Société : une législature aux visées progressistes

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Maud Dupuy / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence KagniSoizic BONVARLET, le Jeudi 10 mars 2022 à 14:53, mis à jour le Vendredi 11 mars 2022 à 11:55

"PMA pour toutes", égalité femmes-hommes, extension du délai de recours à l'interruption volontaire de grossesse, congé paternité, expérimentation du cannabis thérapeutique... La législature a permis le vote de plusieurs réformes sociétales de nature très différentes, souvent très débattues, parfois plus consensuelles, à l'Assemblée nationale. 

Pendant cinq ans, la majorité parlementaire, soucieuse de renvoyer une image progressiste, a adopté plusieurs lois, dans des domaines très différents, tenant compte de l'évolution de la société. La plus emblématique d'entre-elles a été votée le 29 juin 2021 : deux ans après l'ouverture des débats, l'Assemblée nationale a définitivement adopté le projet de loi relatif à la bioéthique, qui ouvre notamment la procréation médicalement assistée (PMA) aux femmes seules et aux couples de femmes. Le texte crée aussi un droit à l'accès aux origines pour les enfants nés de don : à leur majorité, ceux-ci pourront demander de recevoir des informations sur leur donneur, dont son identité.

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La droite, qui a dénoncé la création "d'enfants privés de père", a vu dans ce texte une première étape vers la légalisation de la gestation pour autrui. Les défenseurs du projet de loi ont, au contraire, salué un nouveau "droit qui n'enlève rien à personne". Autre réforme majeure portée par ce texte : il rend possible l'autoconservation de ses gamètes sans raison médicale.

Egalité femmes-hommes et lutte contre les violences

Les députés et le gouvernement ont tenté de tenir une autre promesse d'Emmanuel Macron : le 25 novembre 2017, quelques mois après son élection, le chef de l’État avait déclaré l’égalité femmes-hommes "grande cause nationale" de son mandat. Dès le 1er août 2018, l’Assemblée nationale a donc adopté un texte d'émanation gouvernementale, qui "renforce la lutte contre les violences sexuelles et sexistes". La loi dite "Schiappa" porte à 30 ans après la majorité des victimes présumées le délai de prescription des crimes sexuels commis sur des mineurs, contre 20 ans jusqu’alors. Elle renforce, par ailleurs, des dispositions du code pénal pour réprimer les infractions sexuelles sur les mineurs. Insuffisante selon ses détracteurs, cette loi est complétée, trois ans plus tard, par le vote de la proposition de loi visant à "protéger les mineurs des crimes et délits sexuels et de l'inceste" qui durcit la législation en fixant notamment un seuil de non-consentement à 15 ans, et 18 ans en cas d’inceste.

Combat transpartisan, les droits des femmes ont aussi progressé avec le vote, fin 2019, de la proposition de loi "visant à agir contre les violences au sein de la famille", à l'initiative d'Aurélien Pradié (Les Républicains). Celle-ci fixe à six jours le délai maximum de délivrance par le juge aux affaires familiales d’une ordonnance de protection pour une victime de violences conjugales. 

Autre grand chantier lancé par les députés : l’effectivité du droit à l'avortement. Soutenue par la majorité à l’Assemblée, la proposition de loi d'Albane Gaillot (non inscrite) a été à deux reprises adoptée avant d’être rejetée systématiquement par le Sénat, dominé par la droite. Sa mesure-phare, l’allongement du délai de recours à l’IVG de 12 à 14 semaines, est décriée par de nombreux parlementaires Les Républicains. Elle ne bénéficie pas non plus du soutien de l'Exécutif, qui a fait part de ses réserves à plusieurs reprises. C’est pourtant le gouvernement qui a fini par l'inscrire à l’ordre du jour du Sénat pour une deuxième lecture afin de permettre son adoption avant l'interruption de la session parlementaire, en février, avec le soutien de la majorité à l'Assemblée nationale. 

Dans un tout autre domaine, en décembre 2021, c’est une proposition de loi relative à l’égalité économique et professionnelle qui a été adoptée : le texte instaure notamment un quota de 40% de femmes cadres-dirigeantes dans les entreprises d'ici à 2030.

Congé paternité, cannabis, pensions alimentaires

Les projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) ont également permis de voter plusieurs mesures sociétales comme l'extension de l'obligation vaccinale à 11 vaccins dans le PLFSS en 2017, l'allongement du congé maternité pour les travailleuses indépendantes en 2018, ou l'expérimentation du cannabis thérapeutique en 2019. Le Parlement a décidé, lors du PLFSS 2020, d'indemniser les congés de proche aidant pendant trois mois au maximum pendant une carrière. Le dispositif a été élargi et revalorisé en 2021.

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Autres mesures : l'allongement du congé paternité à 28 jours, dont 7 obligatoires, en 2020 ou encore l'accès gratuit à la contraception jusqu'à l'âge de 25 ans, ainsi que l'automatisation du mécanisme de garantie du versement des pensions alimentaires en 2021. 

Par ailleurs, les députés ont étendu le congé pour deuil d'enfant, le faisant passer à 15 jours. L'Assemblée nationale a aussi adopté, à l'unanimité, un projet de loi qui facilite l'accès au marché du travail de certaines personnes atteintes de maladies chroniques, comme le diabète.

A noter également, le vote, en janvier 2022, d'une proposition de loi "interdisant les pratiques visant à modifier l’orientation sexuelle ou l’identité de genre d’une personne".  Présenté par Laurence Vanceunebrock (La République en marche), ce texte inscrit dans le code pénal une nouvelle infraction qui punit le recours aux "thérapies de conversion". 

Langues régionales et enfants youtubeurs

En fin de législature, le Parlement a adopté une proposition de loi de Paul Molac (Libertés et Territoires) "relative à la protection patrimoniale des langues régionales et à leur promotion". Le texte, contesté par une partie de la majorité, généralise notamment les langues régionales comme matière facultative de la maternelle au lycée. Il consacre également la signalétique bilingue (en langue régionale) dans les services publics.

Dans un autre registre, le Parlement a strictement encadré la vente en ligne d'animaux domestiques, mais aussi interdit à partir de 2024 la vente de chiens et de chats dans les animaleries. Ces dernières pourront en revanche proposer ces animaux à l'adoption, afin de désengorger les refuges. Les spectacles de dauphins et d'orques seront interdits à partir de 2026. Dès 2028, les animaux sauvages seront interdits dans les cirques itinérants.

Au début de l'année 2021, le Parlement a définitivement adopté la proposition de loi "visant à définir et protéger le patrimoine sensoriel des campagnes françaises" : elle permet de répertorier les "sons" et "odeurs" de la campagne afin de construire un "inventaire avec une reconnaissance du patrimoine sensoriel", a expliqué son auteur, Pierre Morel-A-L'Huissier (UDI). Le but est d'empêcher les néoruraux de porter plainte contre les chants de coq ou les clochers d'église pour "trouble anormal de voisinage".

Concernant les enfants, au cours de la législature, les députés ont notamment adopté un texte qui interdit les "violences éducatives ordinaires", dont la fessée, en ajoutant dans le code civil la mention selon laquelle "l’autorité parentale s’exerce sans violences physiques ou psychologiques et ils on voté une loi encadrant l'activité des jeunes youtubeurs

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Enfin, débat de société inachevé, la question de la fin de vie a fait l'objet d'une proposition de loi d'Olivier Falorni (Libertés et territoires). L'examen de ce texte visant à donner "le droit à une fin de vie libre et choisie" a été entamé, mais n'est pas allé à son terme. Un sujet qui devrait revenir à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale lors de la prochaine législature.