Petites communes : les députés s'attaquent à un angle mort de la parité

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Elodie Jacquier-Laforge
par Soizic BONVARLET, le Jeudi 3 février 2022 à 16:29, mis à jour le Jeudi 3 février 2022 à 18:59

Les députés se sont prononcés, jeudi 3 février, en première lecture, en faveur de la proposition de loi "visant à renforcer la parité dans les fonctions électives et exécutives du bloc communal". Examinée dans le cadre de la journée d'initiative parlementaire réservée au groupe MoDem, elle étend aux communes de moins de mille habitants le scrutin de liste paritaire lors des élections municipales.

"Aujourd’hui c’est un petit pas pour l’homme mais un grand pas pour la femme", s'est réjouie Élodie Jacquier-Laforge (MoDem), en préambule de la présentation de sa proposition de loi. Elle a rappelé qu'un "édifice paritaire" s'était construit pierre après pierre au cours des vingt dernières années, mais que "deux zones blanches" subsistaient : "les conseils municipaux des communes de moins de mille habitants et les exécutifs intercommunaux".

Les petites communes largement majoritaires en France

Les communes de moins de mille habitants représentent 71% de ces entités territoriales en France. La loi du 17 mai 2013 a appliqué le scrutin de liste paritaire aux communes de plus de mille habitants, et imposé des binômes hommes-femmes aux élections départementales, mais les plus petites communes en sont jusqu'à présent exemptées, et restent soumises au scrutin uninominal majoritaire.

Par voie de conséquence, et en raison de la forte proportion de ces petites communes en France, 80% des maires sont des hommes, quand ils sont également majoritaires à raison de 62, 4% dans les conseils municipaux de ces communes. En revanche, Élodie Jacquier-Laforge l'a rappelé, "dans les communes de plus de mille habitants, là où s’applique la parité, les conseils municipaux comportent 48, 5% de femmes".

"Sans mesure législative, les facteurs expliquant la sous-représentation des femmes sont si enracinés que la parité ne s’applique jamais d’elle-même" en a conclu la rapporteure. Des propos corroborés par la présidente de la commission des lois, Yaël Braun-Pivet (La République en marche), selon laquelle "ces progrès ne tombent pas du ciel, ils sont le fruit des lois".

Les craintes sur les capacités à présenter des listes

Si le gouvernement, en la personne du ministre chargé des Relations avec le Parlement et de la Participation citoyenne, Marc Fesneau, s'est dit partie prenante de cette ambition paritaire, il a formulé une position de sagesse "au nom de l’équilibre entre l’objectif de parité et le principe constitutionnel de pluralisme politique". L'argument, relayé par plusieurs députés, étant que dans les plus petites communes, il serait déjà difficile de trouver des candidats pour constituer ne serait-ce qu'une liste, et que la dimension paritaire rajouterait une contrainte supplémentaire.

Les arguments opposés à ce texte aujourd’hui, sont exactement les mêmes que ceux que l’on nous opposait il y a vingt ans. En commission en entendant certains de nos collègues, j’ai vécu une cure de rajeunissement : on ne trouverait pas en nombre suffisant les femmes pour constituer des listes, et cela nuirait donc à la diversité politique. Marie-George Buffet

Marie-George Buffet (Gauche démocrate et républicaine), particulièrement impliquée dans l'examen du texte que son groupe a soutenu, a considéré que les arguments opposés étaient précisément les mêmes que ceux qui étaient formulés à l'occasion des débats autour de la loi du 6 juin 2000 sur l'égal accès des femmes et des hommes aux fonctions électives. "En commission en entendant certains de nos collègues" a raconté la députée communiste, "j’ai vécu une cure de rajeunissement : on ne trouverait pas en nombre suffisant les femmes pour constituer des listes, et cela nuirait donc à la diversité politique". Avant de conclure : "Tous ces arguments sont balayés par la place occupée aujourd’hui par les femmes".

En outre, pour parer à l'éventuelle difficulté de faire émerger des candidats à parité réelle, la proposition de loi "autorise le dépôt de listes incomplètes". Si Jean-Félix Acquaviva (Libertés et Territoires) a souhaité instaurer un palier à 500 habitants, au-dessous duquel la mesure ne s'appliquerait pas, son amendement n'a pas été retenu.

La proposition de loi, examinée en première lecture, a été adoptée à une large majorité de 105 voix pour, 3 contre.