Présidentielle : la bataille de l'enseignement

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Thibaut Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence Kagni, le Lundi 11 avril 2022 à 14:21, mis à jour le Vendredi 15 avril 2022 à 17:53

Emmanuel Macron et Marine Le Pen portent des philosophies et des propositions très différentes en matière d'éducation et d'enseignement. Le Président-candidat prône notamment une plus grande liberté pédagogique pour les équipes enseignantes, tandis que Marine Le Pen souhaite davantage d'uniformité au sein du système scolaire même si elle prévoit de supprimer le collège unique.

C'est un des axes les plus saillants de son programme : Emmanuel Macron veut entamer une profonde réforme de l'Education nationale. Lors de sa conférence de presse du 17 mars, le président de la République a annoncé sa volonté de "donner plus de liberté aux équipes pédagogiques" afin qu'elles puissent "porter un projet". En clair, le Président-candidat souhaite laisser la possibilité à chaque établissement "d'expérimenter d'autres organisations, avec une continuité éducative différente, des nouvelles démarches pédagogiques".

S'appuyant sur l'expérimentation lancée à Marseille en septembre 2021, Emmanuel Macron évoque même la possibilité pour les chefs d'établissements de participer à la sélection des professeurs qui intégreront leur équipe en "récusant des profils". L'ensemble de ces changements auraient lieu à l'issue d'une "large concertation" à laquelle seraient associés "les enseignants, les équipes éducatives et administratives, les parents d'élèves, les élus, les associations, [mais] également les élèves au collège et au lycée". Le candidat de La République en marche promet enfin "plus de transparence pour les élèves et les parents" en rendant publics les "résultats de toutes les évaluations" au niveau de chaque établissement et même de chaque classe. 

Une vision mise en cause avant le premier tour de l'élection présidentielle par le Snuipp-FSU. Le syndicat, majoritaire dans le primaire, a dénoncé un projet qui "renforce l’individualisation au détriment des apprentissages collectifs" et "une libéralisation totale avec une mise en concurrence des écoles".

A l'inverse, Marine Le Pen, souhaite plus d'uniformité entre les écoles, collèges et lycées, tout en voulant mettre fin, indique son programme, "aux illusions du collège unique". La candidate du Rassemblement national propose que le Parlement puisse fixer, "de manière concise et limitative", "ce qui est attendu des élèves à la fin de chaque cycle". Il reviendrait donc à la loi de "définir les modalités concrètes d'enseignement", afin de "limiter les ruptures d'égalité". Les programmes et "les labels validant les manuels scolaires" relèveraient pour leur part du ministre de l'Education nationale.

Le 12 avril, après le premier tour, le syndicat Snuipp-FSU a qualifié de "danger mortel" le vote en faveur de Marine Le Pen et dénoncé une vision du monde "réactionnaire et inégalitaire". Le Snuipp-FSU dénonce notamment la "volonté de réécrire les programmes scolaires" et le choix de "revenir à un 'roman national' qui déploie une vision apologétique de la nation française pour mieux favoriser le chauvinisme et le nationalisme conquérant".

Mieux rémunérer les professeurs

Pour mettre en œuvre sa réforme, Emmanuel Macron propose un "pacte nouveau pour les enseignants" avec à la clé une hausse "significative" de leur rémunération. A une condition : les professeurs devront accepter de "nouvelles missions, par exemple le remplacement des professeurs absents" ou un "suivi plus individualisé des élèves, notamment pour l'aide aux devoirs". Il n'y aura donc pas de hausse généralisée des salaires, exception faite du dégel du point d'indice (un indicateur qui permet de calculer le salaire brut d'un fonctionnaire) promis par le gouvernement pour "avant l'été".

De son côté, Marine Le Pen promet une augmentation des salaires des professeurs, "du primaire au lycée", de 3% par an pendant cinq ans. Une mesure au coût qui serait, selon elle, "en large partie couvert par une réduction des dépenses administratives au sein du ministère". La candidate du Rassemblement national propose également une réforme de la formation des professeurs et souhaite supprimer les instituts nationaux supérieurs du professorat et de l'éducation (Inspé) : une fois admis au CAPES ou à l'agrégation, les professeurs seraient formés par des "pairs expérimentés au sein des établissements scolaires". La titularisation interviendrait à l'issue d'une "double inspection pédagogique".  Emmanuel Macron, lui, propose "plus de formation des professeurs pour qu'ils puissent s'approprier les meilleurs innovations pédagogiques".

Savoirs fondamentaux

Pendant son quinquennat, avec l'appui du ministre de l'Education nationale Jean-Michel Blanquer, Emmanuel Macron a mis l'accent sur les "savoirs fondamentaux", à savoir "lire, écrire, compter et respecter autrui". Une dynamique que le Président-candidat entend amplifier en proposant dans son programme d'"augmenter les heures de français et de mathématiques en primaire et en sixième". Marine Le Pen est dans la même logique : la candidate du Rassemblement national propose d'accroître "significativement" le nombre de cours des élèves du primaire mais aussi de donner la "priorité absolue" au français, aux mathématiques et à l'histoire de France.

Depuis 2017, Emmanuel Macron a rendu l'instruction obligatoire dès trois ans et aussi engagé le dédoublement des classes en grande section, CP et CE1 dans l'éducation prioritaire (REP et REP+). Marine Le Pen veut poursuivre cette dynamique : elle souhaite dédoubler toutes les classes de grande section et de CP en fixant un plafond de 20 élèves par classe.

La candidate du Rassemblement national veut, par ailleurs, mettre un terme au collège unique, qualifié de "machine à échecs", avec la mise en place de "classes de niveau dès le début du collège". Si elle est élue, le diplôme national du brevet deviendra un "examen d'orientation post 3e" : en fonction des résultats et des bulletins de notes de l'élève, celui-ci sera dirigé vers une filière générale, technologique, professionnelle ou vers l'apprentissage. Marine Le Pen veut par ailleurs abroger la réforme du lycée et du baccalauréat menée par Jean-Michel Blanquer : "Cet examen, qui est le premier diplôme de l'enseignement supérieur, retrouvera son statut d'examen terminal national", écrit la candidate dans son programme. Emmanuel Macron, lui, promet de modifier la réforme engagée par son gouvernement en proposant de réintégrer les mathématiques dans le tronc commun du lycée.

Voie professionnelle

Concernant les universités, Emmanuel Macron veut "ouvrir toutes les places nécessaires dans les filières du supérieur et en développant davantage de filières courtes et professionnalisantes". Dans son programme, le Président-candidat assure qu'il "régulera les filières qui ne mènent pas assez à l'emploi". Il souhaite aussi "renforcer l'autonomie" des universités "pour en faire des opérateurs de recherche à part entière afin d'atteindre les meilleurs standards internationaux".

De son côté, Marine Le Pen propose un complément de revenu versé par l'Etat pour les étudiants qui occupent un emploi : ce complément serait équivalent à 20% du revenu, plafonné à 200 euros par mois. Pour les boursiers, il serait équivalent à 30% du revenu, plafonné à 300 euros. Les étudiants devront valider leur semestre pour obtenir le versement de ce complément.

La candidate du Rassemblement propose aussi un "chèque apprentissage" destiné aux jeunes et aux entreprises. De son côté, Emmanuel Macron promet de faire du lycée professionnel une "voie d'excellence" : "Les périodes passées en stage en entreprise augmenteront de 50%, et les jeunes seront rémunérés", indique son programme. Par ailleurs, de la 5e à la 3e, les élèves seront amenés à découvrir plusieurs métiers "dont les métiers techniques et manuels".

Les deux candidats veulent faire plus pour les élèves handicapés : Emmanuel Macron, qui assure avoir augmenté de 35% le nombre d'accompagnants des élèves en situation de handicap (AESH), propose d'augmenter à 35 heures leur temps de travail hebdomadaire afin de revaloriser leur rémunération et "mieux aider les enfants". Marine Le Pen se prononce, elle, pour un "grand plan sur l'accès à la scolarité pour les enfants touchés par le handicap".

La candidate du Rassemblement national propose aussi le port de l'uniforme à l'école primaire et au collège, la suspension des allocations familiales et des bourses "en cas d'absentéisme avéré et de perturbations graves et répétées", mais aussi des "sanctions-plancher" qui devront être appliquées en conseil de discipline. Emmanuel Macron souhaite, quant à lui, mettre l'accent sur la lutte contre le harcèlement scolaire, notamment en généralisant et en renforçant les "délégués non au harcèlement scolaire". Le président de la République sortant prévoit aussi 30 minutes de sport par jour en primaire dès 2022 et deux heures en plus par semaine au collège.