Sûreté nucléaire : le gouvernement mis en échec sur la fusion de l'ASN et de l'IRSN

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La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes)
La centrale nucléaire de Chooz (Ardennes)
par Raphaël Marchal, le Mercredi 15 mars 2023 à 19:48, mis à jour le Jeudi 16 mars 2023 à 11:11

Très contestée, la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire et l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, voulue par le gouvernement dans le cadre du projet de loi sur le nucléaire, a été rejetée par les députés mercredi 15 mars.

Contre l'avis du gouvernement, le principe de la fusion entre l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN), le "gendarme du nucléaire" responsable des contrôles, et de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), chargé de l'expertise et de la recherche, a été rejetée par les députés ce mercredi. La mesure était discutée dans le cadre du projet de loi sur la relance du nucléaire examiné depuis lundi à l'Assemblée nationale.

Dès le début de la séance, les prises de parole se sont succédé pour fustiger cette réforme, au moins sur la forme, si ce n'est sur le fond. La fusion entre ces deux entités avait en effet été introduite lors de l'examen en commission, via deux amendements du gouvernement. Sans que l'avis du Conseil d'État ni l'étude d'impact ne puissent se prononcer sur son bien-fondé. "Un cavalier législatif", pour Delphine Batho (Écologiste), farouchement opposée à cette "réforme à la hussarde".

La manoeuvre a été critiquée jusque dans les rangs de la majorité. "Nous n'avons absolument pas apprécié la méthode du gouvernement", a témoigné Bruno Millienne (Démocrate). "Cet article pose davantage de questions qu'il n'apporte de réponses", a abondé Philippe Bolo (Démocrate).

C'est l'intervention de Barbara Pompili (Renaissance) qui a le plus électrisé les bancs de la Nupes, debout pour applaudir l'ancienne ministre de la Transition énergétique : "Cela ne vous étonne pas que le président et la rapporteure d'une commission d'enquête sur la sûreté nucléaire, qui sont membres de la majorité, et qui sont des gens modérés disent que c'est une folie de nous balancer ça comme cela ? Quel est le respect du travail du Parlement dans ça ? Je suis choquée."

Une pédagogie sans effets

Comme en commission, la rapporteure Maud Bregeon (Renaissance) et la ministre de la Transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher, ont fait oeuvre de pédagogie pour tenter de convaincre les députés les plus réticents. "Cette fusion n'entraînera aucun changement de nos procédures de sûreté nucléaire", a indiqué cette dernière. Agnès Pannier-Runacher a même promis de donner son aval à un amendement de réécriture du groupe Démocrate, qui aurait davantage encadré la réforme et consacré le rôle du Parlement.

Dans un premier temps, cette stratégie a failli se révéler payante : les amendements de suppression ont été rejetés à une voix près - il y a même eu égalité, revendiquent les élus de la Nupes, qui ont rapporté une erreur dans le comptage de la voix d'Éric Coquerel (LFI). Mais, dans la foulée, c'est un amendement de réécriture de Benjamin Saint-Huile (Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires) qui a été adopté, aux antipodes de la vision de l'exécutif.

Cette modification du texte consacre en effet le modèle dual actuel, avec la conservation de l'existence de l'ASN et de l'IRSN et la stricte séparation de leurs activités. Un gage d'indépendance, selon le groupe Liot, plutôt favorable au projet de loi mais très opposé au projet de fusion. Sans surprise, l'article suivant, qui opérait le transfert des employés de l'IRSN vers l'ASN, a été supprimé, sans trop d'opposition, puisque rendu caduque par l'adoption de l'amendement Liot.

Le spectre d'une seconde délibération

Ragaillardis par cette victoire, plusieurs députés de la Nupes ont toutefois intimé la ministre de ne pas demander une seconde délibération sur l'amendement, ce qui marquerait, selon eux, une forme de "mépris" du Parlement et de ses décisions.

Sans répondre directement aux craintes formulées par les députés de gauche, Agnès Pannier-Runacher a annoncé qu'une deuxième lecture du projet de loi avait été proposée aux sénateurs, qui n'avaient pas eu l'occasion de se prononcer sur la fusion lorsqu'ils avaient examiné le texte en janvier. "Ils sont en train d'y réfléchir", a-t-elle indiqué. Initialement, la procédure accélérée avait été engagée sur le texte par le gouvernement, afin de limiter la navette parlementaire. La tournure des événements pourrait conduire l'exécutif à ralentir afin de permettre la réintégration de la mesure rejetée ce mercredi, en première lecture, à l'Assemblée.