Prêt bancaire russe au RN : Marine Le Pen dément toute contrepartie et dénonce une "campagne de diffamation"

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Marine Le Pen à l'Assemblée, mercredi 24 mai 2023
Marine Le Pen à l'Assemblée, mercredi 24 mai 2023
par Raphaël Marchal, le Mercredi 24 mai 2023 à 20:39, mis à jour le Jeudi 25 mai 2023 à 10:33

Auditionnée par la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, Marine Le Pen a notamment démenti toute contrepartie au prêt obtenu en 2014 par le Front national auprès d'une banque tchéco-russe, alors qu'aucun établissement européen ne voulait financer son parti. La présidente du groupe Rassemblement nationale à l'Assemblée s'est dite victime d'une "campagne de diffamation".

Pendant près de 4 heures, Marine Le Pen a répondu au feu roulant des questions de la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, créée en décembre dernier par l'Assemblée nationale à la demande du groupe qu'elle préside. Ce mercredi 24 mai, la cheffe de file des députés Rassemblement national a avant tout été interrogée sur les conditions d'octroi d'un prêt de 9,4 millions d'euros contracté en 2014 auprès d'une banque tchéco-russe par le Front national, alors qu'elle en était la dirigeante.

Marine Le Pen a tout d'abord insisté sur les difficultés rencontrées à l'époque par le FN pour financer son fonctionnement et ses campagnes électorales. "Nous avons saisi 200 établissements bancaires. Aucun n'a accepté de nous faire un prêt", a-t-elle déploré. En 2013, la cheffe du parti avait diligenté un ex-eurodéputé FN, Jean-Luc Schaffhauser, pour trouver des banques ouvertes à l'idée de leur prêter de l'argent. Seuls des établissements situés en Iran, en Chine et en Russie ont accédé à la requête du FN, a-t-elle rapporté devant la commission d'enquête.

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Aux députés, Marine Le Pen l'a affirmé : jamais l'octroi de ce prêt n'a eu une quelconque influence sur ses opinions géopolitiques, "ni avant ni après l'annexion de la Crimée". "Il n'y a rien de plus infamant pour une patriote que de se voir suspectée d'être influencée par une Nation étrangère", a-t-elle martelé. Elle a précisé n'avoir jamais évoqué ce prêt avec Vladimir Poutine, lors de son entrevue avec le chef d'État russe en 2017, ni avec aucun autre responsable politique russe.

En outre, a-t-elle assuré, jamais elle n'aurait emprunté à l'étranger si une banque française avait accepté de le faire. Sur ce point, Marine Le Pen a regretté que l'idée de mettre en place une "banque de la démocratie", notamment souhaitée par François Bayrou et qui aurait permis de financer les instances politiques, ait fait long feu. Et d'ajouter : "Quand je serai élue, j'interdirai les prêts étrangers et je créerai cette banque de la démocratie."

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"Une campagne de diffamation"...

Jugeant sans fondement les soupçons et accusations la visant elle et le Rassemblement national, la présidente du groupe RN de l'Assemblée s'est plusieurs fois dite victime depuis quelques annés d'une "campagne de diffamation", s'en prenant tout particulièrement à Emmanuel Macron. Selon elle, le président de la République aurait choisi de proférer des accusations "électoralistes" lors de la dernière campagne présidentielle, en laissant entendre que Marine Le Pen serait sous influence russe. Lors du débat d'entre-deux tours, le chef de l'État avait estimé qu'elle parlait "à [son] banquier quand elle parle de la Russie". "Je signe un prêt avec une banque, pas avec Vladimir Poutine", a-t-elle rétorqué devant la commission d'enquête.

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À contrario, Marine Le Pen a dénoncé le "procès en opinion" qui lui serait fait, notamment sur le départ de Viktor Ianoukovytch d'Ukraine en 2014 ou à propos de ses déclarations sur l'annexion de la Crimée par la Russie la même année, soulignant que d'autres personnalités politiques ont pu par le passé avoir des inclinaisons favorables envers la Russie, sans qu'il soit nourri à leur égard des soupçons de collusion avec Moscou.

La cheffe de file des députés RN a ainsi cité des élus du Parti socialiste et des Républicains - dont Nicolas Sarkozy et François Fillon - , ou encore Emmanuel Macron, qui avait reçu Vladimir Poutine à Brégançon en 2019. "Il y a une sacrée hypocrisie à venir me reprocher des positions géopolitiques, alors que l'ensemble de la classe politique avait les mêmes."

... contre "tropisme pro-russe"

Au cours de l'audition de Marine Le Pen, la rapporteure de la commission d'enquête, Constance Le Grip (Renaissance), l'a longuement interrogée sur le "tropisme pro-russe" de sa famille politique et sur le rachat de la créance du RN par une société privée russe - la banque qui avait accordé le prêt ayant fait faillite. "Je n'ai pas de tropisme pro-russe, j'ai un tropisme pro-France", a répondu la triple candidate à l'élection présidentielle. 

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Marine Le Pen a également évoqué son impuissance quant à la structure qui a racheté la créance, se disant davantage menacée par ce processus du fait des règles strictes relatives au financement de la vie politique en France. "Ce prêt est d'une transparence totale, il est parfaitement légal, parfaitement vérifié", a-t-elle martelé à plusieurs reprises, rappelant qu'aucune procédure judiciaire n'avait été déclenchée, ni aucun signalement de Tracfin.

Plusieurs députés ont, par ailleurs, souligné que la méfiance des banques envers le Front national, à l'époque, pouvait également s'expliquer par la mauvaise situation financière du parti, qui a longuement flirté avec la faillite. En fin d'audition, Constance Le Grip a même pointé la "stratégie de victimisation" mise en place par le RN aujourd'hui.

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Julien Bayou (Écologie), Laurent Esquenet-Goxes (Démocrate), comme Charles Sitzenstuhl (Renaissance), ont en outre reproché à Marine Le Pen la décision d'avoir attendu pour commencer à rembourser le prêt, 75 % de la somme restant encore à payer, ce qui place, selon eux, le RN en position de "débiteur de la Russie". Un remboursement trop prompt aurait mis en péril l'existence du parti et sa capacité à financer son fonctionnement, a-t-elle répondu. 

Au fil d'échanges parfois vifs, la double finaliste de l'élection présidentielle face à Emmanuel Macron a questionné le cadre de l'audition, jugeant que certaines questions dépassaient le périmètre de la commission d'enquête et se plaignant de la tournure parfois trop "politique" prise par l'exercice. Lors de la création de cette commission d’enquête, son président, Jean-Philippe Tanguy (Rassemblement national), avait estimé que celle-ci serait l’occasion pour le RN de "laver [son] honneur", les autres groupes y voyant une tentative de "diversion".

L'audition de Marine Le Pen était la dernière programmée par la commission d'enquête sur les ingérences étrangères, dont les conclusions sont attendues au début du mois de juin.