Vie chère en Outre-mer : l'Assemblée se prononce à l'unanimité pour une commission d'enquête

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par Soizic BONVARLET, le Jeudi 9 février 2023 à 11:32, mis à jour le Lundi 13 février 2023 à 08:12

À l'initiative du groupe "Socialistes et apparentés", les députés ont adopté à l'unanimité une proposition destinée à créer une commission d’enquête sur le coût de la vie dans les départements et régions d'Outre-mer. 

Le consensus dont a fait l'objet la proposition de résolution destinée à créer une commission d’enquête sur le coût de la vie dans les Outre-mer, présentée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire des députés socialistes, jeudi 9 février, a contrasté avec l'ambiance tendue qui règne dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale depuis le début de la semaine et l'examen de la réforme des retraites. 

La responsabilité de l’État mise en cause

Lors de l'examen du texte, les élus des territoires ultra-marins, tous groupes politiques confondus, ont fait corps pour défendre cette initiative. Le rapporteur de la proposition de résolution, Johnny Hajjar (Socialistes et apparentés) a initié son propos par l'inventaire des "déterminants associés", responsables du coût particulièrement élevé de la vie en Outre-mer, parmi lesquels des "contraintes d’importation massive de France et d’Europe". Au-delà d'un facteur géographique, le député de Martinique a également pointé un "traitement injuste et inéquitable de l’État", rejoint par Elie Califer (Socialistes et apparentés), le député de la Guadeloupe voisine regrettant un "sous-investissement chronique". Le député de Mayotte Mansour Kamardine (Les Républicains) a, quant à lui, déploré dans la vie chère et les difficultés sociales qui en résultent une "donnée connue de tous et de laquelle tout le monde détourne le regard".

Évoquant un "mal-développement chronique", Johnny Hajjar a souhaité rappeler quelques chiffres éloquents au sujet des territoires d'Outre-mer : une inflation structurelle en moyenne supérieure de 40% à celle de l’Hexagone, un montant de la dotation de continuité territoriale qui s'élève seulement à 45 millions d'euros pour l’ensemble des Outre-mer contre 190 millions pour la Corse, et enfin, un écart de prix de près de 40% par rapport à la métropole.

Orateur pour le groupe Horizons et apparentés, Xavier Albertini a, pour sa part, rappelé que 42% de la population des départements et régions d'Outre-mer (DROM) vivait sous le seuil de pauvreté, avec un taux de chômage culminant à 22%. Il a cependant voulu souligner ce qu'il a qualifié de "conscience inédite de cette majorité" quant à ces difficultés endémiques.

Des propos balayés par Hélène Laporte (Rassemblement national) qui a parlé d'une "politique d’abandon", dont elle a jugé qu'elle s'était exacerbée durant le premier quinquennat d'Emmanuel Macron. Sabrina Sebaihi (Écologiste), a également accusé l'exécutif d'avoir "abandonné des territoires et des citoyens de la République" et de n'avoir mené "aucune politique ambitieuse (...) pour réduire la fracture territoriale entre l’Hexagone et les Outre-mer". Évoquant la gestion de la situation sociale au cours des dernières années, la députée écologiste a conclu : "Cet abandon et cette gestion sécuritaire de ces territoires porte un nom : c’est une gestion coloniale".

Johnny Hajjar a, lui aussi, évoqué les révoltes contre la vie chère, qui ont secoué plusieurs territoires d'Outre-mer entre 2009 et 2020, faisant d'eux des "poudrières sociales". Outre la responsabilité de l’État, dont il a regretté la décision d'amoindrir le budget des communes des DROM, le député ultra-marin a mis en cause les tarifs de fret maritime pour les importations et la situation de quasi-monopole de l'armateur CMA-CGM.

Guillaume Vuilletet (Renaissance) n'a pas contesté les "risques de problèmes d’ordre public" en lien avec une situation sociale explosive, tout en affirmant qu'une "politique de rattrapage" était menée par le gouvernement, avant d'afficher son soutien à la commission d'enquête.

"Nous ne demandons pas l'aumône"

Les situations de monopole, y compris dans la grande distribution, ont également été pointées du doigt par le député de la Réunion Philippe Naillet (Socialistes et apparentés), et par le député de Martinique Jiovanny William (Gauche démocrate et républicaine). "Nous ne demandons pas l’aumône", a déclaré ce dernier, avant de plaider pour que cessent "toutes les formes de violence économique à l’encontre de nos populations". La réforme des retraites n'a pas manqué de s'inviter dans les débats puisque Philippe Naillet, s'adressant à la majorité, s'est exclamé : "Non, il n'y a rien dans ce projet de loi pour les petits retraités réunionnais, et pour les retraités les plus pauvres de France !".

En termes de pouvoir d'achat, Marc Le Fur (Les Républicains) a fait valoir le "bouclier qualité-prix" mis en place par l’État sur une liste de produits de consommation courante, tout en évoquant des "trous dans la raquette" de ce dispositif en vigueur dans neuf territoires d'Outre-mer.

J’attire votre attention, chers collègues, sur l’absence révélatrice de membres de gouvernement sur ces bancs. Même s’il est vrai qu’il n’y a pas d’obligation, cela dénote un désintérêt qui est choquant. Karine Lebon, députée Gauche démocrate et républicaine de la réunion

Alors qu'un amendement du député de la Réunion Jean-Hugues Ratenon (La France insoumise) a élargi le champ d'action de la commission d'enquête aux "solutions existantes", l'amendement du Rassemblement national visant à y inclure la Nouvelle-Calédonie (qui ne fait pas partie des DROM, mais est une collectivité d'Outre-mer au statut particulier ndlr), n'a pas été adopté. Johnny Hajjar a salué un "signal important" dans le vote unanime des députés en faveur de la création de la future commission d'enquête.

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