Macron a cependant décidé fin août d'interdire ce dernier type de chasse pour les grives et les merles. 

Cédric Villani a dû faire face à l'opposition déterminée d'Anne-Laure Blin (LR) et d'Alain Perea (LaREM), dont les deux groupes ont voté contre l'article. La première a reproché au texte de s'attaquer à une "tradition rurale" tandis que le second a invité le rapporteur à participer à l'une de ces chasses avant de proposer leur suppression. L'intéressé a vivement décliné la proposition : "Je ne vous suivrai pas, de la même façon que je ne vais pas mettre un orque dans un petit bassin près de chez moi pour voir la dose de souffrance qu'il va subir !"

Le sujet a aussi transcendé les clivages politiques, et plusieurs élus ont déploré l'épisode récent d'un cerf à bout de forces qui s’est réfugié pendant plusieurs heures dans le centre-ville de Compiègne (Oise) pour fuir la meute de chiens qui le pourchassait. "On ne peut s'exonérer de ce débat" sur la chasse à courre, a par exemple soutenu Anthony Cellier (LaREM), qui a expliqué avoir "bien du mal à expliquer à ses enfants" de telles images.