Le gouvernement fait voter son "compromis" sur la consigne des bouteilles en plastique

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par Jason Wiels, le Mercredi 18 décembre 2019 à 20:36, mis à jour le Mardi 5 janvier 2021 à 17:36

Après un débat agité, les députés ont adopté le principe de la consigne pour le réemploi et le recyclage des bouteilles. Les collectivités auront toutefois jusqu'en 2023 pour s'adapter et atteindre les objectifs de recyclage, avant que l'État n'impose éventuellement ce mode de tri. Un projet dénoncé par les associations d'élus locaux à l'issue d'une concertation.

Supprimée par le Sénat, la consigne pour recyclage des bouteilles en plastique a été réinscrite dans le projet de loi de lutte contre le gaspillage mercredi. Par "un amendement de compromis", la ministre de la Transition écologique, Elisabeth Borne, a proposé aux députés d'acter ce principe pour atteindre les objectifs européens qui prévoient un taux de collecte de ces bouteilles à hauteur de 77% en 2025 et 90% en 2029. Actuellement, en France, le taux des collectes pour recyclage des bouteilles et flacons en plastique ne serait que de 57%.

Dans le projet de loi initial, l'exécutif espérait généraliser la consigne mais a dû reculer face à l'hostilité des professionnels du recyclage et des associations d'élus. Cette fois, le gouvernement fixe un délai, jusqu'à 2023, avant l'éventuelle mise en place de la consigne des bouteilles en plastique et propose aux collectivités de lancer des expérimentations. Si les collectivités prouvent qu'elles sont capables d'atteindre les objectifs à date, elles pourront maintenir leur mode de collecte actuel.

Promesse tenue ?

Fruit d'une concertation entre le gouvernement, les ONG et les élus locaux, l'amendement du gouvernement est toutefois très critiqué par les représentants de la quasi-totalité des collectivités. Dans un communiqué, ils ont même appelé les députés à "refuser toute forme de consigne pour recyclage imposée autoritairement et à inscrire, dans le marbre de la loi, les paroles données par le Président de la République".

Emmanuel Macron avait en effet promis lors du Congrès des maires de France que "rien ne se ferait sans l'accord des maires". La proposition finale est donc loin de faire l'unanimité, plusieurs députés d'opposition appelant leurs collègues de la majorité à faire respecter la parole du Président.

Dans l'hémicycle, les députés de droite comme Valérie Beauvais (LR) ont affirmé que "les collectivités se sentaient flouées", face à une consigne semblant "inéluctable".

"Ce sont les parlementaires qui font la loi", a souligné la secrétaire d'État Brune Poirson. Devant les critiques, celle-ci a assuré que les collectivités ne seraient pas perdantes financièrement. Nombre de députés se sont en effet inquiétés d'un risque de manque à gagner en sortant les bouteilles plastiques des poubelles de tri, actuellement ramassées et valorisées par les acteurs locaux.

L'ombre des multinationales de la boisson

L'autre critique majeure, venant cette fois de la gauche, est la supposée mainmise des géants de l'industrie des boissons comme "Nestlé, Danone et Coca-Cola" sur la consigne. "Ils agissent auprès du gouvernement pour aller dans le sens de l'article que vous portez !", a notamment dénoncé le communiste André Chassaigne.

Pour le président du groupe Gauche démocrate et républicaine, l'objectif de ces multinationales est de "se verdir car elles sentent qu'elles sont mises en cause" et de "maîtriser le flux de plastique recyclé car ils savent qu'en 2030 il faudra incorporer 30% de plastique recyclé".

Elisabeth Borne lui a répondu que le but du gouvernement était avant tout de diviser par deux la commercialisation de plastique à usage unique à cette même date. D'autres mesures du projet de loi prévoit d'ailleurs la réduction du plastique à tous les niveaux et une interdiction des plastiques à usage unique d'ici à 2040.

"Un amendement mou"

L'amendement controversé a été adopté par 100 voix contre 59, principalement grâce aux voix des députés de La République en Marche et du MoDem.

À contre-courant de la défiance de l'opposition face à une mesure vécue comme une contrainte, Barbara Pompili (LaREM) a exprimé ses doutes sur la montée en puissance de la consigne : "Je vous le dis, je trouve que cet amendement est mou, parce qu'il n'impose rien et ne fait que dresser quelques perspectives (...). On est en train de s'empailler pour pas grand chose", a conclu la présidente de la commission du développement durable très applaudie par... la majorité.