Retraites : tensions autour de la question du temps de parole des députés

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par Maxence Kagni, le Mardi 4 février 2020 à 23:10, mis à jour le Mercredi 4 mars 2020 à 17:06

Pour accélérer l'examen des quelque 20.000 amendements restants à étudier, le bureau de la commission spéciale chargée d'examiner la réforme des retraites a décidé de réduire le temps pendant lequel les députés peuvent défendre certains de leurs amendements. Une décision vivement critiquée par l'opposition de gauche en général et La France Insoumise en particulier.

Comment accélérer l'examen du projet de loi "instituant un système universel de retraite", alors qu'il reste près de 20.000 amendements à étudier ?

Mardi soir, le bureau de la commission spéciale a pris la décision de limiter, dans certains cas précis, le temps durant lequel un député peut défendre son amendement.

Désormais, les amendements identiques - déposés par les membres d'un même groupe - seront défendus par leurs auteurs "pour une durée ne pouvant excéder une minute" et non plus durant deux minutes.

Un dispositif qui vise avant tout La France Insoumise, qui a déposé près de 19.000 amendements. Pour faire durer les débats, et signifier leur opposition à la réforme, les 17 députés LFI ont en effet déposé de nombreux amendements identiques. Le but, pour eux, est de pouvoir prendre la parole à chaque fois.

"Diviser par deux le temps de parole"

Le bureau de la commission souhaite ainsi réduire les effets de l'obstruction parlementaire des députés LFI afin de pouvoir commencer dans les temps l'examen du texte en séance publique.

Les débats dans l'hémicycle doivent en effet débuter le 17 février, afin que le texte soit voté en première lecture avant le premier tour des élections municipales.

"La décision a été prise après 24 heures de débats de diviser par deux le temps de parole des parlementaires", a critiqué mardi soir Adrien Quatennens (La France Insoumise).

Le gouvernement a mis le pays sens dessus dessous et veut passer en force.Alexis Corbière

Vallaud (PS) menace de démissionner

Les députés communistes ont eux aussi critiqué la décision, Pierre Dharréville estimant par exemple que le gouvernement devrait renoncer à la procédure accélérée. "Vous créez les conditions pour nourrir un recours devant le conseil constitutionnel qui nous permettra de faire aisément la démonstration que les débats n'ont pas été éclairés", a ajouté son collègue Sébastien Jumel.

Le socialiste Boris Vallaud, vice-président de la commission spéciale, a affirmé mardi soir avoir voté contre la décision prise par le bureau. Voyant son affirmation remise en cause par la présidente Brigitte Bourguignon, il a menacé de démissionner : "Moi, je ne serai pas votre pantin !", a lancé l'élu des Landes.

"Il y a des règles ici !"

Face aux nombreuses critiques, la présidente Brigitte Bourguignon a rappelé que la décision n'émanait pas d'elle seule mais "du bureau de la commission".

Elle a été soutenue par le rapporteur général du texte Guillaume Gouffier-Cha (LaREM), qui a dénoncé des "propos irrespectueux vis-à-vis de la présidente de commission" et "vis-à-vis de décisions d'un bureau". Le député LaREM a ensuite haussé le ton, affirmant qu'"en démocratie, il y a des règles".

"Nous ne sommes pas dans une anarchie !", a-t-il ajouté.

Les députés pourraient siéger ce week-end

"Est-ce que la majorité est vraiment en train de priver La France Insoumise de prise de parole ? La réponse est évidemment non", a réagi la rapporteur Olivier Véran. Le député LaREM a souligné que les nouvelles règles votées mardi soir laissaient aux députés LFI près de "300 heures de prise de parole uniquement dans la présentation des amendements".

Face à un "certain nombre de députés" (c'est-à-dire les élus LFI) qui "répètent comme une antienne les mêmes arguments", le rapporteur MoDem du texte Nicolas Turquois a de son côté décidé de ne "plus commenter les arguments qui sont posés".

Pour venir à bout de l'examen, Brigitte Bourguignon a également annoncé que la commission pourrait siéger jusqu'au mardi 11 février inclus, "y compris les samedi 8 et dimanche 9".

L'examen du projet de loi organique pourrait quant à lui avoir lieu le mercredi 12 février. La décision finale sera prise le vendredi 7, en fonction de l'avancement des débats.

Les LR craignent que la commission ne "serve à rien"

"Malgré cette décision, les délais ne pourront être tenus", a réagi le député La France Insoumise Alexis Corbière. C'est aussi la crainte du député Les Républicains Thibault Bazin : "Est-ce que les services de l'Assemblée ont pu faire une simulation pour nous assurer que l'on sera en mesure d'examiner, avec le sérieux qu'on lui doit, l'ensemble du projet de loi d'ici mardi soir ?", a demandé l'élu.

Ce dernier redoute que la commission spéciale ne puisse aller au bout de l'examen du texte : "Cela pourrait signifier que tous les amendements adoptés d'ici là tomberaient."

L'examen en séance publique se ferait donc sur la base de "la version initiale" du projet de loi : "C'est comme si notre travail [d'amendement et d'étude du texte en commission] n'avait servi à rien."