Projet de loi de finances : Bruno Le Maire et Gabriel Attal défendent un budget "responsable et protecteur"

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Bruno Le Maire Commission des Finances
par Soizic BONVARLETRaphaël Marchal, le Lundi 26 septembre 2022 à 19:10, mis à jour le Vendredi 6 janvier 2023 à 15:33

À l'issue de son adoption en Conseil des ministres, Bruno Le Maire et Gabriel Attal ont présenté le projet de loi de finances pour 2023 devant la commission des finances de l'Assemblée nationale. L'occasion pour le ministre de l’Économie et le ministre délégué aux Comptes publics de réitérer le double objectif de "protéger" les Français face à la crise énergétique, tout en assurant la maîtrise des dépenses publiques.

"Ce n'est pas un budget de rigueur, ce n'est pas un budget de facilité, c'est un budget responsable et protecteur dans des temps de grande incertitude". C'est ainsi que Bruno Le Maire a défini, lundi 26 septembre, le sixième budget de l'ère Macron, dont la première partie sera examinée dans l'hémicycle de l'Assemblée nationale à partir du 10 octobre. Un projet de loi de finances qui porte une dimension particulière, en ce qu'il doit notamment prendre en compte les effets de l'inflation sur le quotidien des Français.

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Aides aux ménages : le bouclier tarifaire maintenu

"Notre priorité absolue, c'est l'inflation", a ainsi répété Bruno Le Maire, évoquant le bouclier tarifaire, dont la Première ministre et lui-même avaient déjà annoncé le maintien il y a deux semaines. "Les prix du gaz et de l'électricité vont augmenter, c'est vrai, mais de 15 %, alors qu'ils auraient dû augmenter de 100 %", a indiqué le ministre de l’Économie. Ce bouclier représente une charge pour l’État de 16 milliards d'euros, dont 5 milliards pour le gaz et 11 milliards pour l'électricité.

Les ministres ont, par ailleurs, annoncé que le barème de l'impôt sur le revenu serait indexé sur le niveau d'inflation, soit à 5,4 %. "Ceux qui travaillent sont donc récompensés de leur travail, ils n'en sont pas privés par l'inflation", a justifié Bruno Le Maire.

Enfin, les ministres ont martelé que chaque nouvelle dépense était pesée pour faire face à l'urgence. "Nous sommes sortis du quoi qu'il en coûte, et nous sommes dans le combien ça coûte", a ainsi déclaré Gabriel Attal. Lors d'une conférence de presse organisée à Bercy, lundi matin avant le Conseil des ministres, Bruno le Maire avait évoqué une "France à l'euro près". Le ministre délégué aux Comptes publics a abondé dans le même sens, assurant qu'"un euro dépensé est un euro raisonné, évalué, utile à la protection des Français."

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La crise énergétique pèse sur la transition écologique 

"Nous pourrions certainement faire mieux", a admis Bruno Le Maire à propos de la dynamique budgétaire concernant la lutte contre le réchauffement climatique, preuve que les objectifs liés à "la fin du mois" et à "la fin du monde" ne sont pas toujours aisés à concilier. "Il est évident que le budget est un peu déporté dans un sens qui n'est pas celui que nous aurions souhaité, par les aides et les subventions à nos compatriotes en matière de gaz, et en 2022, en matière de carburants", a justifié le ministre de l’Économie.

Bruno Le Maire a cependant vanté les mérites de certaines mesures "vertes" contenues dans le budget, dont les "dépenses brunes" sont déjà fortement critiquées. "Le budget de MaPrimeRénov va passer de 2 milliards d'euros en 2022 à 2,5 milliards d'euros en 2023, c'est une augmentation très significative", a-t-il argué avant d'évoquer la nécessité de flécher la réflexion sur des incitations à des rénovations "globales" plutôt qu'à des "gestes individuels".

Le ministre de l’Économie a enfin annoncé une enveloppe de 1,3 milliards d'euros consacrés au verdissement du parc automobile, et "un virage radical", en ce que "la France n'accordera plus aucune garantie export pour aucune énergie fossile".

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Un soutien affirmé aux entreprises

Éviter une crise économique en plus de la crise énergétique. Voici l'objectif des mesures d'aide aux entreprises contenues dans le projet de loi de finances. Pour ce faire, 3 milliards d'euros sont prévus avec pour objectif d'éviter de devoir débourser encore davantage dans le futur. "Soutenir les entreprises, les aider sur le paiement des factures du gaz et de l'électricité, c'est s'assurer que les usines tournent à un rythme normal", a détaillé Bruno Le Maire. En contrepartie, le ministre souhaite éviter le spectre des délocalisations, et encourage au contraire les grandes entreprises à poursuivre le mouvement de relocalisation.

Bruno Le Maire a également eu un mot à l'égard des énergéticiens, dont le comportement doit être "exemplaire" et "solidaire" à l'égard des industriels, particulièrement des "énergo-intensifs", ceux qui nécessitent beaucoup d'énergie. "Trop d'entreprises me font remonter des propositions de tarifs délirants", a-t-il déploré. Le locataire de Bercy a, par ailleurs, réitéré son conseil destiné aux entrepreneurs de ne pas signer de contrat pour 2023, alors que des arbitrages doivent encore être rendus à l'échelon européen, notamment concernant le plafond d'aides d'État.

La suppression de la CVAE, un point de friction

Plusieurs élus ont déploré lors de l'audition la suppression de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Cet impôt local, critiqué par les entreprises, a généré environ 9 milliards d'euros de recettes fiscales en 2021. Il doit être supprimé en deux ans, d'abord de moitié en 2023, puis définitivement en 2024. Au grand dam des élus locaux, qui redoutent une moindre compensation financière, alors qu'ils doivent déjà composer avec la suppression programmée de la taxe d'habitation

"Vous cassez le lien entre entreprises et collectivités", a pointé Charles de Courson (Libertés, indépendants, outre-mer et territoires), qui a plaidé pour un dégrèvement, plutôt que pour une suppression nette. La CVAE concerne à 75 % des PME, à 25 % dans le secteur de l'industrie, a répondu Bruno Le Maire, évoquant une "bonne mesure". L'exécutif propose de compenser cette suppression par l'octroi d'une fraction de la TVA.

En parallèle, Caroline Cayeux, la ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales, a d'ores et déjà annoncé une hausse de la dotation globale de fonctionnement, à hauteur de 210 millions d'euros supplémentaires. Insuffisant, pour les collectivités territoriales, qui privilégiaient une indexation sur l'inflation. Quelques heures après la présentation du projet de loi de finances, André Laignel, président du Comité des finances locales, a vitupéré contre un texte "globalement calamiteux".

Le projet de loi de finances va maintenant être examiné en commission à partir du 4 octobre, puis à partir du 10 octobre en séance. Sans majorité absolue à l'Assemblée nationale, le gouvernement n'exclut pas le recours à l'article 49.3 pour faire passer le premier budget du second quinquennat d'Emmanuel Macron. Bruno Le Maire n'a ainsi pas hésité à déclarer, lors de la conférence de presse au Ministère de l’Économie, que "s'il y a encore une voie [pour se passer du 49.3], comme dirait [André] Gide, elle est étroite".