Loi pour une société de confiance : le défenseur des droits dénonce des risques d’atteintes à la vie privée

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par Vincent Kranen, le Mercredi 10 janvier 2018 à 18:45, mis à jour le Mardi 20 octobre 2020 à 21:28

Auditionné mercredi à l'Assemblée nationale, Jacques Toubon a alerté sur une disposition du projet de loi prévoyant "l'expérimentation", dans quatre départements, de la suppression de la fourniture de documents originaux d'attestation de domicile pour la fourniture de papiers d'identité. En retour, ce seraient les préfectures qui vérifieraient directement auprès des prestataires la réalité de la consommation d'eau, d'électricité ou de téléphone des demandeurs de papiers d'identité.

Le projet de loi "pour un Etat au service d'une société de confiance" constitue-t-il un danger pour nos données personnelles ? La question se pose après les déclarations du défenseur des droits Jacques Toubon. Devant les députés de la commission spéciale chargés d'examiner le texte, le défenseur des droits évoque une initiative "négative d'un point de vue des libertés et de la préservation de la vie privée".

De quoi s'agit-il ?

L'article 23 du projet de loi prévoit que les demandeurs de papiers d'identité n'auront plus, à leur "demande", à fournir les documents originaux d'attestations de domicile. Une disposition qui permettrait, selon l'étude d'impact, de lutter contre la falsification des documents justifiant la domiciliation des individus.

Une expérimentation sera ainsi lancée "dans les départements du Nord, des Yvelines, de l’Aube et du Val d’Oise", dit le texte. Dans ces départements, les citoyens apporteraient seulement les références de ces justifications de domicile, charge ensuite aux préfectures et administrations de vérifier auprès des opérateurs (EDF, Veolia, Orange...) la réalité de leur domiciliation.

"Confiance" ou "défiance" ?

Ces opérateurs fourniraient donc aux services de l'Etat des données personnelles des demandeurs de papiers d'identités, déplore Jacques Toubon. Une mesure "paradoxale" selon lui, car "elle repose en réalité sur la défiance à l'égard de la fiabilité des documents exigés" et "permettra un renforcement du contrôle, auprès du fournisseur, qui sera tenu de communiquer à l'administration les données à caractère personnel permettant de vérifier la réalité du domicile".

Jacques Toubon ironise sur ce projet de loi qui revendique au contraire un "Etat au service d'une société de confiance"... Une mesure "de simplification" d'après le projet de loi. "Vous allez avoir une face claire de la mesure et derrière une face plus sombre, avec la possibilité d'aller chercher en réalité des données personnelles", regrette le défenseur des droits qui n'a pas reçu de réponse de la part des députés.