Perte d'autonomie : les députés ouvrent la voie à une nouvelle branche de la Sécu

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(GARO/Phani/AFP)
par Jason WielsVincent Kranen, le Lundi 8 juin 2020 à 18:56, mis à jour le Jeudi 15 avril 2021 à 16:56

Dans deux projets de loi examinés lundi en commission spéciale, les députés ont adopté le transfert d'une dette de 136 milliards d'euros à la caisse d'amortissement de la dette sociale et formalisé la naissance d'une branche de la Sécurité sociale dédiée à la perte d'autonomie.

La crise du Covid-19 affole les finances publiques. Alors qu'un nouveau Budget rectificatif est attendu mercredi en Conseil des ministres (le troisième en trois mois), les députés ont achevé lundi l'examen en commission spéciale de deux projets de loi, organique et ordinaire, sur la dette sociale et la perte d'autonomie.

L'objectif premier affiché par le gouvernement : transférer 136 milliards d'euros à la Caisse d’amortissement de la dette sociale (Cades), organisme chargé d’éponger les déficits accumulés par la Sécurité sociale. 

Ce chiffre, loin d'être anodin, reprend pour 31 milliards d'euros des déficits passés, transfère pour 13 milliards une partie de la dette hospitalière et provisionne un financement de 92 milliards pour les années 2020-2023 "au titre du financement des déficits futurs". Autrement dit, est ainsi créée une "dette Covid-19" dont les effets se feront sentir longtemps après la crise sanitaire, entre baisse des cotisations et hausse assumée des dépenses, notamment l'augmentation attendue de la rémunération des soignants.

Pour le ministre des Solidarités et de la Santé, Olivier Véran, il s'agit d'une "opération de bonne gestion", face à des "déficits inéluctables" :

Devant l'Assemblée, son collègue chargé des Comptes publics Gérald Darmanin a d'ores et déjà confirmé le plongeon dans le rouge vif des comptes de la Sécu à - 52,2 milliards d'euros pour 2020.

Une opération pas rentable ?

Ce montage financier ne satisfait cependant pas une partie de l'opposition et des groupes minoritaires de l'Assemblée. Certains estiment en effet que c'est à l'État d'assumer ces charges sur les comptes publics. Delphine Bagarry (EDS) rappelle, par exemple, que le Premier ministre lui-même avait annoncé, fin 2019, que l'État reprendrait la dette hospitalière.

Par ailleurs, "l'État emprunte à des taux plus favorables que les agences sociales", objecte Boris Vallaud (PS). Le gouvernement s'engage-t-il dans une mauvaise opération financière afin de ne pas alourdir davantage son propre déficit ? Selon le rapporteur général du Budget, Laurent Saint-Martin (LaREM), le montant de 136 milliards d'euros permettra des "maturités beaucoup plus longues" sur les marchés, ce qui donnerait à la Cades la possibilité de se financer "comme le Trésor sait aujourd'hui le faire pour l'État".

Le projet de loi organique prolonge en tout cas l'existence de la Cades au 31 décembre 2033, alors que l'organisme devait s'éteindre en 2024. Ses ressources actuelles (CRDS, une fraction de la CSG et une contribution du Fonds de réserve des retraites, soit 17,6 milliards € en 2018) continueraient à être prélevées pendant dix ans supplémentaires.

Une cinquième branche votée mais à définir... et à financer

Par ailleurs, le gouvernement compte lui affecter 0,15 point de CSG supplémentaire à partir de 2024 pour financer la prise en charge de la perte d'autonomie. Le but était de préparer le terrain à la création d'une nouvelle branche pour couvrir ce besoin face au vieillissement de la société française :

Un agenda que les députés de la majorité ont voulu finalement accéléré en commission avec le vote lundi soir d'un amendement du député LaREM Thomas Mesnier. Celui-ci modifie le code de la Sécurité sociale en spécifiant officiellement la création de la cinquième branche dédiée à la "prise en charge de la perte d’autonomie".

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Un sous-amendement de la majorité est également venu légèrement raccourcir le délai octroyé au gouvernement pour la remise d'un rapport sur ses modalités et son financement. Celui-ci devra être remis au plus tard le 15 septembre et non plus le 30, de façon à augmenter le temps de la concertation, selon les auteurs de la disposition.

Les députés de l'opposition ont raillé le caractère "historique" du vote, pointant le flou toujours présent sur le financement d'une nouvelle branche. La fraction de 0,15 point de CSG ne représente qu'un peu plus de deux milliards d'euros, loin des neuf milliards d'euros par an à l'horizon 2030 nécessaires à son fonctionnement selon le rapport Libault.

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Le secrétaire d'Etat auprès du ministre des Solidarités et de la Santé, Adrien Taquet, a évoqué lundi soir la nécessité d'un "mix de financements publics nécessairement complexes, nécessairement évolutifs". Il faudra attendre la publication du rapport du gouvernement puis l'examen, à l'issue d'une période de concertation, du prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, à l'automne, pour que le gouvernement dévoile toutes ses pistes.