Principes de la République : le projet de loi adopté en deuxième lecture sans ajout majeur

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La question de la neutralité des assesseurs a agité les débats de la deuxième lecture ( Hans Lucas via AFP)
par Raphaël MarchalJason Wiels, le Jeudi 1 juillet 2021 à 19:27, mis à jour le Jeudi 1 juillet 2021 à 23:01

L'Assemblée nationale a voté ce jeudi 1er juillet, en deuxième lecture, le projet de loi confortant le respect des principes de la République. Les députés ont validé une version très proche de celle de la commission spéciale. Les débats, qui avaient en partie déjà eu lieu lors de la première lecture, ont tourné autour de l'instruction en famille et de la neutralité religieuse des assesseurs.

De l'aveu même de certains députés de la majorité interrogés par LCP, il ne fallait pas attendre beaucoup de nouveautés de l'examen dans l'hémicycle et en deuxième lecture du projet de loi "confortant le respect des principes de la République". Voté jeudi 1er juillet avec les voix de La République en marche, du MoDem et d'Agir, le texte n'a pas fondamentalement changé par rapport à la version de la commission spéciale. Cette dernière étant déjà revenue sur la plupart des modifications apportées par le Sénat. Au total, quelque 61 amendements ont été adoptés en séance publique, une majorité étant rédactionnels ou de précision.

Des débats familiers

Pour autant, l'unanimité est loin d'avoir été atteinte sur de nombreuses dispositions du projet de loi. Comme lors de la première lecture, certains sujets ont fracturé l'hémicycle. L'encadrement de l'instruction en famille en fait partie. Le projet de loi prévoit en effet de passer d'un simple système déclaratif à une autorisation préalable. Cette évolution a été critiquée par de nombreux groupes, à droite comme à gauche, et remise en question par certains jusqu'au sein de la majorité.

La rapporteure Anne Brugnera (LaREM) a ressorti son bâton de pèlerin pour défendre cette disposition dans l'hémicycle, nécessaire, selon elle, pour éviter des "dérives" et garantir les droits de l'enfant. Les nombreux amendements de suppression ont été écartés.

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Même chose concernant l'interdiction des burkini, portée par des députés Les Républicains, qui a fait, sans succès, son retour dans les travées, après les avoir animées en première lecture. "Le port du burkini s’assimile désormais à un étendard pour ceux qui revendiquent une appartenance religieuse, qu’ils veulent imposer aux autres", a ainsi plaidé Éric Ciotti, qui a dénoncé "une forme de violence imposée aux usagers des services publics". Son collègue Éric Pauget a pour sa part villipendé un "vêtement communautariste, avec une connotation religieuse", regrettant qu'un ajout du Sénat facilitant son interdiction ait été supprimé par la commission spéciale.

... et inédits

Cependant, au-delà des sujets déjà débattus en première lecture, d'autres questionnements ont émergé au cours de ce deuxième examen du projet de loi à l'Assemblée. Dans le contexte post-régionales, la neutralité religieuse, ou non, des assesseurs a fortement divisé l'hémicycle, qui a vivement échangé sur ce thème dans la soirée de mardi.

Le débat est venu d'un amendement du MoDem, qui a proposé d'introduire cette disposition. L'amendement concernait l'ensemble des signes religieux, mais les débats ont quasi exclusivement tourné autour du voile. Contrairement aux présidents de bureaux de vote, les assesseurs, citoyens bénévoles, ne sont aujourd'hui pas tenus de respecter la neutralité religieuse. Lors du 1er tour des élections régionales, la présidente voilée d'un bureau du Val-de-Marne avait dû échanger sa place avec celle d'un assesseur.

Comme l'a soutenu Bruno Millienne (MoDem), ainsi que plusieurs autres élus, le port d'un signe religieux ostensible présente le risque "d'influencer" un électeur juste avant son vote. Géraldine Bannier (MoDem) a également souligné qu'un électeur lambda pouvait difficilement faire la différence entre le président du bureau et un assesseur.

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Des arguments qui n'ont pas convaincu à gauche de l'hémicycle. Éric Coquerel (LFI) a fustigé "l'hypocrisie" d'une partie de la classe politique, voyant dans cette proposition un nouveau moyen de discriminer les musulmans. Lamia El Aaraje (PS) a elle aussi tempêté contre cette mesure, qui vise "bizarrement" encore les femmes.

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Certains députés LaREM ont également argumenté contre la proposition de leur allié centriste. Laetita Avia a dénoncé un "amendement Bardella". La tête de liste du Rassemblement national en Île-de-France ayant, quelques jours auparavant, fait beaucoup réagir en postant une photo d'une assesseure voilée. Annie Chapelier s'est désolée du visage offert par l'Assemblée, regrettant que ce débat ait lieu quelques jours après un scrutin marqué par une abstention record. "On est à côté de la plaque", a-t-elle soupiré. Finalement, après plus d'une heure et demie à couteaux tirés, l'amendement a été rejeté.

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Les réunions "non-mixtes" sont-elles séparatistes ?

Le groupe LR et un élu LaREM ont par ailleurs proposé de rétablir une disposition sénatoriale qui permet au gouvernement de dissoudre "les associations interdisant à une personne de participer à une réunion en raison de sa couleur de peau, de son origine, de son appartenance ou de sa non-appartenance à une ethnie ou à une nation". Dans le viseur des parlementaires, le syndicat étudiant Unef qui pratique des réunions en "non-mixité".

"Un syndicat étudiant qui reconnaît organiser des réunions interdites aux blancs, cela représente une atteinte inacceptable à l'égalité entre les êtres humains", a fait valoir François Jolivet (LaREM). "Ce qui est profondément en cause, ici, c’est l’universalisme à la française", a plaidé Annie Genevard (LR).

"Votre proposition soulève de nombreuses difficultés, (...) car la dissolution, c’est un peu le bazooka ou le lance-flammes", a rétorqué le rapporteur Éric Poulliat (LaREM), défavorable aux amendements. Pour son collègue Florent Boudié (LaREM), "il s’agit d’un dispositif d’affichage" car "tous les termes qu’il emploie figurent dans le droit existant". Le rapporteur général fait référence à l'article L. 212-1 du code de la sécurité intérieure, qui prévoit déjà la dissolution d'associations provoquant à la discrimination, à la haine ou à la violence envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur origine, ethnie, race ou une religion déterminée.

Marlène Schiappa, qui avait donné un avis de sagesse lors de l'examen du texte par les sénateurs, a cette fois rendu un avis défavorable aux amendements. "Ce que je peux vous dire à ce stade, c’est qu’il n’y a pas d’éléments caractérisés concernant l’Unef. Suis-je en désaccord avec ses agissements ? Oui, profondément, et je l’ai dit à de nombreuses reprises", a justifié la ministre déléguée chargée de la Citoyenneté, qui a suggéré aux députés LR de "porter plainte" s'ils sont "choqués par les comportements de l'Unef". Leurs amendements ont été rejetés par 11 voix contre 57.

Les principaux points du texte

Pour rappel, le projet de loi contient plusieurs mesures destinées à lutter contre le "séparatisme" et le "terreau du terrorisme". Il redéfinit les relations avec les associations, qui devront respecter un contrat d'engagement républicain pour recevoir des subventions publiques et favorise, le cas échéant, leur dissolution administrative. Le texte contient en outre des mesures destinées à protéger les agents du service public, à lutter contre la haine en ligne et contre la divulgation malveillante d'informations personnelles (décidées notamment suite à l'assassinat terroriste de l'enseignant Samuel Paty).

Par ailleurs, le projet de loi prévoit une meilleure transparence des cultes et de leur financement, ainsi que des mesures pour éviter que la pratique du sport ne soit parfois détournée et ne devienne un facteur de radicalisation. Il lutte par ailleurs contre les certificats de virginité, les mariages forcés ou encore la polygamie. Charge désormais au Sénat d'examiner le projet de loi en nouvelle lecture.