Réforme des retraites : motions de censure, mode d'emploi

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Assemblée nationale, le 17 mars 2023.
par Maxence Kagni, le Dimanche 19 mars 2023 à 06:00, mis à jour le Lundi 20 mars 2023 à 12:04

Après le recours au 49.3 par Elisabeth Borne sur la réforme des retraites, les oppositions ont déposé, vendredi 17 mars, deux motions de censure pour essayer d'empêcher l'adoption du texte en faisant tomber le gouvernement. Motions de censure : du dépôt au scrutin, mode d'emploi. 

Après le recours au 49.3 par le gouvernement sur la réforme des retraites, la plupart des groupes d'opposition tentent d'empêcher l'adoption définitive du texte en déposant des motions de censure. De quoi s'agit-il ? Combien de députés doivent signer puis voter une motion pour qu'elle soit adoptée ? LCP vous explique tout.

Qu'est-ce qu'une motion de censure ?

Prévue par la Constitution, la motion de censure permet aux députés de provoquer la démission du gouvernement. Il s'agit d'un texte signé par au moins 58 députés et qui doit ensuite être voté par la majorité absolue des membres de l'Assemblée nationale, soit actuellement 287 députés.

Il existe deux types de motions de censure :

  • les motions de censure spontanées, à l'initiative des députés (article 49 alinéa 2 de la Constitution).
  • les motions de censure "provoquées", en réaction à la décision du gouvernement d'engager sa responsabilité sur un projet de loi (article 49 alinéa 3 de la Constitution).

Dans le cas de la réforme des retraites, les motions de censure déposées vendredi 17 mars ont été provoquées par le gouvernement, qui a décidé d'engager sa responsabilité sur le texte. Cela signifie que la réforme sera adoptée sans vote, à moins qu'une ou plusieurs motions de censure ne soient déposées et votées.

Qu'est-ce qu'une motion de censure "transpartisane" ?

Les motions de censure, pour être soumises au vote de l'Assemblée nationale, doivent être signée par au moins 58 députés. La plupart du temps, les motions de censure sont signées par des députés de la même famille politique. C'est le cas de l'une des deux motions qui ont été déposées, signée par les députés du Rassemblement national.

L'autre motion, dite "transpartisane", a été signée par des élus qui appartiennent à des groupes politiques différents. L'objectif est de rassembler le plus largement possible de façon à ce que celle-ci recueille un maximum de voix. 

C'est ce que tentent de faire les députés du groupe Libertés, Indépendants, Outre-mer et Territoires (Liot) qui souhaitent, pour la plupart, obtenir la démission du gouvernement en essayant de faire adopter cette motion "transpartisane", signée par des élus de ce groupe, ainsi que par des députés des quatre groupes de la Nupes.

Les explications du président du groupe LIOT Bertrand Pancher : 

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La motion peut-elle être adoptée ?

Pour aboutir à la démission du gouvernement, une motion de censure doit être adoptée par la majorité absolue des membres qui composent l'Assemblée, soit actuellement 287 députés sur 573 sièges pourvus. La motion déposée par le Rassemblement national n'a aucune chance d'être adoptée, les députés de la Nupes refusant notamment de voter un texte signé par le groupe politique présidé par Marine Le Pen.

La motion du groupe Liot recueillera plus de suffrages, cependant son adoption éventuelle semble, a priori, improbable.

Elle devrait être votée par les 149 députés de la Nupes soit :

  • 74 députés La France insoumise,
  • 31 députés socialistes,
  • 22 députés écologistes,
  • 22 députés de la Gauche démocrate et républicaine.

Elle sera aussi votée par la grande majorité des 20 députés du groupe Liot, mais pas tous, ainsi que par les 88 députés du Rassemblement national. Certains des 5 députés non inscrits, parmi lesquels figurent l'insoumis Adrien Quatennens, mais aussi Nicolas Dupont-Aignan ou Emmanuelle Ménard, apporteront également leur soutien à la motion. L'ensemble de ces groupes représentent 262 voix, moins quelques-unes donc, sur les 287 nécessaires.

Le choix des 61 députés du groupe Les Républicains sera donc décisive. Selon les décomptes, il faudrait qu'environ 30 d'entre-eux votent en faveur de la motion pour que celle-ci puisse être adoptée. Une hypothèse qui, selon les déclarations issues du groupe LR, semble à ce stade plus qu'incertaine, même si quelques élus du parti de droite, comme Aurélien Pradié et Ian Boucard, ont annoncé leur intention de la voter. 

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Que se passe-t-il si la motion de censure transpartisane est adoptée ?

Depuis le début de la Ve République (en 1958), une seule motion a été votée par l'Assemblée nationale, en 1962. Si la motion "transpartisane" était adoptée, la Première ministre Elisabeth Borne serait contrainte de remettre la démission de son gouvernement à Emmanuel Macron

Le président de la République aurait alors la possibilité de dissoudre l'Assemblée nationale. C'est ce qu'a fait Charles de Gaulle en 1962. Emmanuel Macron en a fait planer la menace a plusieurs reprises depuis le début de la législature. De nouvelles élections législatives seraient alors organisées au plus tôt 20 jours après la dissolution et au plus tard 40 jours après celle-ci.

Si les élections législatives étaient remportées par les soutiens du président de la République, alors Emmanuel Macron aurait la possibilité, s'il le souhaite, de renommer Elisabeth Borne au poste de Premier ministre. C'est ce qui était arrivé en 1962 : après l'adoption de la motion de censure, les soutiens du général De Gaulle avaient remporté les élections législatives et le Président avait renommé Georges Pompidou à Matignon. En cas de défaite de la coalition présidentielle, tout dépendrait du résultat des urnes...