Présidentielle : l'immigration, figure imposée, mais pas thème central de la campagne

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Des migrants à Calais en décembre 2020
Des migrants à Calais en décembre 2020 (DENIS CHARLET / AFP)
par Raphaël Marchal, le Lundi 28 mars 2022 à 17:15, mis à jour le Mercredi 13 avril 2022 à 11:36

De la fin du regroupement familial à la refonte du système Schengen en passant par régularisation automatique de clandestins, les propositions en matière d'immigration sont très différentes d'un candidat à l'autre. Ces dernières semaines, la question de l'asile et des réfugiés a pris une résonance particulière en raison de l''invasion de l'Ukraine par la Russie.

Axe majeur du programme de certains candidats, sujet moins central pour d'autres, le thème de l'immigration est un passage obligé de la campagne présidentielle sans être pour autant au coeur de celle-ci. D'un côté à l'autre du champ politique, les candidats à l'Elysée font des propositions parfois diamétralement opposées allant du durcissement des conditions d'accueil à la facilitation du parcours des migrants.

Mieux maîtriser l'immigration

Le président sortant, Emmanuel Macron, a déjà œuvré dans ce sens au cours de son mandat. La principale pierre à son édifice : la loi "asile et immigration", du 10 septembre 2018. Le texte visait à réduire les délais d'instruction des demandes d'asile tout en facilitant les reconduites à la frontière des déboutés. Mais le candidat Macron ne compte pas en rester là. Dans son programme, il propose de "mieux maîtriser l'immigration", en faisant en sorte de décider "beaucoup plus rapidement" qui est éligible à l'asile et expulser ceux qui ne le sont pas. À l'échelle de l'Union européenne, il souhaite faire aboutir la réforme de Schengen et renforcer l'agence Frontex.

En parallèle, Emmanuel Macron se prononce sur l'intégration des candidats à l'asile et à l'immigration. Là encore, il propose de durcir les règles en vigueur. Ainsi, il veut que les titres de séjour longue durée, comme certains droits, ne soient accordés qu'aux personnes qui réussissent un examen de français et qui obtiennent du travail. Les étrangers qui "troublent l'ordre public" seraient, par ailleurs, expulsés du territoire.

La fin du regroupement familial

L'immigration est et reste surtout un thème central et porteur pour les candidats d'extrême droite. A commencer par Éric Zemmour. Le candidat de Reconquête veut ainsi arrêter l'immigration pour "préserver notre identité", fustigeant les "choix dramatiques" qui ont, selon lui, été faits depuis les années 1970 en la matière. Comme Marine Le Pen, il prône la suppression du regroupement familial et la suppression du droit du sol. Tous deux veulent aussi aller vers un durcissement des conditions pour accéder à la naturalisation. Éric Zemmour se démarque, par ailleurs, en proposant la fin de l'accès aux soins gratuits pour les étrangers clandestins et des aides sociales pour les non-européens.

L'ancienne plume du Figaro promet également de limiter drastiquement le nombre de bénéficiaires du droit d'asile : seule une centaine d'individus seraient selon lui concernés, tandis que 135 000 demandes ont, par exemple, été déposées en 2019. Parmi les nombreuses mesures qu'il défend, figurent la création d'une force de garde-frontières à statut militaire, la fin du renouvellement "quasi-systématique" des titres de séjour, ou encore la création d'un ministère de le "remigration". 

L’absence de maîtrise de l’immigration depuis des décennies a conduit à ce
que l’assimilation des étrangers présents sur le sol national devienne impossible. Elle a conduit au communautarisme, au séparatisme. Programme de Marine Le Pen (RN)

La candidate Rassemblement national propose, quant à elle, de soumettre aux Français une loi modifiant la Constitution, par voie référendaire, afin de décider de la politique migratoire, mais également d'instaurer une "priorité nationale" pour l’emploi et le logement et de définir les conditions de naturalisation. Selon Marine Le Pen, une loi référendaire, approuvée par le peuple, aurait l'avantage de permettre la mise en oeuvre des dispositions aujourd'hui inapplicables en raison de la Constitution. Outre les mesures déjà citées, figurent aussi la restriction du droit d'asile, la remise en cause de la libre circulation des personnes aux frontières, ou encore la déchéance de nationalité.

Une "immigration incontrôlée"

Dans son projet, Valérie Pécresse promet de "reprendre le contrôle de nos frontières" et la fin de "l'immigration incontrôlée", avec des propositions parfois très proches de  à celles d'Eric Zemmour et de Marine Le Pen. À savoir, la suppression du regroupement familial systématique et du droit du sol automatique — des preuves d'assimilation seront demandées pour valider la naturalisation. Comme Emmanuel Macron, elle souhaite que conditionner l’obtention de la carte de séjour à la réussite d’un examen sur la maîtrise du français.

La candidate LR soumet l'idée d'instaurer une politique de quotas d'accueil pour sélectionner les étrangers admis à pénétrer sur le sol français. Ces quotas seraient laissés à la main du Parlement. L'objectif est toutefois de diviser l'immigration par deux et le regroupement familial par trois. Les demandeurs d'asile devront déposer leur dossier à l'étranger ou aux frontières. Dans l'attente de l'examen de leur demande, ils seront placés dans des centres administratifs fermés, et renvoyés en cas de refus.

Par ailleurs, Valérie Pécresse propose un délai de 5 ans de résidence légale pour le versement des allocations, et la fin des avantages sociaux pour les personnes en situation irrégulière. Enfin, elle promet de conforter les décriés test osseux pour déterminer l'âge d'une personne qui se présente comme un mineur isolé. En cas de refus, cette personne sera présumée majeure.

Des conditions indignes

De l'autre côté du champ politique, Jean-Luc Mélenchon déplore la montée en puissance de Frontex et l'accueil "indigne" des migrants dans l'Union européenne. Il propose d'abroger la loi "asile et immigration", mise en œuvre durant le quinquennat d'Emmanuel Macron, et de sortir du règlement Dublin qui régit actuellement le système de demandes d'asile. Le député insoumis plaide plus généralement pour faciliter le parcours des immigrés, que ce soit au niveau des démarches administratives ou via la mise en place d'un titre de séjour de dix ans comme référence. Il prône également la régularisation automatique des travailleurs sans papiers.

L’Union européenne ne sait pas accueillir les migrants, l’État français développe un rejet inquiétant des étrangers. Programme de Jean-Luc Mélenchon (LFI)

Décriant "l'Europe forteresse", le candidat de La France insoumise table davantage sur le développement d'une coopération et d’échange économiques avec les pays africains, au bénéfice de leur population. Il souhaite, par ailleurs, la mise en place d'un corps européen civil de secours et de sauvetage en mer, destiné à éviter les milliers de morts lors de la traversée de la Méditerranée. Le renforcement de la protection des mineurs étrangers comme la garantie du droit d'asile comptent parmi les mesures de son programme. Enfin, il défend la création d'un statut de réfugié climatique, temporaire ou durable en fonction des événements.

Logiquement, une mesure similaire est soutenue par Yannick Jadot. Le candidat d'Europe Ecologie - Les Verts prône la mise en place de visas humanitaires et de visas spéciaux pour les déplacés climatiques. Comme Jean-Luc Mélenchon, il promet la facilitation des démarches administratives, une révision du dispositif d'accueil et la régularisation automatique de certaines personnes en situation irrégulière. La rétention des mineurs sera interdite, et la durée des titres de séjour fixée à 5 ans.

L'Ukraine rebat les cartes

Comme en matière de politique internationale ou de pouvoir d'achat, l'invasion russe en Ukraine est venue percuter la campagne présidentielle et le discours de certains candidats sur l'immigration. Pointé du doigt pour son refus initial d'accueillir des réfugiés Ukrainiens, Éric Zemmour s'est livré à un exercice d'équilibriste. "S'ils ont des attaches avec la France, de la famille en France, nous leur donnerons des visas. Ce que je ne veux pas, c'est qu'il y ait un tsunami fondé sur l'émotion", a-t-il déclaré sur le plateau de BFMTV-RMC, début mars.

Soutenant l'accueil des réfugiés ukrainiens sur le territoire, Marine Le Pen, elle, a dressé une distinction entre les premiers nommés et les réfugiés syriens. Elle a ainsi jugé plus "naturel" d'accueillir des européens, ouvrant la voie à un droit d'asile à géométrie variable. Valérie Pécresse, pour sa part, s'est également corrigée après avoir initialement marqué une préférence pour un accueil organisé dans les pays limitrophes de l'Ukraine. 

À ce jour, 26 000 réfugiés ukrainiens sont arrivés en France, selon le Premier ministre, Jean Castex. Quelque 10 500 autorisations provisoires de séjour ont été accordées. D'ores et déjà, dix millions de personnes, soit un quart de la population ukrainienne, ont été déplacées de leur foyer à l'intérieur ou à l'extérieur du pays, a recensé le Haut Commissaire des Nations unies pour les réfugies, Filippo Grandi.