PLFSS 2022 : le budget de la Sécu encore marqué par la crise du Covid

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Martin Bertrand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP
par Maxence KagniSoizic BONVARLET, le Vendredi 8 octobre 2021 à 11:20, mis à jour le Lundi 25 octobre 2021 à 12:57

La commission des affaires sociales de l'Assemblée débute, lundi 11 octobre, l'examen du projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2022 avec l'audition des ministres. Malgré une baisse prévue des dépenses liées à la pandémie de Covid-19, le "trou de la Sécu" reste conséquent.

L'Assemblée nationale débute ce lundi l'examen du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale pour l'année 2022. Le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, la ministre déléguée chargée de l'Autonomie, Brigitte Bourguignon, et le ministre délégué chargé des Comptes publics, Olivier Dussopt, vont présenter devant la commission des affaires sociales un PLFSS qui porte encore les stigmates de la crise du Covid-19.

Le déficit de la Sécurité sociale (régime général + fonds de solidarité vieillesse) restera très élevé en 2022 : il devrait être de -21,6 milliards d'euros. Un chiffre qui est toutefois en amélioration par rapport à l'année précédente (-34,6 milliards) et à 2020 (-38,7 milliards). Le déficit devrait rester important pendant plusieurs années, et devrait se situer à -13,3 milliards d'euros en 2025.

L'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) est quant à lui en légère baisse, à -0,6%. "Cette réduction s’explique exclusivement par une moindre incidence des mesures exceptionnelles liées à la crise sanitaire de la Covid‑19 par rapport à l’année précédente", explique le gouvernement. En retranchant les dépenses liées au Covid, l'Ondam progresse de 3,8%, un chiffre qui passe à 2,6% si on enlève en plus les dépenses liées au Ségur de la santé.

"Projet pré-électoral"

Le gouvernement table sur une nette amélioration du contexte sanitaire en 2022. Les sommes bloquées pour gérer les dépenses exceptionnelles liées au Covid sont en chute libre : après 18,3 milliards en 2020, 14,8 milliards en 2021, il provisionne 4,9 milliards d'euros en 2022, dont 3,3 pour la campagne vaccinale.

Par ailleurs, 2,7 milliards d'euros supplémentaires seront débloqués en 2022 pour financer de nouvelles mesures du Ségur de la santé, comme les revalorisations salariales des catégories C, des aides-soignants ou des sages-femmes hospitalières. Entre 2020 et 2022, ce sont près de 12,5 milliards d'euros qui ont été consacrés au Ségur. Un bilan défendu fin septembre par Brigitte Bourguignon : "C'est une somme que personne n'a jamais mis sur la table depuis des années", a déclaré la ministre déléguée chargée de l'Autonomie, lors d'une séance de questions au gouvernement.

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L'Ondam hospitalier (hors mesures Covid et Ségur) augmente quant à lui de 2,7% en 2022 : "C'est le premier PLFSS depuis 2007 sans économies, mêmes cachées, pour l'hôpital", a déclaré Olivier Véran, lors de la séance des questions au gouvernement du 5 octobre. Il répondait au député Jean-Pierre Door (Les Républicains), qui voyait dans ces chiffres un "PLFSS de fin de mandat, peut-être même un projet pré-électoral".

Contraception, pensions alimentaires, crack

Le PLFSS finance aussi de nouvelles mesures, comme la prise en charge intégrale par l'Assurance maladie obligatoire des frais liés à la contraception pour les femmes jusqu'à 25 ans. Autre disposition : le texte facilite l'accès à la complémentaire santé solidaire. Les bénéficiaires du RSA en bénéficieront automatiquement, tandis que les démarches des bénéficiaires du minimum vieillesse (ASPA) seront simplifiées.

Le PLFSS renforce également le système de garantie des pensions alimentaires : désormais, toutes les pensions alimentaires seront versées par l'intermédiaire de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires (ARIPA), sauf si les parents le refusent expressément. On passe ainsi d'un système d'"opt-in" (les parents demandent sa mise en œuvre) à un système d'"opt-out" (les deux parents demandent de ne pas en bénéficier). Un dispositif réputé plus protecteur pour les femmes seules, qui ne disposent pas toujours de l'information nécessaire ou n'osent pas demander la mise en œuvre de la garantie.

Par ailleurs, le débat sur la gestion des problèmes liés au trafic et à la consommation de crack à Paris pourrait s'inviter lors des discussion au sein de la commission des affaires sociales. Un article du PLFSS prévoit une prolongation jusqu'au 31 décembre 2025 de l'expérimentation des "salles de shoot", aussi appelées "salles de consommation à moindre risque". Ces lieux changeront de nom et s'appelleront désormais "Halte soins addictions".

Autonomie

La grande loi sur l'autonomie un temps promise par l'exécutif ne verra pas le jour d'ici à la fin du quinquennat. Mais le gouvernement profite du dernier PLFSS avant l'élection présidentielle pour introduire certaines mesures en faveur des aides à domicile et des Ehpad. 

Ainsi, certains Ehpad seront dotés d'une nouvelle mission de "centre de ressources territorial", une nouveauté financée à hauteur de 20 millions d'euros par la branche autonomie en 2022. Les médecins coordonnateurs seront plus présents dans les établissements, et il y aura davantage d'astreinte infirmière de nuit : ces deux mesures coûteront 50 millions d'euros en 2022. La création de 10.000 équivalents temps plein est annoncée d'ici à 2025.

Le projet de loi fixe à 22 euros par heure le tarif plancher national des aides à domicile afin de mettre un terme aux disparités de prise en charge en fonction des départements. Les coûts supplémentaire créés par cette mesure seront financés par l'Etat. Le texte propose également de mettre progressivement en œuvre le versement en temps réel du crédit d'impôt et des aides sociales liées au service à la personne.

Enfin, 143 millions d'euros de dépenses nouvelles sont prévues pour le handicap, notamment pour créer des places nouvelles.

Psychiatrie

Autre volet de ce PLFSS, la santé mentale. Alors que la psychiatrie est réputée être le "parent pauvre" de la médecine, le président de la République a annoncé plusieurs mesures à l’occasion des Assises de la santé mentale et de la psychiatrie, qui se sont tenues les 27 et 28 septembre derniers.

Et pour cause, la crise sanitaire liée au Covid-19 s’est aussi avérée une épidémie psychiatrique, qui s’est traduite par une hausse inquiétante des pathologies en lien notamment avec l’anxiété générée par le virus, et l’isolement de nombreux Français en raison du confinement.

Trois principales annonces ont été formulées par Emmanuel Macron, toutes ayant vocation à être concrétisées dans le PLFSS. Le recrutement de personnels d’abord, avec la création de 800 postes dans les centres médico-psychologiques. Le président de la République avait précisé que ces renforts devaient permettre de "réduire au maximum les délais d'attente", qui sont parfois "supérieurs à 18 mois dans les territoires les plus en tension".

Par ailleurs, les consultations chez un psychologue de ville seront remboursées dès l'âge de trois ans. Pour ce faire, les patients devront être adressés sur prescription médicale dans le cadre d'un forfait de huit consultations remboursées, le tarif de la première séance s’élevant à 40 euros, et les suivantes à 30 euros. Le parcours de soins sera renouvelable une fois et d’une année sur l’autre. Le gouvernement a prévu de consacrer à cette seule mesure 50 millions d’euros en 2022, puis 100 millions par an. Enfin, un service téléphonique d’accès d’urgence aux soins psychiatriques sera déployé 24h/24.

Travailleurs indépendants

Autres annonces du président de la République mises en œuvre par ce PLFSS, les mesures de soutien aux travailleurs indépendants, qui représentent un peu plus de trois millions de personnes en France, et dont les revenus ont souvent été impactés par la crise sanitaire. Aussi, pour préserver leurs droits à la retraite, ils bénéficieront d’un nombre de trimestres validés en 2020 et 2021, équivalent à la moyenne des trimestres validés lors de leurs trois derniers exercices.

Emmanuel Macron a par ailleurs évoqué une "réforme de simplification" pour les démarches administratives des indépendants, avec en particulier, la création d’un "portail commun du recouvrement fiscal et social".

Le statut de "conjoint collaborateur", qui permet notamment au conjoint d’un chef d’entreprise de bénéficier d’une protection sociale, et qui était jusqu’à présent réservé à l’époux ou au partenaire lié par un pacte civil de solidarité (PACS), sera étendu au concubin.

Enfin, les entrepreneurs qui déclarent en cours d’activité un revenu estimé servant de base de calcul pour le paiement de leurs cotisations prévisionnelles, seront désormais exemptés de la majoration de retard, à laquelle ils étaient soumis lorsque le revenu définitif était supérieur de plus d’un tiers du revenu estimé. 

Ce train de mesures sera détaillé et soumis à l'approbation des députés à partir de lundi, avant l'examen du PLFSS dans l'Hémicycle de l'Assemblée qui débutera le 20 octobre.