Loi sur l’audiovisuel : Franck Riester veut "intégrer" Netflix à "notre modèle" culturel

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par Maxence Kagni, le Mercredi 26 février 2020 à 18:34, mis à jour le Mercredi 4 mars 2020 à 16:44

Les plateformes américaines comme Netflix devront, si le projet de loi relatif à la communication audiovisuelle est adopté dans la version préparée par le gouvernement, financer les créations locales à hauteur de 25% de leur chiffre d'affaires. Elles devront également rendre accessibles leurs programmes aux personnes en situation de handicap.

"Notre modèle culturel français repose sur des règles et des valeurs." Mercredi, le ministre de la Culture, Franck Riester, a présenté aux députés le projet de loi "relatif à la communication audiovisuelle et à la souveraineté culturelle à l’ère numérique". Le ministre était auditionné sur ce texte par la commission des affaires culturelles et de l'éducation de l'Assemblée.

Face à l'émergence de Netflix, qui revendique plus de six millions d'abonnés en France, le gouvernement veut "intégrer" les plateformes américaines "à notre modèle" culturel sans "renoncer à ce que nous sommes".

Car aujourd’hui, les nouveaux acteurs de la culture "échappent à la plupart des règles" qui pèsent sur TF1, M6 ou encore France Télévisions.

Le projet de loi prévoit donc de soumettre Netflix à une "obligation de financer des films et des séries françaises et européennes" à hauteur de 25% de son chiffre d'affaires réalisé en France. "Il y aura plus de créations françaises produites par Netflix", a assuré Franck Riester.

Producteurs "délégués"

Dans le cadre de ce texte, le ministre veut obliger les plateformes américaines à respecter "les fondements du droit d'auteur à la française" : il souhaite que celles-ci aient recours au système des "producteurs délégués" lorsqu'elles financeront des productions indépendantes.

Selon l'étude d'impact du projet de loi, les plateformes préfèrent pour l'instant le modèle américain du "producteur exécutif", c'est-à-dire un modèle reléguant les producteurs à de simples prestataires de services.

Cette stratégie, rentable sur le court terme, les prive cependant "de la valeur patrimoniale rattachée aux œuvres sur le long terme".

La loi prévoit également d'imposer des "clauses type" dans les contrats de production. Elles auront pour but d'interdire le rachat par les plateformes des droits rattachés à un film "sans limitation de territoire ou de durée".

Par ailleurs, les services de vidéo à la demande comme Netflix, mais aussi OCS (Orange) et CanalPlay (Canal+) auront, comme les chaînes traditionnelles, "obligation de rendre accessible les programmes aux personnes en situation de handicap".

Salles de cinéma

"La loi ne se fera pas contre les plateformes, mais avec elles", a toutefois affirmé Franck Riester. Netflix, Amazon Prime Video et bientôt Disney+ "apportent un service que nos concitoyens apprécient", a-t-il souligné.

Le ministre de la Culture a semblé faire un pas en direction des acteurs américains du secteur. Il a indiqué "inciter, inviter, les [organisations professionnelles] à se mettre autour de la table" afin d'envisager une réforme de la chronologie des médias.

Netflix, qui ne peut proposer des films que 36 mois après leur sortie en salle, aimerait pouvoir les diffuser plus rapidement.

Selon les estimations du Monde, le projet de loi pourrait contraindre le géant américain à financer les productions locales à hauteur de 200 millions d'euros : "Un acteur numérique qui souhaiterait être aussi vertueux que Canal+ devrait pouvoir bénéficier des mêmes accords avec les producteurs", a estimé la rapporteure générale du texte, Aurore Bergé (LaREM).

"Si les acteurs ne prennent pas leurs responsabilités, ce sera aux pouvoirs publics de le faire le moment venu", a cependant menacé Franck Riester.

Le projet de loi, qui prévoit par ailleurs de regrouper Radio France, l'Ina, France Télévisions et France Médias Monde, au sein d'une même "holding" nommée France Médias, sera examiné en séance publique à partir du lundi 30 mars.