Revalorisation des retraites agricoles : la proposition communiste modifiée en commission

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LILIAN CAZABET / HANS LUCAS / HANS LUCAS VIA AFP
par Maxence Kagni, le Mercredi 10 juin 2020 à 11:52, mis à jour le Mercredi 10 juin 2020 à 15:57

Une proposition de loi du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR) prévoit de rehausser à 85% du Smic "le minimum de pensions digne et décent" à l’ensemble des retraités relevant du régime agricole. Lors de l'examen de cette proposition en commission à l'Assemblée, la majorité a soutenu le texte, qui a donc été adopté, tout en instaurant un plafond limitant le cumul de pensions de retraite.

La commission des affaires sociales a adopté, en deuxième lecture, la proposition de loi communiste "visant à assurer une revalorisation des pensions de retraite agricoles en France continentale et dans les outre-mer".

Cette proposition de loi avait été adoptée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale en première lecture le 2 février 2017, c'est-à-dire avant l'élection d'Emmanuel Macron et le changement de majorité à l'Assemblée nationale.

"Le constat dressé en 2017 est resté intact depuis", a commenté mercredi André Chassaigne, le président des députés communistes et rapporteur du texte.

Un agriculteur sur trois a une retraite inférieure à 350 euros par mois, c'est la réalité. André Chassaigne

"Pension digne"

Concrètement, la proposition de loi reprend la "garantie d’une pension minimale, de base et complémentaire" pour les retraités non-salariés agricoles. Cette garantie a été fixée en 2014 à 75 % du Smic net pour une carrière complète. 

Afin de "garantir un niveau minimum de pensions digne et décent à l’ensemble des retraités relevant du régime agricole", André Chassaigne propose de le porter à 85 % du Smic.

La commission des affaires sociales a adopté un amendement du député La République en Marche Olivier Damaisin qui modifie le dispositif. Tout d'abord, il décale d'un an l'entrée en vigueur de la proposition de loi, la portant au 1er janvier 2022.  Autre changement : "les bénéficiaires du complément de retraite agricole" devront avoir "demandé l'ensemble de leurs droits à retraite".

"Ecrêtement"

Mais le changement le plus conséquent est l'instauration d'un système "d'écrêtement" : si le montant de retraite tous régimes confondus "excède un plafond fixé par décret, le complément différentiel est réduit à due concurrence du dépassement". 

En effet, un retraité peut toucher plusieurs pensions différentes. Avec la modification apportée par Olivier Damaisin, le versement du complément ne pourra pas permettre à la somme totale reçue par un retraité de dépasser le plafond fixé par décret.

Cette limitation est une garantie d'"équité entre assurés monopensionnés et polypensionnés afin que le complément différentiel ne favorise pas injustement ces derniers", a expliqué la députée La République en Marche Mireille Robert.

Pas des "privilégiés"

Le changement voté par la majorité n'a pas convaincu André Chassaigne : "Quels sont les agriculteurs qui ont eu une autre activité durant leur carrière ? Ceux qui avaient le plus de difficultés", a affirmé le président du groupe GDR. 

André Chassaigne refuse de voir ceux "qui ont été obligés pour vivre d'avoir un revenu complémentaire" comme des "privilégiés".

Selon lui, le dispositif de la majorité revient à "mettre fin à l'universalité de la garantie de retraite minimale".

La garantie de retraite minimale est universelle, elle traduit la reconnaissance de la Nation envers les agriculteurs ayant consacré leur vie à leur exploitation pour nourrir le pays. André Chassaigne

André Chassaigne ajoute que ni la loi de 2002 "posant les fondations d'un régime complémentaire obligatoire dédié aux agriculteurs", ni la réforme des retraites de 2014 "qui a mis en place la garantie 75% du Smic" n'ont prévu cet écrêtement. Autre argument : le projet de réforme des retraites de l'actuelle majorité, adopté en première lecture en mars 2020, "ne prévoit pas lui-même" un tel dispositif.

Tentant de convaincre ses collègues, André Chassaigne estime que son propre dispositif ferait passer le nombre de bénéficiaires de la garantie de retraite minimale de 230.000 à 290.000 personnes, pour un coût supplémentaire de 407 millions d'euros. Le gain moyen supplémentaire serait de 114 euros par mois pour les agriculteurs.

Alors que, toujours selon André Chassaigne, le dispositif de la majorité abaisserait ces chiffres à 196.000 bénéficiaires et 255 millions d'euros. Le gain moyen supplémentaire serait de 104 euros.

Le gouvernement va "lever le gage"

Lors des débats, le député MoDem Nicolas Turquois a rappelé que la réforme des retraites, dont l'examen par le Parlement n'est pas achevé, prévoit une "retraite minimale à 85% du Smic pour une carrière complète". Il a également affirmé que le Premier ministre lui a confié, ainsi qu'à Lionel Causse (LaREM), une mission "sur les petites retraites dans leur ensemble" dont les conclusions sont attendues à la rentrée.

"La réforme des retraites, actuellement en 'stand-by', ne traitait pas de la question du 'stock' des retraités (ceux qui sont aujourd'hui à la retraite, ndlr)", a pour sa part souligné Arnaud Viala (Les Républicains). L'élu, qui soutient de ce fait le dispositif d'André Chassaigne, a également déploré le report par la majorité de la mise en oeuvre de la mesure.

André Chassaigne a également reçu le soutien "plein et entier" d'Adrien Quatennens (La France insoumise), celui de Boris Vallaud (Socialistes et apparentés), qui a appelé à "voter sans amendement cette proposition de loi", ainsi que celui d'Annie Chapelier (Ecologie Démocratie Solidarité) et de Jeanine Dubié (Libertés et Territoires).

Paul Christophe (Agir ensemble) a quant à lui soutenu les modifications apportées par la majorité. Saluant "l'opportunité" créée par ce texte, Thierry Benoit (UDI et indépendants) a appelé à pouvoir "d'ici la séance éclaircir la question de l'écrêtement".

L'examen en séance publique est prévu le 18 juin. Selon André Chassaigne, le gouvernement a déjà indiqué qu'il "lèvera le gage" sur ce texte : cela signifie qu'il s'engage à prendre en charge la dépense nouvelle créée par la proposition de loi. Il s'agit d'une forme de soutien de l'exécutif au texte tel qu'amendé par la commission.